Comme pour tout bon artiste qui se respecte, l’atelier de Victor Anicet est une caverne d’Ali Baba doublée d’un magasin de bricolage débordant d’ustensiles en tout genre. C’est dans les hauteurs de Schœlcher en Martinique, que se nichent le lieu et Victor Anicet nous y reçoit en toute simplicité, contrastant ainsi, curieusement se dit-on, avec la complexité de ses œuvres.
Complexité n’est d’ailleurs pas le mot : "passionnant", "foisonnant", "riche de couleurs et de sens" viennent vite le remplacer et celle ou celui qui a eu la chance de visiter la rétrospective que la Fondation Clement a consacrée il y a quelques mois à l’artiste, le sait. Victor Anicet dit dans ses toiles et dans ses céramiques la Martinique. Dans tout ce qu’elle a de plus contrasté, de plus fort, de plus paradoxal. Dans tout ce qu’elle a de plus complexe (là , c’est le bon mot !)...
Elle n’est bien évidemment pas sa seule inspiration mais la Martinique qu’il raconte remonte à la nuit des temps, bien avant l’esclavage bien avant l’arrivée des Européens. Une Martinique ancrée dans la culture et les arts amérindiens (Arawaks, Kalinagos, Caraïbes…) pour lesquels Victor Anicet a depuis l’enfance le plus grand respect. C’est le parcours d’une vie, d’une œuvre d’un immense artiste que L’Oreille est hardie a voulu entendre et connaître, et vous permettre ici d’écouter :
Victor Anicet : héritage amérindien
C’est l’histoire d’une vie, faite au tout début de conditions de vie pas simple, d’un certain dénuement, dans un contexte historique troublé, au temps de l’Amiral Robert qui menait la Martinique d’une main de fer pendant la période vichyste.
Il y a quatre-vingt six ans, nait Victor Anicet, dans la commune du Marigot, l’une de celles les plus marquées par l’héritage amérindien dont la terre porte encore les traces. Un héritage indissociable du travail de l’immense artiste.
L’enfance de l’art
Enfant parmi les neuf élevés par sa mère, agricultrice, après la mort de son père, pêcheur, Victor Anicet a eu la chance de croiser bon nombre de gens bien intentionnés à son égard et qui ont su déceler en lui les qualités nécessaires pour tracer son chemin. Parmi eux dès l’enfance, le Père Pichon, biologiste et archéologue amateur, dont la rencontre s’avérera essentielle pour sa compréhension du monde des Amérindiens en l’aidant notamment à nettoyer les fragments de poteries ensevelis dans la terre rouge du Marigot.
Victor Anicet se souvient dans L’Oreille est hardie de cette enfance pauvre et de la petite maison aux deux pièces où ils vivaient tous, sans meubles, sans chaises. Faut-il déjà chercher là sa propension à habiller les murs et l’espace et à concevoir des objets de décoration qui sont aujourd’hui encore une belle partie de son travail.
Victor aux œuvres d’argile
Enfance et adolescence fragiles, l’argile deviendra sa force. Après des études aux Arts Appliqués à Fort de France, il quitte sa Martinique natale à 17 ans pour dix années d’exil et d’études appropriées de ce qui deviendra son art, la céramique, à l’École des Métiers d’art dont il sortira major de sa promotion en 1961.
Pendant toute cette période, il multiplie les stages auprès des plus grands spécialistes dans l’Hexagone et en Allemagne pour parfaire son art et son savoir-faire. Avec un regret : ne pas avoir pu se rendre au Japon pour rencontrer l’un des plus éminents céramistes de l’époque.
Retour au pays
De retour en Martinique en 1967, il alterne les recherches artistiques autour de la céramique avec l’exploration de la peinture et l’une de ses premières expositions marquantes et remarquées d’œuvres en noir et blanc réalisées sur bois. Travail dans lequel s’inscrit déjà toute la puissance des figures nègres auxquelles viendront s’ajouter toute une déclinaison de signes inspirés des représentations amérindiennes qui le fascinent depuis l’enfance
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Victor Anicet : les racines de Fwomajé
Dans les années 80, il crée avec quatre autres comparses artistes le groupe Fwomajé (ndlr : du nom de la varité de l'arbre que l'on retrouve aux Antilles) - parmi eux le plasticien Ernest Breleur - avec attribuée à chacun, la tâche d’explorer, de creuser un sillon bien particulier, comme il le détaille dans le podcast L’Oreille est hardie.
Pour sa part, c’est toute cette dimension Caraïbe qui s’en trouve décuplée et qui explose littéralement dans l’art pictural de Victor Anicet, tant dans ses tableaux que dans sa céramique. Une vision unique, puissante et foisonnante qui fera et sera depuiq lors la marque de fabrique artistique et existentielle de l’artiste martiniquais
Écoutez L’Oreille est hardie...
Et plongez dans ces couleurs, dans les signes, les sillons, la puissance évocatrice de l'œuvre multiple de Victor Anicet. Vitraux, sculptures, objets, peinture… Rien ne l’arrête : Victor Anicet investit les musées, les maisons, les églises, la nature (rien ne lui plaît tant que de poser ses œuvres là où l’on pense que l’art n’a pas droit de cité, comme il le raconte avec malice…) avec une gourmandise et une étonnante conviction, balayant les préjugés qui pourraient être liés à son grand âge.
Victor Anicet est un grand artiste, un grand monsieur, dont la volonté reste la transmission à tout prix et dont le discours revigorant est à écouter de près, aujourd’hui encore. Avec cette parole adressée aux générations d'artistes en devenir : il faut croire en ses rêves… C’est le petit garçon qui habite encore Victor Anicet qui vous le dit, vous pouvez le croire.
Retrouvez l’artiste Victor Anicet dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
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