Sophrologue et sexologue clinicienne, Isabelle Gace est spécialisée en santé sexuelle et en thérapie de couple. Dans l’interview accordée à La1ere.fr, elle définit la nature de son activité et évoque les dynamiques spécifiques aux Outre-mer.
D’origine guadeloupéenne, Isabelle Gace est sophrologue et sexologue. Formée à différentes approches allant de l’addictologie à la psycho-sexologie, en passant par la programmation neuro-linguistique (PNL) et le yoga, elle consulte dans son cabinet parisien et anime également des ateliers de formation. Isabelle Gace intervient dans de nombreux domaines : gestion du stress, conduites addictives, assistance aux victimes de violences conjugales ou sexistes, accompagnement des adolescents et de jeunes transgenres, état de stress post-traumatique, épuisement professionnel, etc. Elle répond aujourd'hui aux questions de La1ere.fr.
Vous êtes sophrologue et sexologue clinicienne, métiers encore peu connus et peu pratiqués dans les Outre-mer. Quelles sont donc ces disciplines ?
Isabelle Gace : La sexualité fait partie intégrante des éléments qui déterminent l’état de santé des individus. Contribuant à notre équilibre mental et physique, notre bien-être émotionnel, elle participe à notre qualité de vie. Lorsqu’elle devient source de souffrance, que ces difficultés soient la conséquence de troubles fonctionnels ou de blocages psychologiques, la sophrologie se révèle une réponse efficace pour revenir à une sexualité satisfaisante.
Contrairement au Canada où l’on peut devenir sexologue après des études secondaires, le cursus de sexologie en France s’appuie obligatoirement sur un diplôme professionnel de santé ou de psychologie. C’est ainsi que chaque praticien.ne utilise ses connaissances de base et se spécialise en sexologie humaine. En tant que sophrologue et sexothérapeute certifiée en sexogestalt par le Dr. Charles Gellman, je me suis formée à la Faculté de médecine à Paris V et obtenu un diplôme d’université en psycho-sexologie et santé sexuelle. Depuis, je propose en sexothérapie une alliance de la sophrologie et de la sexologie comme thérapeutique des dysfonctions sexuelles et ressource permettant de vivre en santé sexuelle.
La sophrologie appartient au champ des thérapies psycho-corporelles. Créée dans les années 70 par Alfonso Caycedo, un neuropsychiatre colombien, c’est une discipline scientifique conçue pour maîtriser l’équilibre corps/esprit. A l’origine essentiellement utilisée dans le domaine médical, elle amène au lâcher-prise par une prise de conscience de son corps et de ses sensations. En restaurant un imaginaire positif de la sexualité, la sophrologie aide à renforcer la confiance dans sa capacité à donner et recevoir du plaisir.
Comment cela se traduit-il concrètement dans la thérapie ?
Les outils spécifiques de la sophrologie sont la relaxation dynamique, la respiration en conscience et les visualisations positives, qui contribuent à développer un schéma corporel positif, réinstallent en douceur une estime de soi mise à mal, notamment chez des personnes victimes d’abus sexuels. Ces outils permettent également de dépasser un trouble sexuel comme une éjaculation rapide, des dyspareunies (douleurs éprouvées lors de rapports sexuels), et de soulager des douleurs liées à une endométriose (inflammation de l'endomètre, le revêtement interne de l'utérus).
La demande clinique en sexologie nous confronte à l’intime de l’Autre et bien au-delà du symptôme, elle se situe dans un contexte sociétal où le sexe, la performance, la norme sont omniprésents, avec pour conséquence une dévalorisation de soi, de la culpabilité, des doutes sur sa compétence sexuelle. Dans l’intimité de mon cabinet, il n’y a pas de recettes toutes faites pour « être performant sexuellement », devenir un « athlète du sexe » ou atteindre l’extase en toutes circonstances. Elles n’existent pas. En revanche grâce aux outils de la sophrologie, on peut apprendre à construire une sexualité positive favorisant une vie affective, relationnelle et sexuelle source d’épanouissement.
D’après votre expérience, considérez-vous qu’il existe des spécificités ou des dynamiques particulières relatives à la sexualité dans les Outre-mer, du moins aux Antilles-Guyane où vous êtes intervenue ?
A la question des « dynamiques » particulières relatives à la sexualité dans les Outre-Mer, ce qui interpelle et inquiète au plus haut point, ce sont les chiffres révélés par les enquêtes KABP Antilles-Guyane et La Réunion conduites par l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, ndlr) concernant l’entrée des femmes dans la vie sexuelle. Car si elle se fait sensiblement au même âge que dans l’Hexagone, elle est surtout nettement moins souhaitée en terres ultramarines. Derrière cette formulation, on retrouve des pratiques sexuelles constitutives d’agressions sexuelles, de viols et dont le nombre est, au regard de ces enquêtes, nettement supérieur à celui de la France métropolitaine.
