L’athlète martiniquaise Virginie Michanol évoque le burn out et son retour progressif à la vie

Selfie de l'athlète martiniquaise Virginie Michanol.
Elle a quitté l’athlétisme en mai 2012. Très tôt. Trop tôt sans doute. 27 ans à peine. Virginie Michanol croyait que son physique l’avait lâchée. Sauf que le mal était plus profond. Un burn out sans visage a plongé la Martiniquaise dans de longues années de mal être. Avant d’enfin relever la tête.

Une couleur pour définir Virginie Michanol ? Le rose. La métisse martiniquaise raffole du rose. Tout y passe. La décoration de son appartement. Les vêtements de sa fille. Pour Virginie, un monde sans sa couleur fétiche n’aurait pas la même saveur. D’ailleurs, sa vie était toute rose au début des années 2000. Membre du relais 4 fois 400 mètres aux JO de Pékin en 2008. Championne de France en salle en 2010. Une existence rose bonbon. Comme elle l'avait rêvée.

Avant qu'une grosse tâche de gris ne vienne tout perturber en 2011. "Dans mes analyses de sang régulières, le médecin de la Fédé n'a pas vu que je souffrais d'une infection. La rougeole a été diagnostiquée très tard. Cette maladie peut faire de gros dégâts chez l'adulte. Dans mon cas, j'ai mis beaucoup de temps à m'en remettre. Mes chronos ne correspondaient plus à ce que je valais vraiment. Je me suis ainsi retrouvée simple remplaçante du relais tricolore aux championnats d'Europe en salle à Paris en 2011. Ça ne m'était encore jamais arrivé…"

Dans un Palais Omnisport de Paris-Bercy enfiévré, les tricolores obtiennent le bronze sur le relais 4 fois 400. En coulisses, Virginie est en survêtement. Impuissante. Quelques mois plus tard, elle tire un trait sur douze ans de carrière. "Physiquement, je n'y arrivais plus. Je suis donc rentrée chez moi à Albi en mai 2012. Fin de l'aventure. J'ai rangé toutes mes affaires de sport. Je ne voulais plus les voir. Une sorte de rejet. Ce fut un arrêt de carrière pour le moins sauvage. Un deuil mal fait. Il m'a fallu des années avant de m'en sortir."

Souvenirs de 2008 pour l'athlète martiniquaise Virginie Michanol. Elle faisait partie du relais tricolore engagé sur le 4 fois 400 mètres.

 

Quand le spleen prend toute la place

Dans un premier temps, Virginie devient maman. Avec Leslie Djohne son compagnon, ils donnent naissance en 2013 à Lyah, leur fille. Tout semble aller bien. Ou presque. "Je portais mon mal-être sans en parler à personne. Si je pouvais rester couchée, je le faisais. Et dès que j'étais seule, je passais mon temps à pleurer. Ce qui veut quand même dire que ma fille ne m'a jamais vu m'effondrer." Il n'empêche que le trouble s'installe. Insidieusement. "Ma vie ne me plaisait pas. Je ne vibrais plus. Je ne voyageais plus. J'étais tellement triste d'avoir arrêté ma carrière d'athlète. J'avais participé aux Jeux Olympiques. Très bien. Mais avec qui le partager ?"

Leslie Djohne, son compagnon est toujours athlète. Donc souvent absent. Virginie Michanol se retrouve seule… et s'effondre physiquement. "Alors que j'avais bien récupéré de ma grossesse, j'ai commencé à décrocher. J'ai pris jusqu'à 20 kilos. Alimentation déséquilibrée. Trop sucrée. Un vrai cauchemar." La Martiniquaise grignote. Tout le temps. Se perd. "Quand je ne suis pas bien, je gonfle. Dramatique. Je peux prendre cinq kilos en une semaine."

