Incendies en Amazonie : le Brésil refuse l'aide internationale et appelle Macron à s'occuper "de ses colonies"

Emmanuel Macron et Jair Bolsonaro, le 28 juin 2019, lors d'un sommet du G20 à Osaka, au Japon
La crise diplomatique entre la France et le Brésil se poursuit. Lundi le G7 a voté une aide internationale de 20 millions de dollars pour aider à la lutte contre les incendies. Il y a quelques heures, le Brésil a refusé l'aide internationale et s'est livré à une nouvelle attaque contre E. Macron.
Le Brésil, en poursuivant sa rhétorique anti-Macron, a opposé dans la nuit de lundi à mardi une fin de non-recevoir à l'aide d'urgence proposée par les pays du G7, et affirmé que les incendies en Amazonie, qui ont encore progressé en ce début de semaine, étaient "sous contrôle".
    
Onyx Lorenzoni, le chef de cabinet du président brésilien Jair Bolsonaro (exerçant des fonctions équivalentes à celles d'un chef de gouvernement), a formalisé le rejet de l'aide par Brasilia en lançant sur le site G1: "Nous remercions (le G7 pour son offre d'aide, ndlr), mais ces moyens seront peut-être plus pertinents pour la reforestation de l'Europe".


Les "colonies"    

"Macron n'arrive même pas à éviter un incendie prévisible dans une église qui fait partie du patrimoine mondial de l'humanité, et il veut nous donner des leçons pour notre pays?", a également lancé M. Lorenzoni dans une allusion à l'incendie qui a touché la cathédrale Notre Dame de Paris le 15 avril dernier. Tout en priant le président français de s'occuper de ses "colonies", dans le droit-fil des précédentes attaques du président Bolsonaro à l'encontre de son homologue.
    
Le dirigeant d'extrême droite avait amorcé le rejet de l'aide en tweetant: "Nous ne pouvons accepter qu'un président, Macron, lance des attaques déplacées et gratuites contre l'Amazonie, ni qu'il déguise ses intentions derrière l'idée d'une +alliance+ de pays du G7 pour +sauver+ l'Amazonie, comme si c'était une colonie". "Le respect de la souveraineté de quelque pays que ce soit est le minimum qu'on puisse attendre dans un monde civilisé", avait-il ajouté, après plusieurs jours d'échanges musclés entre les deux dirigeants.
    

20 millions de dollars

Les sept pays les plus industrialisés, réunis à Biarritz, dans le sud-ouest de la France, avaient promis de débloquer d'urgence 20 millions de dollars pour envoyer des avions bombardiers d'eau supplémentaires. Le G7 est tombé d'accord pour un plan d'aide "d'au moins 30 millions" de dollars, a ensuite précisé M. Macron, destiné à la reforestation, au niveau de l'ONU, qui doit être finalisé au cours de l'Assemblée générale des Nations unies fin septembre.
   

Situation "un peu exagérée" 

Dimanche, M. Macron avait par ailleurs déploré les propos "extraordinairement irrespectueux" du chef de l'Etat brésilien à l'encontre de son épouse Brigitte, disant espérer "très rapidement" que les Brésiliens "auront un président qui se comporte à la hauteur". A la veille du G7, M. Macron avait accusé M. Bolsonaro de lui avoir "menti" sur ses engagements en matière d'écologie et annoncé que la France s'opposait désormais à l'accord controversé de libre-échange entre l'UE et le Mercosur, un groupe de pays sud-américains, dont le Brésil.
    

Qu'en est-il des feux?

Lundi, le ministre brésilien de la Défense a assuré que les incendies en Amazonie étaient "sous contrôle", après le déploiement de plus de 2.500 militaires et des pluies signalées dans plusieurs des régions concernées. La situation "a été un peu exagérée", a ajouté Fernando Azevedo e Silva, qui a affirmé devant des journalistes à la sortie d'une réunion avec Jair Bolsonaro que le Brésil avait connu certaines années des "pics d'incendies beaucoup plus
graves".
    
Quelque 1.113 nouveaux départs de feu ont été recensés dimanche au Brésil par l'Institut national de recherche spatiale (INPE). Au total, près de 80.000 feux de forêt ont été répertoriés au Brésil depuis le début de l'année -- un plus haut depuis 2013 -- dont plus de la moitié en Amazonie.
    
Dans l'Etat de Rondônia (nord-ouest), frontalier de la Bolivie, la ville de Porto Velho restait couverte de larges nuées de fumées lundi, malgré la mobilisation depuis dimanche par l'armée de deux avions C-130 Hercules.  A l'hôpital pour enfants Cosme e Damião, plusieurs familles attendent de voir un médecin. Dans cette ville d'un demi-million d'habitants, les pathologies vont de la toux sèche aux irritations oculaires, en passant par des troubles respiratoires ou des fièvres pouvant dégénérer en pneumonie.
    
"La fumée peut être très agressive. Les plus affectés sont les enfants et les personnes âgées", explique à l'AFP Sergio Pereira, le directeur de cet établissement qui a vu sa fréquentation augmenter.
   

"Journée du feu" 

Outre les appareils des forces aériennes, des dizaines de pompiers y ont été dépêchés pour lutter contre la progression des flammes. Le Brésil a également accepté l'aide d'Israël, qui a proposé d'envoyer un avion. 
    
Jusqu'à présent, sept Etats, dont celui de Rondônia, ont fait appel à l'armée, dont 43.000 soldats basés en Amazonie. Mais le nombre des soldats réellement déployés sur le terrain et leur mode d'intervention restaient flous. Des personnels et des avions citerne du Chili et de l'Equateur devaient prochainement entrer en action, selon le ministre de la Défense brésilien. Israël doit envoyer "100 tonnes de matérail anti-incendie", a dit à l'AFP une porte-parole de l'ambassade israélienne à Brasilia.
    
Jair Bolsonaro, sous une intense pression internationale, a ordonné une enquête sur des producteurs ruraux de l'Etat de Para (nord) accusés d'avoir organisé une "journée du feu" le 10 août en soutien aux efforts du président d'extrême droite pour affaiblir la surveillance de la protection environnementale.
    
Une majorité de Brésiliens (53,7%) désapprouvent la politique menée par Jair Bolsonaro, qui enregistre une forte baisse de sa popularité durant ces six derniers mois, selon un sondage publié lundi.
    
L'Amazonie, dont 60% de la surface se trouve au Brésil, s'étend aussi en Bolivie, Colombie, Equateur, Guyane française, Guyana, Pérou, Surinam et Venezuela.