A l’occasion de la Journée internationale des langues et des cultures créoles, le romancier Dominique Lancastre évoque le rapport du créole à l’écriture et celui de cette langue à la société guadeloupéenne. Interview.
Originaire de Vieux-Habitants en Guadeloupe, Dominique Lancastre a passé une enfance bercée par la culture créole. Une culture foisonnante et riche d’histoire, de tragédies et d’anecdotes que l’on retrouve dans ses romans "La Véranda", "Retour à la Grivelière" et "Une Femme chambardée" (tous trois aux éditions Fortuna). L’écrivain est également le fondateur et directeur du site culturel en ligne Pluton Magazine. Ce 28 octobre, où l’on célèbre la Journée internationale des langues et des cultures créoles, il répond aux questions de La1ere.fr.
Vos trois romans se déroulent dans l'univers créole de la Guadeloupe. Les avez-vous pensés en langue créole ou française ? N'était-ce pas difficile de les écrire en français pour exprimer certaines spécificités de la culture créole ?
Dominique Lancastre : A vrai dire ni l'un ni l'autre. J'ai surtout cherché à rester très proche de mes personnages et je suis resté fidèle à l'époque. Je mets en scène des personnes qui vivent à la campagne et parlent donc beaucoup le créole entre eux. Certes, le texte est écrit en français mais je dirai en français des îles avec des variantes propres à ces territoires. Lors de la correction des épreuves la correctrice avait changé certaines choses qui lui paraissaient comme étant des fautes de français mais en réalité j'ai gardé l'authenticité des personnages et j'ai rectifié. Bien sûr penser en créole et écrire en créole serait idéal. Il s'avère que je n'ai pas eu cette chance que les élèves d'aujourd'hui ont d'apprendre la langue directement et apprendre à l'écrire correctement. Même si je fais des efforts considérables pour m'y mettre je fais des fautes. Le principal est d'en être conscient et de chercher à s'améliorer chaque jour un peu plus. Sombrer dans la facilité sous prétexte que c'est le créole n'est pas l'attitude à avoir, bien au contraire il faut garder cette rigueur de la langue si on veut la défendre. Un jour viendra où je serai sans doute capable d'écrire directement en créole.
Pensez-vous que le créole prend toute sa place dans la société guadeloupéenne ? Par exemple sur les plans scolaire, culturel et institutionnel ?
Nous avons franchi un très grand pas dans le développement de la langue. Je me rappelle visiter des écoles où les élèves m'ont lu des poèmes en créole directement avec une aisance déconcertante. Le retour aux sources s'opère peu à peu et nous assistons en effet à un engouement pour le créole. Il y a de nombreuses traductions de textes et aussi des productions. Une langue pour survivre doit se parler, évoluer et surtout s'imposer. On peut remarquer les panneaux de signalisations des communes en français et en créole. Inconsciemment la langue reprend sa place peu à peu dans les institutions et le culturel. Elle ira sans doute beaucoup plus vite dans le culturel car elle permet mieux d'exprimer les sentiments, les refus et les contestations que dans les institutions où le français reste la langue administrative à laquelle on ne peut pas échapper.
La langue française, instrument d'aliénation et de domination culturelle, véhicule d'expression neutre aux Antilles françaises, ou ni l'un ni l'autre, selon vous ?
C'est une question assez difficile. D'un point de vue politique on pourrait dire oui c'est un instrument d'aliénation et de domination culturelle car elle est partout et on ne peut pas échapper à l'histoire coloniale. C'est la langue du colon tandis que le créole a été relégué à la langue du "nègre", la langue des gens peu éduqués. Mais, quand on regarde aujourd'hui cette langue que l'on a longtemps considérée comme celle du "vieux nègre" elle a toute sa place tant au niveau culturel qu'au niveau politique. Lorsqu'il y a des manifestations et des contestations il est évident que le créole joue son rôle de langue contestataire, celle de la révolte et de "y en a marre". Mais il ne faut pas réduire la langue qu'à cela. Les poésies en créole transmettent des sentiments tel que l'amour, la peur, la joie tout aussi bien et on peut parfaitement faire des cours de mathématiques ou de physique totalement en créole.
