Le travail d'enquête du réalisateur martiniquais, touché personnellement -sa mère perdit son travail à 51 ans- a été récompensé par le prix spécial du jury Fémin'îles du FEMI, le festival régional et international du cinéma de Guadeloupe, en avril 2024.
La jeune génération ne connaît pas le Crédit martiniquais, absorbé par la BRED, lors de sa faillite, la dernière année du XXe siècle. Pourtant cette banque emblématique, fondée en 1922 par des Békés, fut une institution martiniquaise, puissante et majeure, pendant les soixante-dix-sept ans de son existence.
La banque des Martiniquais, pilier du développement régional
La banque devient au fil du temps la banque de dépôt, leader sur le marché local, loin devant les banques de l'Hexagone bien qu’elle soit surnommée la "banque des Békés" -une vingtaine de familles de Békés y sont actionnaires-.
C'est LA banque du département, parfois la seule institution bancaire présente dans certaines communes de l'île. Clients, employés et cadres échangent en créole. Le Crédit martiniquais finance les activités et le développement économique des territoires antillo-guyanais. C'est une fierté et une force locale.
Les années 70 voient la disparition d'entreprises locales mais la banque tient bon. Avec la loi Pons, les investisseurs affluent.
Depuis 86, cette banque a financé de manière extraordinaire la défiscalisation.
Eddie Marajo, Directeur Open Soft SystemLa banque, maman et moi
La crise immobilière des années 90 ébranle le système. Les faillites de PME se multiplient. Les hôtels luxueux construits grâce aux ressources du Crédit martiniquais ne sont pas rentables. Fin 1995, l'établissement financier ne respecte plus les ratios de solvabilité. 60 000 comptes de particuliers et 10 000 comptes d'entreprises sont menacés par les créances douteuses de la banque.
La presse nationale s'empare du scandale, le feuilleton judiciaire commence
Le premier article sort en février 1997. Nathalie Raulin, journaliste à Libération, flaire l'affaire et titre "Alerte bancaire à la Martinique".
Tous les autres médias suivent. La presse se déchaîne, le scandale éclate.
Dans l'Hexagone, le pouvoir change de mains. Après la dissolution de l'Assemblée Nationale le 11 avril 1997, Lionel Jospin est nommé Premier ministre. L'ancien chef du gouvernement s'exprime pour la première fois sur ce dossier et détaille la création du fonds de garantie, qui protège désormais les épargnants.
Deux autres témoignages cruciaux émaillent la narration : celui exclusif de Brigitte Möcli. L'ancienne directrice générale de la banque, poursuivie pénalement, accepte pour la première fois d'évoquer l'affaire, en dehors des tribunaux, et l'impact que celle-ci a eu sur sa vie. Le réalisateur a recueilli la parole de Xavier Hubert, procureur adjoint de la République à Fort-de-France, auteur du réquisitoire du Parquet lors du procès, qui s'est déroulé au terme de douze ans d'enquête.
En première instance, des peines sévères sont attribuées à cinq prévenus désignés coupables. Deux d'entre eux écopent de prison ferme. Le verdict du procès en appel relaxe tout le monde ; le non-lieu est prononcé en 2013. Un an plus tard, la Cour de cassation rejette le pourvoi du parquet général.
Le film adopte le parti pris narratif de mise en scène de l'enquêteur Olivier Ozier Lafontaine. Des photos de vacances et de fêtes de Noël de l'album familial révèlent la place de l'entreprise dans l'enfance du Martiniquais. Le témoignage de sa mère, ancienne employée de la banque, rythme le récit avec une émotion contenue. 25 ans après, l'affaire est encore sensible. Plusieurs anciens salariés du Crédit martiniquais ont refusé de parler devant la caméra. La BRED a rejeté toutes les demandes de tournage.
Écriture Olivier Ozier Lafontaine et Eddylia Eugène-Mormin
Réalisation Olivier Ozier Lafontaine
Une coproduction Paramonti et France Télévisions
Durée 52 minutes - © 2024