En outre, ces mêmes enquêtes rapportent que nombre de violences sexuelles sont commises sur fond de consommation excessive d’alcool et de stupéfiants. Mais comment parler, de façon objective et impartiale de ces réalités, si ce n’est en interrogeant les Ultramarin.es eux/elles-mêmes ? Comment si ce n’est en cherchant à travers leurs propos, leurs critiques, leurs confidences, quelles sont leurs préoccupations, leurs aspirations, le sens profond de leur lutte et de leurs renoncements, leurs motivations à surmonter un trauma sexuel pour réussir leur projet de vie ?
C’est à partir de ces questionnements que j’ai orienté mon mémoire de recherche clinique en addictologie sur les effets de la consommation du crack sur la sexualité. J’ai eu la chance de réaliser mon stage clinique auprès des bénéficiaires du Centre de Soins d’Accompagnement de Prévention en Addictologie-Généraliste rattaché au Centre Hospitalier de Montéran en Guadeloupe. L’occasion d’appréhender, sous ses différentes facettes, le vécu sexuel de femmes et d’hommes né.es et/ou vivant en Guadeloupe, dont certaines étaient porteuses de la drépanocytose.
La co-animation d’un atelier sur le thème des addictions sexuelles à partir du visionnage du film « Shame » (du metteur en scène afro-britannique Steve McQueen qui a réalisé également « Hunger » et « Twelve Years a Slave », ndlr) a mis en lumière une particularité propre aux Antilles : celle de vivre en milieu insulaire, dans un contexte de proximité humaine où le regard de l’autre se fait plus scrutateur, plus pesant et où la confidentialité peut être malmenée. Avec un souci de la confidentialité exposé, par des jeunes participantes à cet atelier, sur une île où tout le monde se connaît et où des membres de votre famille peuvent travailler dans une structure administrative, judiciaire ou hospitalière et donc être facilement informés de votre « situation ». En effet, les questions relatives aux sexualités sont particulièrement sensibles aux Antilles, notamment en cas d’inceste, de grossesses précoces ou de violences sexuelles conjugales et il peut être difficile de porter plainte et de la faire aboutir dans de telles conditions.
A ce titre, la Stratégie nationale de santé sexuelle du ministère de la Santé prévoit dans son axe VI de « prendre en compte les spécificités de l’Outre-mer pour mettre en œuvre l’ensemble de la stratégie de santé sexuelle. » Parmi ses priorités figurent le renforcement de l’éducation à la sexualité avec pour objectif particulier de renforcer la lutte contre les violences en prévenant les comportements sexistes et homophobes mais également en développant la prise en charge des victimes de violences.
Vous êtes sophrologue et sexologue clinicienne, métiers encore peu connus et peu pratiqués dans les Outre-mer. Quelles sont donc ces disciplines ?
Isabelle Gace : La sexualité fait partie intégrante des éléments qui déterminent l’état de santé des individus. Contribuant à notre équilibre mental et physique, notre bien-être émotionnel, elle participe à notre qualité de vie. Lorsqu’elle devient source de souffrance, que ces difficultés soient la conséquence de troubles fonctionnels ou de blocages psychologiques, la sophrologie se révèle une réponse efficace pour revenir à une sexualité satisfaisante.
Contrairement au Canada où l’on peut devenir sexologue après des études secondaires, le cursus de sexologie en France s’appuie obligatoirement sur un diplôme professionnel de santé ou de psychologie. C’est ainsi que chaque praticien.ne utilise ses connaissances de base et se spécialise en sexologie humaine. En tant que sophrologue et sexothérapeute certifiée en sexogestalt par le Dr. Charles Gellman, je me suis formée à la Faculté de médecine à Paris V et obtenu un diplôme d’université en psycho-sexologie et santé sexuelle. Depuis, je propose en sexothérapie une alliance de la sophrologie et de la sexologie comme thérapeutique des dysfonctions sexuelles et ressource permettant de vivre en santé sexuelle.
La sophrologie appartient au champ des thérapies psycho-corporelles. Créée dans les années 70 par Alfonso Caycedo, un neuropsychiatre colombien, c’est une discipline scientifique conçue pour maîtriser l’équilibre corps/esprit. A l’origine essentiellement utilisée dans le domaine médical, elle amène au lâcher-prise par une prise de conscience de son corps et de ses sensations. En restaurant un imaginaire positif de la sexualité, la sophrologie aide à renforcer la confiance dans sa capacité à donner et recevoir du plaisir.
Comment cela se traduit-il concrètement dans la thérapie ?