Vos trois romans se déroulent dans l'univers créole de la Guadeloupe. Les avez-vous pensés en langue créole ou française ? N'était-ce pas difficile de les écrire en français pour exprimer certaines spécificités de la culture créole ?
Dominique Lancastre : A vrai dire ni l'un ni l'autre. J'ai surtout cherché à rester très proche de mes personnages et je suis resté fidèle à l'époque. Je mets en scène des personnes qui vivent à la campagne et parlent donc beaucoup le créole entre eux. Certes, le texte est écrit en français mais je dirai en français des îles avec des variantes propres à ces territoires. Lors de la correction des épreuves la correctrice avait changé certaines choses qui lui paraissaient comme étant des fautes de français mais en réalité j'ai gardé l'authenticité des personnages et j'ai rectifié. Bien sûr penser en créole et écrire en créole serait idéal. Il s'avère que je n'ai pas eu cette chance que les élèves d'aujourd'hui ont d'apprendre la langue directement et apprendre à l'écrire correctement. Même si je fais des efforts considérables pour m'y mettre je fais des fautes. Le principal est d'en être conscient et de chercher à s'améliorer chaque jour un peu plus. Sombrer dans la facilité sous prétexte que c'est le créole n'est pas l'attitude à avoir, bien au contraire il faut garder cette rigueur de la langue si on veut la défendre. Un jour viendra où je serai sans doute capable d'écrire directement en créole.
Le retour aux sources s'opère peu à peu et nous assistons en effet à un engouement pour le créole. Il y a de nombreuses traductions de textes et aussi des productions. Une langue pour survivre doit se parler, évoluer et surtout s'imposer. (Dominique Lancastre)
Pensez-vous que le créole prend toute sa place dans la société guadeloupéenne ? Par exemple sur les plans scolaire, culturel et institutionnel ?
Nous avons franchi un très grand pas dans le développement de la langue. Je me rappelle visiter des écoles où les élèves m'ont lu des poèmes en créole directement avec une aisance déconcertante. Le retour aux sources s'opère peu à peu et nous assistons en effet à un engouement pour le créole. Il y a de nombreuses traductions de textes et aussi des productions. Une langue pour survivre doit se parler, évoluer et surtout s'imposer. On peut remarquer les panneaux de signalisations des communes en français et en créole. Inconsciemment la langue reprend sa place peu à peu dans les institutions et le culturel. Elle ira sans doute beaucoup plus vite dans le culturel car elle permet mieux d'exprimer les sentiments, les refus et les contestations que dans les institutions où le français reste la langue administrative à laquelle on ne peut pas échapper.
La langue française, instrument d'aliénation et de domination culturelle, véhicule d'expression neutre aux Antilles françaises, ou ni l'un ni l'autre, selon vous ?
C'est une question assez difficile. D'un point de vue politique on pourrait dire oui c'est un instrument d'aliénation et de domination culturelle car elle est partout et on ne peut pas échapper à l'histoire coloniale. C'est la langue du colon tandis que le créole a été relégué à la langue du "nègre", la langue des gens peu éduqués. Mais, quand on regarde aujourd'hui cette langue que l'on a longtemps considérée comme celle du "vieux nègre" elle a toute sa place tant au niveau culturel qu'au niveau politique. Lorsqu'il y a des manifestations et des contestations il est évident que le créole joue son rôle de langue contestataire, celle de la révolte et de "y en a marre". Mais il ne faut pas réduire la langue qu'à cela. Les poésies en créole transmettent des sentiments tel que l'amour, la peur, la joie tout aussi bien et on peut parfaitement faire des cours de mathématiques ou de physique totalement en créole.