Ingénieure dans le spatial et mère célibataire, Erika Vélio, la fusée réunionnaise qui s'est posée aux Pays-Bas

Depuis quatre ans, Erika Vélio est ingénieure chez Airbus Pays-Bas. Responsable qualité, elle travaille sur Orion, capsule qui enverra la première femme sur la lune en 2024. Côté perso, elle élève seule deux adolescents. Plongée dans la vie d'équilibriste de cette enfant de Saint-Paul à La Réunion.

D'un côté, il y a la femme active, ingénieure dans l'aérospatial, cheffe d'équipe, élue au comité d'entreprise et intervenante dans des écoles de son île natale. De l'autre, il y a la maman célibataire d'Annahé, 11 ans, et Antony, 12 ans. Pour concilier les deux, une organisation à la néerlandaise et un pont entre La Réunion et les Pays-Bas : le temps partiel, le télétravail, les visites du papa des enfants, le soutien de sa famille… 

Femme, ingénieure et engagée

Sur le site d'Airbus de Leyde, Erika est l'une des petites fourmis qui oeuvrent sur un gigantesques projet international. Avec son équipe, la Réunionnaise travaille sur des panneaux solaires et leurs bras articulés. D'ici quelques mois, ils équiperont la capsule Orion de la Nasa. Avec le concours de l'Agence spatiale européenne, elle enverra en 2024 - et pour la première fois de l'Histoire - une astronaute femme sur la lune. Fière de participer à ce grand chantier, la Réunionnaise rêve d'ores et déjà de "cette capsule qui se pose sur la lune et que descende une femme, pas avec ses talons évidemment, mais avec son costume d'astronaute et qu'elle pose son pied sur la lune." 

Au-delà de l'exploit et de la nouveauté, la Réunionnaise espère que le projet Orion contribuera à changer le regard posé sur la femme en montrant "encore plus aux yeux de tous que la femme a le droit de travailler, d'avoir des ambitions, de plein de choses, liste l'ingénieure. Et même le droit de ne pas travailler, ce n'est pas une obligation non plus. C'est vraiment vouloir briser ce plafond de verre et de toujours avancer pas après pas pour pouvoir réaliser son rêve, ses ambitions."

Viser la lune, mais connaître ses limites

Que de chemin parcouru pour la petite fille née à Saint-Paul à La Réunion et qui a grandi "dans une maison en tôle""Mon chemin de vie, j'en suis très satisfaite parce que je viens de loin. Je pense que dans ma famille, ou dans mon quartier, parmi les gens qui me connaissent, on n'aurait pas pu penser que je puisse réaliser un si beau parcours (...) Ma mère ne travaillait pas à l'époque, mon père est garagiste, on ne voyait pas plus loin que le bout de la rue."

Son poste chez Airbus Pays-Bas lui donne beaucoup de satisfaction, mais aussi "de la crédibilité pour montrer aux autres que c'est possible". Avec, en arrière-plan, l'envie que d'autres femmes et jeunes filles croient en elles-mêmes, en leurs capacités. Pour y parvenir, Erika Vélio intervient dans les écoles de son île natale, afin d'encourager les jeunes Réunionnais à viser, à leur tour, les étoiles. Sur le mur de son bureau, deux posters ornés de dessins d'étoiles, de noms d'élèves et de photos, témoignages d'une interviention, il y a quelques mois, dans des écoles de la commune de La Possession à La Réunion. 

 

Organisation à la néerlandaise

Rien de cela ne serait possible sans une organisation de son travail bien spécifique. Plus qu'à Toulouse où elle a travaillé un an, plus qu'en Guyane où elle a passé deux ans, la Réunionnaise explique "se sentir bien" dans l'entreprise néerlandaise, car elle y a trouvé "une écoute, une attention". "Ici, on cherche vraiment à répondre à un besoin d'équilibre entre la vie personnelle et professionnelle, explique-t-elle. J'ai commencé à travailler en temps partiel sans même avoir à convaincre mon chef de travailler en temps partiel (…) Ça m'a permis de trouver un équilibre entre ma vie de famille et ma vie professionnelle sans me sentir freiner dans mes ambitions."

Je connais mes limites et quand je suis épuisée - parce que ça arrive ! - je m'arrête. Avant même de dépasser mes limites, j'ai des signes.

Erika Vélio


"En Guyane française où je travaillais énormément, mes enfants étaient plus gardés par des baby-sitters que par moi, ça m'a permis de me donner à fond dans mon travail. Et aujourd'hui je connais les signes de mon corps qui me disent arrête-toi et je le fais." 

La famille d'abord

Ce jour-là, Erika accompagne, à vélo, son fils Antony à son cours de piano. Sa fille, Annahé, est partie explorer les environs avec sa grand-mère. Car si cette vie bien remplie est possible, c'est aussi parce que l'ingénieure peut compter sur le soutien de sa maman. Thérèse a pris des congés et quitté La Réunion plusieurs semaines pour faciliter la rentrée des enfants aux Pays-Bas : "Quand elle m'a dit que je devrais venir avec elle, j'étais contente, ça me manquait, sourit la Saint-Pauloise. Je travaille oui, mais à un moment, il faut lâcher prise. Donc quand elle m'a proposée de venir voir mes petits-enfants, j'étais contente."

Partie de Uno sur la terrasse de l'appartement d'Oegstgeest, et malgré les protestations, Thérèse remporte la première manche.


La famille s'est installée dans la région de Hollande méridionale il y a quatre ans. Les enfants s'y plaisent car, expliquent-il, ils ont trouvé ici une plus grande liberté que dans les grandes villes françaises. Et une maman plus "attentionnée", avoue Annahé. Erika explique : "C'est le simple fait d'être venus vivre ici. J'ai le temps de faire des activités en dehors de mon travail. Et je me donne vraiment à fond dans le travail et on voit que le degré d'efficacité est plus élevé." Tout va bien, donc aux Pays-Bas, Antony l'a bien remarqué. Il rêve désormais de faire "le même métier que maman", ingénieur dans l'aérospatial. 

 

©reunion
Erika Vélio : une réunionnaise au service de l'aérospatiale