En 2017 pourtant, sa silhouette s'affine. Virginie a repris le sport. Le crossfit, étrange combinaison de force athlétique, d'haltérophilie et de sports d'endurance. La Martiniquaise serait-elle sortie du tunnel ? Pas vraiment. "Je me suis jetée dans le crossfit, un peu à l'image de tous ces types qui font du bodybuilding à outrance. Deux séances par jour. 5 jours par semaine. J'étais alors beaucoup plus musclée qu'à ma grande époque. Une période infernale pour mon entourage. Je ne parlais plus que de ça. Une fuite de plus." Fin de l'expérience en 2018. Pas de retour à la case déprime pour autant. Car la météo intérieure de la championne connaît ses premières éclaircies.

 

Les mains tendues

Virginie Michanol est comme tout le monde. Elle a besoin de travailler. Pour gagner sa vie. Et retrouver l'estime de soi. Lorsqu'elle envoie sa candidature à l'un des restaurants McDonald d'Albi, elle ne s'imagine pas que tout va commencer à changer. "Sébastien Loiret, le grand patron m'a embauchée car il aimait mon CV. Sébastien adore le sport et recherchait un profil comme le mien." Alors qu'elle visait un emploi d'hôtesse, Virginie grimpe bien vite dans la hiérarchie. "Je me suis retrouvée manager du restaurant en très peu de temps. Avec Sébastien, j'ai rencontré quelqu'un qui me faisait confiance. J'avais besoin de ce coup de pouce."

Accalmie bienvenue dans le ciel professionnel. Et à la surprise générale, les nuages qui menaçaient toujours son petit monde psychologique, commencent à être chassés par un… chiropracteur. "Je suis allée consulter Thomas Guerry. Un peu par hasard. Je souhaitais me remettre à courir. Il m'a fait craquer comme jamais. Mais surtout, il a su trouver les mots pour me permettre de passer à autre chose." Un psy de talent déguisé en chiropracteur ? "On pourrait dire ça. Et nutritionniste aussi ! Car Thomas m'a aidé à repenser toute mon alimentation."

 

Reprendre les commandes de sa vie

Virginie Michanol est en reconstruction. Psychologique et physique. Elle a longtemps sculpté son corps. Depuis 2010, elle le dessine. D'imposants tatouages sont apparus ici et là. "Ça fait mal mais c'est thérapeutique." Des femmes, des fleurs géantes… et même des anneaux olympiques. "Ceux-là, je les ai faits en 2018, pile dix ans après les JO de Pékin." Depuis un peu plus de douze mois, Virginie n'a pas ajouté de nouveaux tatouages. "Impossible de vous dire si j'en ferai d'autres. Je sais juste que ces tattoos me correspondent. C'était ma rébellion et j'en suis fière."

Bonne nouvelle : à 36 ans, Virginie Michanol va bientôt revenir à la compétition. "C'est encore une idée de Sébastien Loiret. Il m'a lancé un défi. Il m'a inscrite au prochain Albi Run Urbain, douze kilomètres de trail dans les rues de ma ville natale. Et attention, il veut que j'arrive avant Vincent, un jeune trentenaire du restaurant !" Pour ce retour à la compétition prévu le 8 avril prochain, Virginie peut compter sur le programme d'entraînement de Leslie Djohne. "Je dois perdre encore douze kilos pour arriver dans de bonnes conditions au départ. Et aller au bout. Pour moi. Mais aussi pour tous ceux qui m'ont toujours soutenue. Comme mes parents Élisabeth et Félix. Ma façon à moi de les remercier."

En 2025, Virginie aura 40 ans. Peut-être l'échéance idéale pour un nouveau bilan. "À quarante ans ? Je serai belle et rebelle !" La Martiniquaise ne cache plus qu'elle a de nouveau, plein de projets. Professionnels et sportifs. "Muriel Hurtis m'a proposé de participer à un trail un peu dingue en Corse. J'adore l'idée." La championne semble avoir retrouvé le goût des choses. Tout en sachant que le burn out d'hier a rendu son présent plus instable. Fragile. "Mais je sais que je suis sur la bonne voie. Désormais, une seule chose m'importe : sourire et croquer la vie à pleines dents !"

Souvenirs de 2010 et des championnats de France en salle au POPB. Virginie Michanol était devenue championne de France du 400 mètres. Trois photos sur un fond rose. Forcément.