JOP Paris 2024 : l'Antillais Cédric Nankin rêve d'or en rugby fauteuil

Cédric Nankin, lors de la finale de 2023.
À moins de cent jours du début de la compétition, l'athlète revient avec nous sur sa préparation pour ses troisièmes Jeux Paralympiques. Entretien.

À 39 ans, le vice-capitaine de l’équipe de France de rugby fauteuil voit les Jeux Paralympiques arriver comme une formidable opportunité de faire connaître son sport aux Français. Martiniquais par sa mère, Marie-Galantais par son père, Cédric Nankin, atteint d'une agénésie des quatre membres depuis sa naissance, est un sportif de haut niveau qui n’hésite pas à se préparer en effectuant des séances de CrossFit.

 

"JP", pour Jeux Paralympiques. Que représentent ces deux lettres pour toi ?

Ça veut dire que l’échéance arrive bientôt, on est à J -100 des Jeux Paralympiques et on arrive vraiment sur le rêve de médaille. Ce seront mes troisièmes, je sais de quoi je parle. Désormais, on parle performance. C’est difficile parfois, mais on va se préparer à aller chercher la médaille d’or. C’est l’objectif : se donner les moyens d’aller la chercher, tout donner, travailler pour ne rien regretter.

Je ne me pose pas la question de savoir ce que je ferai après, même si certains ont dit qu’ils voulaient arrêter, je me dis que je verrai après les Jeux.  Pour le moment, l’objectif c’est de performer aux Jeux. Je ne rêve que de cette médaille d’or.

Comment organises-tu ta préparation ?

Avec mon emploi (Cédric est assistant animation réseau à la SNCF, ndlr), j’ai un aménagement de mon temps de travail et depuis le 1er avril je suis en détachement total jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques. C’est tout bénéfice, que ce soit pour ma préparation physique personnelle, mon entraînement collectif avec mon club (le Cap SAAA Paris, ndlr), ou avec l’équipe de France, pour les stages et les tournois qu’on va faire. Là, on part au Canada une semaine pour la Canada Cup, avec les six Premières Nations mondiales. Ce sera une vraie répétition grandeur nature pour les Jeux. 

Actuellement, je peaufine ma préparation avec des séances de CrossFit dans le club de La Fontaine, à Château-Thierry, a minima quatre jours par semaine.  Au club, ils sont tous derrière moi. Avec mon préparateur, on est à fond dans cette aventure, il me suit depuis dix ans. Le CrossFit ça peut paraitre spectaculaire à voir, mais c’est mon truc. Je kiffe, j’en chie, mais je sais que ce sera bénéfique.

La Machine au duel lors d'un match France-Suisse.

Tu as la chance de pouvoir concilier ton sport et un métier.

Grâce à mon sport, j’ai trouvé un emploi qui me permet d’aménager mon travail, je n’ai pas de congés sans soldes à poser. C’est une chance, je suis embauché en CDI et j’ai un plan de carrière pour préparer mon futur avec un vrai métier, des collègues, et j’ai quelque chose qui se construit. À l’heure actuelle, c’est un privilège d’avoir un salaire qui tombe chaque mois, c’est une chance.

Fin mars, lors de mon dernier jour de travail en présentiel, mes collègues m’ont fait une surprise avec une haie d’honneur. Ils portaient tous un tee-shirt à mon effigie avec mon surnom "La Machine". Même la directrice régionale du réseau Sncf portait ce tee-shirt. J’ai envie de les rendre fiers.

 

À Paris, tu évolueras devant ta famille, les copains... Comment ressens-tu cette pression ?

Je n’ai pas la pression, je suis content que ce soit à la maison, car ce sont les premiers Jeux dans lesquels la famille, les amis seront présents. Il va y avoir les collègues de travail et ça va être génial. On pourra faire connaitre ces disciplines parasportives au public français. Si le public est derrière nous, on pourra encore plus performer. Ces Jeux, je les fais pour moi et tous ceux qui me soutiennent, ma famille, mes parents, mes frères et sœurs, mes collègues du travail.  

 

D’où te vient ton surnom, "La Machine" ?

"Machine" ça vient de mon directeur sportif, Michel Terrefond. Avant les Jeux de Rio, il a été interviewé, il devait donner un mot pour chaque athlète. Quand est arrivé mon nom, il a dit "Cédric, c’est la machine". C’est peut-être ma capacité à faire du bloc sur des personnes qui ont un handicap moindre que le mien. Il a sorti ce mot et les médias adorent. J’assume, je fais mon jeu, le plus important c’est de gagner les matchs, machine ou pas, que je marque des essais ou pas.  

 

Est-ce que tu es déjà rentré dans ta bulle ? Comment vois-tu la compétition ?

Je réduis mes sorties, mes invitations, mais mon but ce n’est pas de tout arrêter d’un coup, c’est d’être toujours dans la préparation, mais en gardant de bons moments. Tout couper, se mettre dans sa bulle ce n’est pas pour moi. On a tous nos façons de nous préparer, la mienne est de continuer sans trop changer les choses.

On a cinq matchs à gagner, on n’a pas le droit à l’erreur. On ne doit pas se poser de questions et gagner tous nos matchs pour passer en demi. Une fois en demi-finale, il faut faire le travail pour aller chercher cette finale et on peut rêver d’or. On est doubles champions d’Europe consécutivement, on aura le public avec nous, ça va nous pousser, nous booster.

Le rugby fauteuil ce sont des valeurs, l’esprit collectif. On ne peut arriver à rien sans l’autre. J’aurais beau être le plus fort du monde, je ne vais pas gagner seul, on a besoin des coachs, des autres joueurs. Quand on est sur le banc, on doit tous s’aider les uns les autres, sur le terrain, on est des adversaires, mais en dehors, on fête les victoires ensemble. Je l’attends celle-là, elle pourrait être si belle.