Pendant des années, Yasmine Candau n'a pas su de quoi elle souffrait. Arrivée petite en région parisienne, elle a subi une longue errance médicale dans l’Hexagone.
"J’ai eu mes règles vers douze ans, mais j'ai vraiment commencé à souffrir à l’âge de treize ans", raconte Yasmine Candau, née dans le cirque de Salazie, à La Réunion. Elle commence à consulter à l’âge de seize ans. D’abord, son médecin de famille, très à l’écoute, mais qui ne comprend pas. "Je décrivais mes symptômes : ça me fait mal quand je fais pipi, j’ai parfois mal quand je vais à la selle… Je suis allée voir un urologue, qui n’a rien trouvé d'anormal. Je suis allée voir un gastro-entérologue, pareil !"
"Je ne connaissais même pas le mot endométriose, à l’époque"
Sept ans plus tard, sa cheffe de service de l’époque lui conseille une gynécologue de la Pitié Salpêtrière, à Paris. "Elle m’a dit, juste en m’écoutant : 'Ca serait bien une endométriose !' Je ne connaissais même pas ce nom à l’époque, et je me souviens m’être dit : 'Il y a vraiment quelque chose'”. Ce que l’on ne dit pas en revanche à Yasmine, c’est que l’endométriose est une maladie chronique, et que l’on ne s’en débarrasse pas "comme ça".
Yasmine arrive à avoir deux enfants, malgré les risques de d'infertilité liés à la maladie. Entre ses deux grossesses, elle soigne ses douleurs par la prise d'une pilule contraceptive.
Puis j’ai mis un stérilet en cuivre, et là, ça a été l’escalade. Je serrais les dent et je me disais 'C’est normal, c’est normal'… Jusqu’au jour où j’ai dit à mon médecin : 'j’ai eu de l’endométriose avant, est ce que ça aurait un rapport avec ces douleurs ?' Et là, il m’a dit : 'mais si je l’avais su avant, je ne vous aurais jamais mis de stérilet en cuivre, c’est totalement incompatible'.
Yasmine Candau
Onze interventions chirurgicales
Yasmine développe alors une forme sévère de la maladie et subit une série d’interventions chirurgicales, pour retirer les lésions dues à l’endométriose. "Il n’y a que cela qui me soulageait. En 2019, j’ai eu ma dernière chirurgie, c'était la onzième".
Aujourd’hui, les recommandations de la Haute Autorités de Santé sont claires, souligne Yasmine Candau : la chirurgie ne doit être utilisée qu’en dernier recours. Le traitement principal étant la mise en aménorrhée, c’est à dire la prise de pilule pour arrêter les règles. "Mais la difficulté", constate la présidente d’EndoFrance, "c'est de trouver le traitement qui va apporter le moins d’effets secondaires; et c’est très compliqué."
Outre les douleurs qu’elle occasionne, l’endométriose a des conséquences sur la vie intime, sociale et professionnelle des patientes. Problèmes de fertilité, douleurs pendant les relations sexuelles, mais aussi incompréhension de la part des proches et des collaborateurs au travail... "Il faut prendre conscience que ce n’est pas une simple douleur de règles, on n’est pas des chochottes", souligne Yasmine.
Une situation contrastée en Outre-mer
En janvier 2022, le gouvernement a lancé la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, débloquant vingt millions d’euros pour un nouveau programme de recherche. "La communauté scientifique ne sait pas dire encore quelle est l’origine de l’endométriose. On espère que ce programme va nous permettre d’avoir des moyens financiers importants pour la recherche et pour améliorer la prise en charge", avance Yasmine Candau.
Yasmine Candau est la présidente d’EndoFrance depuis 2012. "J’y ai reçu tellement de soutien quand j’étais au plus mal, que je me suis que c'était à mon tour de rendre ce que j'avais reçu". Yasmine a commencé comme bénévole régionale en Normandie, en répondant chaque semaine aux centaines de mails de femmes en souffrance. Aujourd’hui, l’association compte 120 bénévoles répartis sur tout le territoire français, y compris en Martinique et à La Réunion.
A la Réunion, aujourd'hui, on sait orienter les patientes, les médecins connaissent la maladie et viennent à des congrès dans l’Hexagone. En Martinique, c’est encore un peu compliqué, mais il y a eu des accords qui permettent à des médecins de l’Hexagone de venir opérer et former les médecins sur place.
Yasmine Candau
Aujourd’hui, Yasmine Candau est mère de deux garçons âgés de 27 et 23 ans. "Au moins, je leur épargne cette maladie !, lâche-t-elle en souriant. L’autre jour, mon fils vient me voir et me dit : 'J’ai donné tes coordonnées à une copine, parce que je l’ai écoutée et je suis sûr qu’elle souffre d’endométriose'. Et il ne se trompait pas !"