Les outils spécifiques de la sophrologie sont la relaxation dynamique, la respiration en conscience et les visualisations positives, qui contribuent à développer un schéma corporel positif, réinstallent en douceur une estime de soi mise à mal, notamment chez des personnes victimes d’abus sexuels. Ces outils permettent également de dépasser un trouble sexuel comme une éjaculation rapide, des dyspareunies (douleurs éprouvées lors de rapports sexuels), et de soulager des douleurs liées à une endométriose (inflammation de l'endomètre, le revêtement interne de l'utérus).
La demande clinique en sexologie nous confronte à l’intime de l’Autre et bien au-delà du symptôme, elle se situe dans un contexte sociétal où le sexe, la performance, la norme sont omniprésents, avec pour conséquence une dévalorisation de soi, de la culpabilité, des doutes sur sa compétence sexuelle. Dans l’intimité de mon cabinet, il n’y a pas de recettes toutes faites pour « être performant sexuellement », devenir un « athlète du sexe » ou atteindre l’extase en toutes circonstances. Elles n’existent pas. En revanche grâce aux outils de la sophrologie, on peut apprendre à construire une sexualité positive favorisant une vie affective, relationnelle et sexuelle source d’épanouissement.
D’après votre expérience, considérez-vous qu’il existe des spécificités ou des dynamiques particulières relatives à la sexualité dans les Outre-mer, du moins aux Antilles-Guyane où vous êtes intervenue ?
A la question des « dynamiques » particulières relatives à la sexualité dans les Outre-Mer, ce qui interpelle et inquiète au plus haut point, ce sont les chiffres révélés par les enquêtes KABP Antilles-Guyane et La Réunion conduites par l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, ndlr) concernant l’entrée des femmes dans la vie sexuelle. Car si elle se fait sensiblement au même âge que dans l’Hexagone, elle est surtout nettement moins souhaitée en terres ultramarines. Derrière cette formulation, on retrouve des pratiques sexuelles constitutives d’agressions sexuelles, de viols et dont le nombre est, au regard de ces enquêtes, nettement supérieur à celui de la France métropolitaine.
Ainsi, lorsque 17% des femmes en métropole déclarent que leur premier rapport sexuel n’était pas vraiment souhaité et que pour 2% il était forcé, ces taux chez les Guyanaises s’élèvent à 24% et 6%, 23% et 4% en Martinique et en Guadeloupe et 20% et 4% pour les femmes de La Réunion.
En outre, ces mêmes enquêtes rapportent que nombre de violences sexuelles sont commises sur fond de consommation excessive d’alcool et de stupéfiants. Mais comment parler, de façon objective et impartiale de ces réalités, si ce n’est en interrogeant les Ultramarin.es eux/elles-mêmes ? Comment si ce n’est en cherchant à travers leurs propos, leurs critiques, leurs confidences, quelles sont leurs préoccupations, leurs aspirations, le sens profond de leur lutte et de leurs renoncements, leurs motivations à surmonter un trauma sexuel pour réussir leur projet de vie ?
C’est à partir de ces questionnements que j’ai orienté mon mémoire de recherche clinique en addictologie sur les effets de la consommation du crack sur la sexualité. J’ai eu la chance de réaliser mon stage clinique auprès des bénéficiaires du Centre de Soins d’Accompagnement de Prévention en Addictologie-Généraliste rattaché au Centre Hospitalier de Montéran en Guadeloupe. L’occasion d’appréhender, sous ses différentes facettes, le vécu sexuel de femmes et d’hommes né.es et/ou vivant en Guadeloupe, dont certaines étaient porteuses de la drépanocytose.
La co-animation d’un atelier sur le thème des addictions sexuelles à partir du visionnage du film « Shame » (du metteur en scène afro-britannique Steve McQueen qui a réalisé également « Hunger » et « Twelve Years a Slave », ndlr) a mis en lumière une particularité propre aux Antilles : celle de vivre en milieu insulaire, dans un contexte de proximité humaine où le regard de l’autre se fait plus scrutateur, plus pesant et où la confidentialité peut être malmenée. Avec un souci de la confidentialité exposé, par des jeunes participantes à cet atelier, sur une île où tout le monde se connaît et où des membres de votre famille peuvent travailler dans une structure administrative, judiciaire ou hospitalière et donc être facilement informés de votre « situation ». En effet, les questions relatives aux sexualités sont particulièrement sensibles aux Antilles, notamment en cas d’inceste, de grossesses précoces ou de violences sexuelles conjugales et il peut être difficile de porter plainte et de la faire aboutir dans de telles conditions.
A ce titre, la Stratégie nationale de santé sexuelle du ministère de la Santé prévoit dans son axe VI de « prendre en compte les spécificités de l’Outre-mer pour mettre en œuvre l’ensemble de la stratégie de santé sexuelle. » Parmi ses priorités figurent le renforcement de l’éducation à la sexualité avec pour objectif particulier de renforcer la lutte contre les violences en prévenant les comportements sexistes et homophobes mais également en développant la prise en charge des victimes de violences.