🎧🎤L’artiste martiniquais Victor Anicet : une vie en œuvres, l’œuvre d’une vie

L'artiste Victor Anicet (œuvre "Carcan n°3")
Le peintre et céramiste Victor Anicet est l’un des grands plasticiens martiniquais. À 86 ans, l’artiste aux œuvres d’argile s’est construit une ligne de vie solide, depuis son enfance aux murs nus jusqu’aux expositions internationales. Quelques-unes de ses productions seront bientôt à admirer au Centre Pompidou à Paris. Histoire d'une vie patiemment mise en œuvres, racontée dans le podcast "L'Oreille est hardie".

Comme pour tout bon artiste qui se respecte, l’atelier de Victor Anicet est une caverne d’Ali Baba doublĂ©e d’un magasin de bricolage dĂ©bordant d’ustensiles en tout genre. C’est dans les hauteurs de SchĹ“lcher en Martinique, que se nichent le lieu et Victor Anicet nous y reçoit en toute simplicitĂ©, contrastant ainsi, curieusement se dit-on, avec la complexitĂ© de ses Ĺ“uvres. 

CĂ©ramique de V. Anicet dans son atelier

ComplexitĂ© n’est d’ailleurs pas le mot : "passionnant", "foisonnant", "riche de couleurs et de sens" viennent vite le remplacer et celle ou celui qui a eu la chance de visiter la rĂ©trospective que la Fondation Clement a consacrĂ©e il y a quelques mois Ă  l’artiste, le sait. Victor Anicet dit dans ses toiles et dans ses cĂ©ramiques la Martinique. Dans tout ce qu’elle a de plus contrastĂ©, de plus fort, de plus paradoxal. Dans tout ce qu’elle a de plus complexe (lĂ , c’est le bon mot !)... 

Elle n’est bien Ă©videmment pas sa seule inspiration mais la Martinique qu’il raconte remonte Ă  la nuit des temps, bien avant l’esclavage bien avant l’arrivĂ©e des EuropĂ©ens. Une Martinique ancrĂ©e dans la culture et les arts amĂ©rindiens (Arawaks, Kalinagos, CaraĂŻbes…) pour lesquels Victor Anicet a depuis l’enfance le plus grand respect. C’est le parcours d’une vie, d’une Ĺ“uvre d’un immense artiste que L’Oreille est hardie a voulu entendre et connaĂ®tre, et vous permettre ici d’écouter : 

Les fours à céramique dans l'atelier de V. Anicet en Martinique

Victor Anicet : hĂ©ritage amĂ©rindien 

C’est l’histoire d’une vie, faite au tout début de conditions de vie pas simple, d’un certain dénuement, dans un contexte historique troublé, au temps de l’Amiral Robert qui menait la Martinique d’une main de fer pendant la période vichyste.
Il y a quatre-vingt six ans, nait Victor Anicet, dans la commune du Marigot, l’une de celles les plus marquées par l’héritage amérindien dont la terre porte encore les traces. Un héritage indissociable du travail de l’immense artiste.

"Evocation amérindienne n°1" de V. Anicet

L’enfance de l’art

Enfant parmi les neuf Ă©levĂ©s par sa mère, agricultrice, après la mort de son père, pĂŞcheur, Victor Anicet a eu la chance de croiser bon nombre de gens bien intentionnĂ©s Ă  son Ă©gard et qui ont su dĂ©celer en lui les qualitĂ©s nĂ©cessaires pour tracer son chemin. Parmi eux dès l’enfance, le Père Pichon, biologiste et archĂ©ologue amateur,  dont la rencontre s’avĂ©rera essentielle pour sa comprĂ©hension du monde des AmĂ©rindiens en l’aidant notamment Ă  nettoyer les fragments de poteries ensevelis dans la terre rouge du Marigot. 

"Bonbon Chouval n°3" de V. Anicet

Victor Anicet se souvient dans L’Oreille est hardie de cette enfance pauvre et de la petite maison aux deux pièces oĂą ils vivaient tous, sans meubles, sans chaises. Faut-il dĂ©jĂ  chercher lĂ  sa propension Ă  habiller les murs et l’espace et Ă  concevoir des objets de dĂ©coration qui sont aujourd’hui encore une belle partie de son travail. 

Victor aux œuvres d’argile

Enfance et adolescence fragiles, l’argile deviendra sa force. Après des études aux Arts Appliqués à Fort de France, il quitte sa Martinique natale à 17 ans pour dix années d’exil et d’études appropriées de ce qui deviendra son art, la céramique, à l’École des Métiers d’art dont il sortira major de sa promotion en 1961.

CĂ©ramique de V. Anicet

Pendant toute cette période, il multiplie les stages auprès des plus grands spécialistes dans l’Hexagone et en Allemagne pour parfaire son art et son savoir-faire. Avec un regret : ne pas avoir pu se rendre au Japon pour rencontrer l’un des plus éminents céramistes de l’époque.

Retour au pays 

De retour en Martinique en 1967, il alterne les recherches artistiques autour de la céramique avec l’exploration de la peinture et l’une de ses premières expositions marquantes et remarquées d’œuvres en noir et blanc réalisées sur bois. Travail dans lequel s’inscrit déjà toute la puissance des figures nègres auxquelles viendront s’ajouter toute une déclinaison de signes inspirés des représentations amérindiennes qui le fascinent depuis l’enfance

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"Accouplement" de V. Anicet

Victor Anicet : les racines de Fwomajé

Dans les années 80, il crée avec quatre autres comparses artistes le groupe Fwomajé (ndlr : du nom de la varité de l'arbre que l'on retrouve aux Antilles) - parmi eux le plasticien Ernest Breleur - avec attribuée à chacun, la tâche d’explorer, de creuser un sillon bien particulier, comme il le détaille dans le podcast L’Oreille est hardie.
Pour sa part, c’est toute cette dimension Caraïbe qui s’en trouve décuplée et qui explose littéralement dans l’art pictural de Victor Anicet, tant dans ses tableaux que dans sa céramique. Une vision unique, puissante et foisonnante qui fera et sera depuiq lors la marque de fabrique artistique et existentielle de l’artiste martiniquais

V. Anicet a réalisé des vitraux pour l'église de Saint-Pierre (Martinique)

Écoutez L’Oreille est hardie... 

Et plongez dans ces couleurs, dans les signes, les sillons, la puissance Ă©vocatrice  de l'Ĺ“uvre multiple de Victor Anicet. Vitraux, sculptures, objets, peinture… Rien ne l’arrĂŞte : Victor Anicet investit les musĂ©es, les maisons, les Ă©glises, la nature (rien ne lui plaĂ®t tant que de poser ses Ĺ“uvres lĂ  oĂą l’on pense que l’art n’a pas droit de citĂ©, comme il le raconte avec malice…) avec une gourmandise et une Ă©tonnante conviction, balayant les prĂ©jugĂ©s qui pourraient ĂŞtre liĂ©s Ă  son grand âge. 

 

Victor Anicet est un grand artiste, un grand monsieur, dont la volonté reste la transmission à tout prix et dont le discours revigorant est à écouter de près, aujourd’hui encore. Avec cette parole adressée aux générations d'artistes en devenir : il faut croire en ses rêves… C’est le petit garçon qui habite encore Victor Anicet qui vous le dit, vous pouvez le croire.

Retrouvez l’artiste Victor Anicet dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !

Ou par lĂ  : 

CĂ©ramique de V. Anicet