Virginie ne court plus. Elle conduit. Ou plus exactement, elle apprend aux autres à conduire. Depuis septembre 2023, la Martiniquaise travaille dans une auto-école à Toulouse. "J'adore transmettre." Florent Feuillères, le big boss d'ECF Sud-Ouest a vite cerné le potentiel de la championne. "Il a beaucoup de respect pour mon parcours. Humainement, c'est quelqu'un d'extraordinaire. Ça peut paraître fou mais je ne parle jamais travail avec lui." Il faut préciser que Florent est fou de sport. Pratiquant assidu. Et certainement surpris que Virginie Michanol n'ait pas été contactée pour participer au relais de la flamme de Paris 2024. "L'image est belle. Un fabuleux symbole. J'aurais vraiment aimé porter cette flamme dans ma région. Sauf que je n'ai pas été sollicitée. Leslie Djhone, mon ex-compagnon leur a parlé de moi. De mon envie. Mais ils ne m'ont jamais appelée."
Dans le rétroviseur chinois
La machine à remonter le temps est enclenchée. Rendez-vous en 2008. Pékin. Les Jeux Olympiques. Les tout premiers de Virginie Michanol. "Je me souviens très bien de mes impressions en débarquant là-bas. Oh, ce monde… C'était gigantesque ! Et toutes ces couleurs… Les Chinois avaient mis le paquet." Virginie a alors 23 ans. La tête sur les épaules. Mais avec les yeux qui brillent. "Intégrer le village des Jeux, c'est un peu comme pénétrer dans LE Disneyland du sport. Tout y est démesuré. Sans même t'en rendre compte, tu croises Usain Bolt ou LeBron James. Et tout ce beau monde vit à tes côtés. Le temps des Jeux."
La grande fête du sport peut pourtant tourner à la bérézina personnelle. Si mentalement, l'immensité de l'événement vous dépasse. Sans prévenir. "Ce ne fut pas mon cas. En 2008, je pouvais compter sur mon compagnon Leslie Djhone et mon entraîneur François Pépin. J'étais bien dans ma tête." Malheureusement, d'autres n'ont pas eu cette chance. "À l'époque, c'était freestyle et frustration. On manquait clairement de soutien de la part de la Fédé. Le travail psychologique était inexistant. Et n'oublions pas les galères financières de certains. Ceux qui voulaient s'arrêter de bosser pour préparer les Jeux, n'avaient plus de quoi payer leurs factures !"
Un épais brouillard
À Pékin, Virginie Michanol disputait le relais 4 fois 400 mètres. Seize ans plus tard, nous lui demandons de raconter la course. À travers ses souvenirs. Expérience plus que saisissante. "Euh… Oh mon Dieu… Je n'ai plus aucune image dans la tête. Plus le moindre souvenir. Mon cerveau a fait ça avec pas mal d'événements. Même les bons moments." Au moins garde-t-elle une trace de l'avant-course ? Le fameux passage dans la chambre d'appel ? "C'est terrible… mais non. Désolée. Je ne sais même plus qui a lancé le relais tricolore. Euh… c'était moi ?"
Wikipédia finit par voler à son secours. En 2008, le relais féminin du 4 fois 400 mètres était 100% ultramarin : Phara Anacharsis, Thélia Sigère, Solen Désert et Virginie Michanol à la conclusion. "Oh, ma mémoire… Comment ai-je pu oublier tout ça ? Je ne me rappelle même pas si j'ai souffert. Je me trouvais dans un processus de performance. J'étais en mode machine. Je tirais le positif et le négatif de chaque événement. Avant de me concentrer sur le suivant." En Chine, les relayeuses tricolores sont éliminées en séries. 3 minutes 26 secondes et 61 centièmes. "Aujourd'hui, j'aimerais bien revoir cette course. Ça me toucherait. Montrer les images à ma fille aussi."
Se relayer au volant
Virginie a vécu Pékin 2008 de l'intérieur. Mais pas dans son intégralité. "Nous arrivions plus tard que les autres. Donc, pas de cérémonie d'ouverture. On nous expliquait ensuite qu'il était trop compliqué sur un plan logistique de participer à la cérémonie de clôture. Entre les deux, on nous déconseillait d'aller nous promener en ville car c'était paraît-il, trop dangereux." Résultat : la Martiniquaise n'a pu faire du tourisme… qu'à l'intérieur du village olympique.
Si sa mémoire des courses est parfois défaillante, Virginie Michanol a conservé toute une série d'objets qui peuvent témoigner de son brillant passé d'athlète. "J'ai gardé tous mes badges, tous mes dossards et les goodies des différentes compétitions auxquelles j'ai participé." À désormais 38 ans, elle n'a finalement qu'un seul regret. "Ma frustration, c'est d'avoir arrêté trop tôt. J'aurais aimé franchir un cap. Descendre sous les 51 secondes. Je travaillais, c'est vrai mais en mode talent. Pas assez en mode exigence. Quand j'ai mis un terme à ma carrière, je commençais seulement à apprivoiser le 400 mètres. C'est dommage."