Cette nouvelle aventure n'aurait pas dû démarrer si tôt. Pas en octobre. Plutôt en janvier. "Je rêvais de faire un break, reconnaît Soana. J'en ressentais le besoin. Je voulais partir me ressourcer chez moi en Calédonie. Or, tout était fermé à cause du Covid. Une situation complétement bloquée." Au même moment, l'agent de la Calédonienne ne cesse de l'appeler pour lui dire qu'un club turc en a fait sa priorité. "Comme peu de Françaises ont l'opportunité de partir là-bas et que le niveau de compétition y est relevé, j'ai fini par oublier mon projet de break. J'ai signé."
Après trois ans dans la petite ville vendéenne de La Roche-sur-Yon, place à la mégapole Ankara. Une grosse capitale. Plus de cinq millions d'habitants. Et quelques légendes qui ont la vie dure. "J'imaginais plein de choses avant d'arriver ici. Je pensais que tout le monde serait voilé. Alors qu'en deux mois, j'ai dû croiser trois femmes voilées. Pas plus. Idem pour la sécurité. Je m'attendais à débarquer dans une ville dangereuse. Il se trouve qu'Ankara est juste super safe."
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— OGM Ormanspor (@OGM_Ormanspor) September 27, 2021
Nouveau maillot, même gâchette
L'équipe d'OGM Ormanspor compte trois étrangères : les deux Américaines McCowan et Robinson ainsi que Soana, la Française. Intégration parfaite. L'anglais est la langue officielle. Easy. Reste juste à gérer son stress. "Généralement, on attend des performances supérieures de la part des étrangères. Au début, j'ai eu tendance à me mettre la pression toute seule. Du coup, je manquais pas mal de lancers. Mais ça va mieux depuis." La preuve en chiffres : le 31 octobre dernier contre le Besiktas, Soana Lucet a inscrit 16 points. Pour un temps de jeu qui tourne autour de 30 minutes. La gâchette de Nouméa fonctionne de nouveau à plein.
3 victoires. 1 défaite. Bon début de championnat pour Ormanspor. La bande à Soana occupe la troisième place du classement. Meilleure attaque avec 346 points marqués. La Coupe d'Europe sourit aussi aux joueuses turques : 3 victoires et 1 seule défaite pour le moment. La Calédonienne affiche le sourire des grands soirs. "Il est vrai que tout se passe pour le mieux en ce début de saison. Je me sens au top. Je garde bien sûr un œil sur le championnat français qui a offert quelques surprises durant les premières journées. Et j'avoue que ça me ferait bien plaisir d'aller battre une équipe tricolore en Eurocup !"
Le basket en Turquie, une autre dimension
En rejoignant la Ligue turque de basket, Soana a été comme téléportée dans une autre dimension. Fini la petite structure familiale. Bonjour la grosse machine professionnelle. "J'arrive à la salle avec juste mon sac à main. Tout mon équipement est prêt. Il m'attend. Je n'ai pas à m'en occuper. Besoin d'un kiné ? Il y en a un en permanence à disposition. Le staff est juste incroyable. Je n'avais jamais vu ça auparavant. Tout cela me semble très inspiré des grandes ligues américaines de basket." Grand luxe.
Assez logiquement, les salaires sont à la hauteur du standing. Comprenez qu'ils se révèlent bien plus élevés qu'en France. Même si parfois… les joueuses ne sont pas payées. "Je connais effectivement des filles dans d'autres clubs qui n'ont toujours pas reçu le moindre virement depuis le début de la saison. Mais ici à Ankara, Ormanspor a un sponsor unique, le ministère des forêts. C'est une chance car cela nous garantit d'avoir notre salaire, tous les mois." Sans oublier le logement offert. Pas de voiture mise à disposition en revanche. Non. Mieux que ça. "Nous avons un chauffeur qui assure nos déplacements professionnels ! Au club, il faut savoir qu'un manager s'occupe exclusivement des joueuses étrangères. Il nous a confié que son job était de nous rendre heureuses." Si ce n'est pas de l'amour…
Le douloureux été 2021
En Turquie, Soana Lucet est en train de retrouver une stabilité émotionnelle envolée l'été dernier. "J'ai tout gardé pour moi. Tout intériorisé." Après avoir mené l'équipe de France de basket 3x3 à la qualification olympique en mai, elle a appris indirectement qu'elle ne serait pas du voyage final au Japon. Pas de JO pour la Calédonienne. "On m'a juste dit que je n'étais pas retenue à cause de ma taille. Sans plus d'explications. Là, j'ai vraiment souffert." Surtout que ces mêmes sélectionneurs n'hésitent pas à la rappeler début septembre pour la Coupe d'Europe. D'un seul coup, le mètre quatre-vingt-six de Soana n'est plus un handicap. "Comme un pied de nez à l'histoire, nous sommes montées sur le podium ! Cette médaille de bronze a eu un goût magique."
Il n'empêche que la championne a toujours du mal à digérer sa non-sélection pour Tokyo. Et ce n'est pas fini. Sa taille trop modeste lui était reprochée en 2021 ? Son âge semble maintenant la condamner pour 2024. "Je figure toujours dans la liste élargie du groupe France 3x3 mais on m'a signalé que j'aurai 37 ans lors des JO de Paris 2024. Merci. Et alors ? Je ne me suis jamais sentie aussi forte. Ce critère de l'âge ne tient pas la route. De toute façon, je suis persuadée qu'ils vont me rappeler pour les grands rendez-vous de 2022. Ils savent que je serai toujours disponible pour les Bleues. Prête à tout donner."
Il ne serait donc pas surprenant que l'été 2022 de Soana Lucet soit une nouvelle fois studieux. Après une saison complète au sein de son club turc d'Ormanspor, elle enchaînerait avec des compétitions internationales en équipe de France 3x3. Croisons juste les doigts afin qu'elle trouve un petit créneau pour souffler et pour… rentrer chez elle. "Je ne suis plus retournée en Calédonie depuis 2017 ! Cela fait bien trop longtemps. Vous ne pouvez pas savoir combien mon caillou me manque. Et je suis comme tout le monde : j'ai besoin de voir ma maman !"