Les neuf années qui se sont écoulées depuis la catastrophe ferroviaire semblent ne rien avoir effacé à la douleur. Au moment d’évoquer devant le tribunal d’Evry la mort de son fils Brandon, Miranette s’effondre. Deux de ses enfants, son frère et son neveu, l'ont accompagnée à la barre, tous conscients de l’épreuve qu’il lui faut traverser ce mercredi 1er juin : raconter ce jeune homme fauché par un train à 19 ans et dire à la cour le traumatisme et ses conséquences.
"Il nous reste une blessure dans le cœur"
Assise face au petit groupe qui s'est rassemblé à la barre, la présidente les encourage d’un "tchimbé red", référence aux racines antillaises des Bondot, et Miranette se lance d’une toute petite voix. "Il y a tellement de choses à dire", se désole-t-elle, avant que l’émotion ne la submerge de nouveau. Sa fille, Jessica, l’entoure de ses bras, elle ne la lâchera plus jusqu’à la fin de son intervention. Miranette se remémore les derniers moments passés avec son fils, les projets qu’ils avaient ensemble, son programme de la journée dramatique du 12 juillet 2013.
Cet après-midi-là, Brandon est parti faire des courses à Brétigny, explique-t-elle. A 17h20, le téléphone sonne. "C’est la copine d’un ami de mon fils qui me dit ‘il vient d’arriver un accident’. Je ne lui ai pas laissé le temps de prononcer entièrement le prénom de mon fils." Miranette se rappelle avoir aussitôt raccroché le téléphone pour appeler le plus jeune de ses fils. "Malheureusement, il ne répondra jamais", se lamente-t-elle, avant de décrire l’incompréhension, le vide, la peur et puis l’immense douleur qui l’emporte : "Le dimanche, j’ai compris." La mort a laissé "un grand vide insurmontable" pour toute la famille.
L'exercice est difficile pour l'immense majorité des parties civiles qui ont accepté de témoigner lors du procès. Miranette Bondot souhaitait parler de son fils, de sa douleur, explique Me Burman, l'avocat de la famille et de plusieurs autres parties civiles. "On a beau être avocat, on constate que le drame vécu par cette famille est absolument indescriptible et il sera toujours présent. Même avec l’audience, ça ne réparera pas ce qui s’est passé."
La famille Bondot veut que justice soit rendue. Elle voit que Brandon a été fauché, que sa vie a été enlevée avec tous les dommages collatéraux sur la mère qui ne vit plus pour parler très clairement. Pour les frères et sœurs qui ne vivent plus, même s’ils sont jeunes.
Me Burman, avocat de la famille Bondot
"J'ai voulu me suicider"
Quand Jessica prend la place de sa maman à la barre, l'émotion est toujours grande. Sur le mur face à elle ce mercredi matin, un grand écran de télévision diffuse une photo de Brandon, le regard droit dans l’objectif. Le jeune homme sourit. "C’était encore dans un train", relève Jessica alors qu’elle regarde l’écran. Ce frère – de trois ans son aîné - avait l’habitude de l’aider quand elle se déplaçait en train, justement : "Je n’y connaissais rien, il m’aidait pour tous les changements."
Après le drame, Jessica se rend à la morgue. "J'ai voulu m'approcher, le toucher, mais je n'ai pas pu. J'étais pétrifiée." Elle avoue avoir sombré dans une dépression. Le jour des obsèques de son frère, poursuit-elle, "je me suis dirigée vers l'autoroute, je voulais me suicider. C'est mon père qui m'a vue, il a couru après moi." Les uns après les autres, les proches de Brandon dépeignent un jeune homme prévenant, toujours prêt à aider. "Quand il y avait des conflits, il avait cette fibre pour nous réconcilier", souligne Johnny, l’un de ses frères. Philippe, un cousin, se remémore les moments passés ensemble à Port-Louis, en Guadeloupe.
Depuis le 25 avril et jusqu’au 17 juin, la SNCF et un cheminot sont jugés pour homicides et blessures involontaires. Seule une quarantaine de rescapés, de blessés et de proches de victimes ont accepté de s’exprimer lors de ce procès. Ce mercredi, les proches de Brandon Bondot ont pu dresser publiquement le portrait du jeune homme et lui rendre hommage.