Sa passion pour le basket est venue sur le tard. Mais quelle progression fulgurante… À 32 ans, le Guyanais Bryan George est l'incontournable assistant vidéo du basket français. Que ce soit avec les Bleus ou l'ASVEL, il sait trouver la faille chez l'adversaire pour mieux le mettre en échec.
Pour un peu, il ne verrait aucun inconvénient à ce que le basket se joue sur damier. Comme aux échecs. Bryan George aime se glisser dans la peau d'un stratège. Élaborer des plans qui vont dérouter l'équipe adverse. Désarmer les cavaliers. Contourner la tour. Prendre le roi. Échec et mat… mais sur parquet.
Et tout cela sans avoir baigné dans le basket depuis sa plus tendre enfance. Le Guyanais de Kourou a attendu l'âge de 17 ans avant de prendre sa première licence. Il ne demeure qu'une saison au Rou Kou Basket. Ses études l'appellent dans l'Hexagone. À cet instant précis, personne n'ose se douter (lui le premier) qu'il deviendra quatorze ans plus tard, un assistant coach unanimement reconnu.
Bryan George ? C'est l'histoire d'un étudiant que la passion du basket va prendre par surprise.
La découverte tardive vire à la passion
Lorsqu'il arrive à Dinan en Bretagne pour préparer un BTS en énergétique, le Guyanais ne pense qu'à une chose : ses études. "Je continuais à jouer au basket en loisir mais pour être honnête, je n'y comprenais pas grand-chose." L'ailier fort apprend tout de même les rudiments nécessaires pour évoluer en division départementale. Ses études l'amènent ensuite à quitter Dinan pour Troyes. Là, tout va changer.
Tout change car dans l'Aube, Bryan George est repéré par Franck Cazalon. Coup de foudre mutuel. L'ancien international le prend sous son aile. Première métamorphose. "Pendant un an, Franck m'a confié toutes les bases techniques et tactiques du basket. En un rien de temps, il m'a inoculé le virus de ce sport. J'ai réalisé que je voulais en faire mon quotidien. Je venais juste de terminer mon cursus. J'en ai démarré un nouveau !"
Le Guyanais refait ses valises. Direction Saint-Georges-de-Montaigu en Vendée. Durant deux ans, il y prépare son diplôme d'entraîneur. "En tant que joueur, j'évoluais avec l'équipe première en Nationale 3. En parallèle, je m'occupais de la formation des jeunes." Comme tout se passait bien pour le jeune coach, Bryan a l'opportunité d'aller entraîner les minimes du Nantes Basket Hermine. Il enchaîne ensuite avec l'équipe de France minimes. Le Guyanais décide alors d'ajouter une nouvelle corde à son arc : il veut passer le diplôme d'assistant vidéo.
Major de promotion, le Bleu progresse vite
Bryan a beau avoir commencé le basket sur le tard, l'élève George se révèle tellement brillant qu'il comble ses lacunes. Vitesse grand V. Son dernier exploit ? Il est reçu major de sa promotion à l'examen fédéral d'assistant vidéo en 2016. "Le major a la chance de pouvoir s'occuper des équipes de France U15. Je n'ai pas hésité longtemps. Je changeais de monde. C'était fantastique." D'autant plus qu'un an plus tard, il se voit proposer le poste d'assistant vidéo de l'équipe de France A. Bonheur complet.
Histoire de ne pas trop s'ennuyer durant les longues soirées d'hiver, Bryan George accepte également l'offre de Nanterre 92. Il devient ainsi l'entraîneur des moins de 15 ans et l'assistant vidéo des pros du club francilien. L'aventure dure trois saisons. L'Élan Béarnais le débauche en 2019 pour qu'il se consacre à 100 % à l'assistance vidéo. Dernière étape avant la consécration. "La saison 2019/2020 a été marquée par le coronavirus et toutes ses complications. J'ai pourtant reçu un coup de fil des dirigeants de l'ASVEL qui me proposait de rejoindre le staff. Une formation ambitieuse, structurée et qui joue l'Euroligue. Juste extra."
N'allez pas croire que le métier de Bryan George soit né avec Internet et l'informatique grand public. En NBA, les Américains ont des assistants vidéo depuis les années 70. Le basket français s'y est mis dans les années 80. En revanche, le job a bien évolué : "Je vous le confirme, s'amuse Bryan. Il y a quarante ans, l'utilisation des VHS avait une certaine lourdeur. Désormais les progrès de l'informatique permettent d'analyser beaucoup plus de choses. Et surtout, toutes les images sont disponibles. Alors que même à mes débuts en 2017, pour recevoir certains matchs européens, il fallait disposer d'un bon réseau de connaissances. Et croiser les doigts pour obtenir les fichiers vidéo rapidement. Aujourd'hui, tout le monde est logé à la même enseigne. C'est immédiat ou presque."
Sa réalité ? Celle d'un joueur d'échecs
Bryan George visionne des matchs. Beaucoup. Les analyse. Tout le temps. L'assistant coach en charge de la vidéo se vit comme un stratège : "Nous sommes un peu les yeux de l'entraîneur. Je dois savoir où sont les forces et les faiblesses de l'adversaire. Les comprendre. Puis établir des stratégies. Comme un jeu d'échecs. Un vrai pari sur le fait que telle information plutôt que telle autre va faire pencher la balance en notre faveur."
Pour chaque match, le Guyanais regarde les cinq dernières rencontres de l'adversaire. Avant d'en faire un montage vidéo. Qui doit tout dire. Tout expliquer. En un minimum de temps. "Mes vidéos durent huit minutes. Pas plus. J'organise deux à trois séances vidéo avant chaque match réunissant les joueurs et le staff. Avec les explications du coach, ces rendez-vous ne dépassent pas la vingtaine de minutes. Je dois donc faire des choix. Et bien évidemment partager la même philosophie que l'entraîneur. Car il reste le général aux commandes."
En enchaînant la saison en clubs et les étés avec l'équipe de France, Bryan George n'a pas pris de vacances depuis bientôt quatre ans. Il n'a plus revu sa chère Guyane depuis 2016. Mais il se dit heureux. Comblé même. "J'ai fait de gros progrès au niveau de l'anglais. Je ne suis pas encore bilingue mais je m'en approche. On ne sait jamais si je dois un jour partir de l'autre côté de l'Atlantique ?" sourit-il.
Il n'empêche qu'il a acquis une vraie dimension en l'espace de quatre saisons. Bryan George est à l'image du basket hexagonal. Il se bonifie avec le temps : "C'est vrai que les clubs français travaillent de mieux en mieux. Le seul problème reste le manque de moyens financiers. Afin de lutter à armes égales contre les grands d'Europe. Nous payons un peu ce choix de la politique du sport pour tous. Comment rivaliser avec des clubs dont les budgets dépassent les trente millions comme en Russie ?..."
D'où l'importance d'être déjà imbattable au niveau de la stratégie.