Luc Pinto Barreto a inauguré samedi sa librairie "en dur" sur le parvis de la gare de Saint-Denis dans le 93. Malgré une parenthèse liée au confinement, il réussit son pari : le Martiniquais, qui vendait jusqu'ici dans la rue, est désormais installé dans un conteneur aménagé en boutique.
Il reste encore quelques travaux. Bientôt, le nom "dealer de livres" - qu'il s'est choisi - apparaîtra en toutes lettres au-dessus des portes de sa librairie. Mais Luc Pinto Barreto ne voulait plus attendre pour se lancer : il a officiellement ouvert les portes de sa boutique samedi à 16h. "Un joie" pour sa mère martiniquaise présente sur place. "Je suis content et j'aimerais qu'on l'encourage. Faire quelque chose, c'est bien, dit le père de Luc. "Mais il faut voir la suite", complète son épouse.
"J'ai une sacrée boule au ventre, avoue Luc. Elle grossissait toute la semaine au fur et à mesure que ça approchait parce que je ne me sentais pas forcément prêt mais j'avais quand même envie de lancer l'inauguration parce que c'était pour m'enlever un poids aussi." Pour célébrer, aussi, ce projet qu'il porte depuis 2016 après qu'il a quitté le palace parisien dans lequel il travaillait comme agent de maintenance.
A la place des palaces de Paris, il a donc choisi d'investir le parvis de la gare de Saint-Denis, "un lieu beaucoup décrié", explique Nicolas Laurent, présent à l'inauguration. "Un endroit qui n'est pas facile, qui est très singulier, énorme melting-pot et une grande épine dans le pied dans le quotidien de la mairie."
Un lieu décrié
L'employé municipal – qui a accompagné le libraire pour obtenir les validations politique et administrative - est ému de voir aboutir un projet "qui a beaucoup de sens" car Luc "amène quelque chose de beau qui peut nous faire avancer dans une réflexion collective, sur comment on vit ensemble, comment on fait vivre une société malgré tous ses clivages."Luc Pinto Barreto, fils d'une Martiniquaise et d'un Capverdien, a choisi d'installer sa boutique sur ce parvis, la place des Victimes du 17 octobre 1961, mais aussi d'y vivre désormais : l'appartement familial se trouve à quelques dizaines de mètres de là. "J'aimerais que ça puisse être un lieu où n'importe qui puisse venir avec ses enfants et profiter de l'espace, dit le père de famille. Se sentir à l'aise comme on devrait."
Une volonté de la ville
Accompagné et validé par l'ancien conseil municipal, soutenu par le nouveau, le projet du libraire de rue s'inscrit dans la volonté de la ville de regagner des espaces comme celui-là. "Je suis vraiment heureuse de voir qu'on peut aussi apporter de la culture sur le parvis de la gare de Saint-Denis, c'est pas évident", se réjouit Idandine Wanzekela, maire adjointe à l'éducation populaire et lecture publique.Sur ce parvis se croisent chaque jour des milliers des personnes aux profils divers, habitants de ce quartier populaire ou seulement de passage dans ce lieu de transit : "les usagers au quotidien sont soit des gens très décriés, soit des gens très éprouvés parce qu'ils sont mécontents, parce qu'ils ressentent quelque chose de violent chaque jour", explique Nicolas Laurent. "C'est quelque chose de très beau d'apporter de la culture parce qu'on a toujours des personnes qui parfois n'osent pas rentrer dans une librairie, complète Idandine Wanzekela. Et peut-être que grâce à ce mobile-home on peut oser rentrer."
Du soutien et une dynamique
Accompagné dans sa démarche par le "6b" lieu de création et de diffusion pluridisciplinaire à Saint-Denis, Luc Pinto Barreto de l'une des rares librairies de la ville : Folies d'encre, qui l'a accueilli en stage l'an dernier. "Bienvenue chez les libraires! Bienvenue!", s'écrit Aurélie Damar, salariée de Folies d'encre, venue assister au lancement de ce projet qui "s'inscrit dans une dynamique de lecture" au sein de la ville. "C'est ça le plus important.""L'été dernier pendant la phase d'expérimentation, c'était assez facile. Folies d'encre me permettait de me fournir en bouquins et ils ne me facturaient que ce que je vendais. Je n'avais pas trop de prise de risques : je ne vends pas, je leur rends, je ne suis pas facturé. Maintenant, je vais faire mes propres commandes, je vais les payer (…)"
Outre-mer la 1ère avait rencontré Luc Pinto Barreto l'an dernier, quand il installait sa table devant la gare. Déjà, il parlait de littérature avec passion et avait en tête l'idée d'un conteneur aménagé :
Désormais, le libraire peut vendre ses livres à l'abri du soleil ou des intempéries. La mairie l'autorise à utiliser cette petite parcelle de l'espace public pendant trois ans, la SNCF a approuvé la démarche. La boutique est ouverte les mardi, mercredi, vendredi et samedi de 9h à 13h et de 14h à 19h.