"Il faut construire un projet pour la Martinique", estime Myriam Cottias après la destruction des statues de Victor Schoelcher

Statue détruite à Fort-de-France
Le 22 mai, deux statues de Victor Schoelcher ont été détruites en Martinique par des activistes qui estiment que l'histoire de l'abolition de l'esclavage ne doit pas passer par ce personnage. Pour l'historienne Myriam Cottias, cet acte doit inviter à repenser les pouvoirs en Martinique. 
La destruction de deux statues de Victor Schoelcher en Martinique le 22 mai, jour de la commémoration de l'abolition de l'esclavage en Martinique, a suscité de nombreuses réactions dans la société martiniquaise. D'une part, ceux qui condamnent cet acte, appelant comme Aimé Césaire "à ne pas céder à la tentation de réécrire l’histoire".

Et d'autre part, ceux qui comprennent le geste des activistes, souhaitant que le combat pour l'abolition de l'esclavage ne soit pas uniquement associé à Victor Schoelcher. "Nous en avons assez, nous jeunes Martiniquais d'être entourés de symboles qui nous insultent", avait expliqué une jeune femme sur les réseaux sociaux, expliquant "assumer" la destruction des statues. 

Pour Myriam Cottias, historienne et directrice du Centre international de recherches sur les esclavages et post-esclavages, il ne faut pas faire de Victor Schoelcher une figure honnie car son rôle reste prédominant dans l’abolition de l’esclavage. Mais il faut aussi reconnaître le rôle joué par les révoltes d'esclaves dans cette abolition :

L'abolition de l'esclavage est multifactorielle : il y a l'action des abolitionnistes, les révoltes d'esclaves et puis un troisième élément qu'on évoque très peu, c'est le développement du sucre de betterave au milieu du 19ème siècle, un sucre qui est industrialisé, qui coûte beaucoup moins cher en terme de production que le sucre de canne à sucre et qui n'est pas entaché moralement par l'esclavage. Et donc c'est dans la conjonction de ces trois éléments que l'abolition de l'esclavage va être élaborée.


Myriam Cottias, interrogée par Célia Cléry :

Myriam Cottias

 

Une histoire de transmission ?

Myriam Cottias analyse cette action comme une forme d'expression d'un "mal-être", une "dénonciation des pouvoirs politiques en Martinique" et de "l'organisation socio-économique" de l'île. "Ou alors, c'est que l'histoire produite par les historiens n'est pas entendue et qu'elle n'est pas assez bien transmise", ajoute-t-elle. 
 

Myriam Cottias


L'historienne estime alors que cette destruction doit être l'occasion de repenser la structure de la société martiniquaise et la manière dont son histoire est enseignée aux jeunes générations. 
 

Je pense que la classe politique au sens large, avec les mouvements politiques, ont à réfléchir sur deux choses : sur la construction des pouvoirs et sur l'organisation des pouvoirs au sein de la Martinique, mais aussi construire un projet pour la Martinique et un projet pour la jeunesse. La destruction n'est pas un avenir, c'est une sorte d'éradication du passé mais qu'est-ce qu'on en fait ? Qu'est-ce qu'on construit après ça ?

 

Myriam Cottias