Native de Saint-Claude en Guadeloupe et issue d’un milieu modeste, Lucette Michaux-Chevry a mené une carrière politique tambour battant. Elle a été successivement avocate, conseillère générale, présidente du conseil général de la Guadeloupe, députée, secrétaire d’Etat chargée de la Francophonie, présidente du conseil régional de la Guadeloupe, ministre, sénatrice et maire. Figure de la vie politique guadeloupéenne, elle a été longtemps la femme forte du département. Certains l’avaient baptisée "la dame de fer de la Caraïbe". Sa fille, Marie-Luce Penchard, elle aussi ministre sous la présidence Sarkozy, a également embrassé une carrière politique locale et nationale.
Issue d'une famille nombreuse
Née le 5 mars 1929, Lucette Michaux-Chevry est la quatrième d’une famille de dix enfants. Titulaire d’une licence en Droit, elle a prêté serment au barreau de Basse-Terre en 1954. Dès 1959, elle a été élue conseillère municipale de Saint-Claude, son fils n’avait que huit jours. "J'ai dû démissionner quelques mois après et me suis représentée à des élections quand il avait 17 ans. Rien n'est fait aujourd'hui pour qu'une femme puisse à la fois prendre des responsabilités et offrir à ses enfants l'affection nécessaire", déclarait-elle au quotidien La Croix en 1999. Mariée jeune, elle a perdu très tôt son mari, l’imprimeur Henri Michaux, âgé de dix ans de plus qu’elle. Depuis ce décès, c’est donc la politique qui a pris toute la place dans la vie de l’avocate.
De gauche à droite
La carrière politique de cette mère de deux enfants a donc réellement débuté en 1976 à gauche en tant que conseillère générale du canton de Saint-Claude. Six ans plus tard, elle a changé d’étiquette et opté pour un virage à droite. Elle est devenue la première femme présidente du Conseil général de la Guadeloupe et a soutenu en 1981 le candidat Valéry Giscard d’Estaing à l’élection présidentielle. Elle est également élue maire de Gourbeyre. C’est alors le début d’une ascension fulgurante tant au niveau local que national. Après avoir fondé son propre Parti de la Guadeloupe (LPG), elle a été élue députée en 1986 et a rapidement démissionné car elle est devenue la première femme antillaise nommée dans un gouvernement en tant que secrétaire d’Etat à la Francophonie du Premier ministre Jacques Chirac, fonction qu’elle a exercée jusqu’en 1988.
Une chiraquienne de toujours
Jacques Chirac a toujours tenu toujours une place à part pour Lucette Michaux-Chevry. Il restait pour elle comme l’homme des "grandes avancées économiques", telles que "la défiscalisation" votée en 1986, déclarait-elle au journal Le Monde. "Chirac avait bien compris que l’Outre-mer, c’était la chance de la France", disait-elle encore.
La réélection de François Mitterrand en 1988 n’a pas entamé sa carrière politique. La dame de fer a été élue députée et encore une fois appelée à des fonctions ministérielles, au sein du gouvernement Balladur en tant que ministre déléguée à l’action humanitaire et aux droits de l’homme de 1993 à 1995.
De retour à la vie politique locale, Lucette Michaux-Chevry fera parler d’elle quand, à la surprise générale de son propre état-major, elle signera le 1er décembre 1999 avec ses homologues de Martinique l’indépendantiste Alfred-Marie-Jeanne et de Guyane le socialiste autonomiste Antoine Karam la Déclaration de Basse-Terre. Les trois présidents de région y faisaient le constat d’une situation alarmante de l’économie de leurs collectivités respectives. Ils appelaient l’Etat à prendre des mesures d’urgence et demandaient une politique susceptible de susciter la création d’emplois et d'activités productives pour tourner le dos à société de consommation et en finir "avec le cycle infernal de l'emploi assisté".
Un règne sans partage
Deux fois présidente de Région, trois fois députée, cinq fois maire, deux fois sénatrice, jusqu’en 2004, elle a régné sans partage sur l’échiquier politique guadeloupéen. Mais cette ascension sans faille s’est fissurée à partir de cette année fatidique. Celle que l’on appelle localement "Sésette" s’est trouvée face à un adversaire plus coriace qu’elle, en la personne de Victorin Lurel. Lors des élections régionales de 2004, il l'a emporté sur la dame de fer. Une surprise de taille.
De nombreuses mises en examen viendront entacher cette carrière politique exceptionnelle. En 2002, Lucette Michaux-Chevry sera condamnée pour favoritisme puis pour "faux et usage de faux", dans une autre affaire. A 88 ans, elle a dû comparaître à nouveau devant la justice pour détournement de fonds publics à la communauté d’agglomération Grand Sud Caraïbe.
En politique, sa fin de carrière a été marquée par une bataille homérique l’opposant à Gabrielle Louis-Carabin. En octobre 2006, la députée-maire du Moule avait créé une fédération locale de l’UMP, une déclaration de guerre pour Lucette Michaux-Chevry qui se voyait toujours comme "la patronne" de la droite locale.
Le 31 janvier 2019, Lucette Michaux-Chevry annonçait en exclusivité à Guadeloupe la 1ère mettre fin à sa carrière politique. Elle avait pris la plume pour faire cette annonce. Dans sa lettre adressée aux Guadeloupéens, elle concluait : "Vous avez rempli ma vie de joies, de succès, de doutes, mais vous avez surtout donné du sens à ma vie et à mon engagement politique. Sans vous je ne serais pas devenue "grand madam’la" ".
Interviewée sur une chaîne locale en 2019, elle déclarait : "J’aime le travail. J’adore manipuler mes dossiers, c’est ma drogue. (…) Ma vie est très remplie et j’adore l’action". Il y a à peine trois ans dans une vidéo diffusée par ce même média local, on la voyait encore danser lors d’une fête de famille. "Je n’ai jamais accepté la négligence. J’ai mené une vie très saine et très accrochée à l’activité. Je possède en moi une rage de me battre", déclarait-elle encore.