La "gestion des dispositifs éducatifs trop peu adaptée aux réalités locales" dans les académies ultramarines

(Photo d'illustration)

La Cour des comptes publie ce jeudi 10 décembre un rapport sur les systèmes éducatifs dans les académies ultramarines. Il pointe de nombreux déséquilibres, notamment dans la prise en compte des réalités locales dans la gestion de ces systèmes. 

"Au-delà de la question du mode d’allocation des moyens, il faut rechercher les causes d’une performance insuffisante du système scolaire de ces rectorats dans une organisation administrative et une gestion des dispositifs éducatifs trop peu adaptée aux réalités locales." En une phrase, le rapport de la Cour des comptes publié ce jeudi 10 décembre à la demande du Sénat, résume les problématiques auxquelles font face les élèves et personnels des académies ultramarines. 

 

Plusieurs problèmes sont ainsi pointés. Premièrement, la question des différences face à l'Hexagone. Si l'on ne peut comparer La Réunion, plus grande académie d'Outre-mer, à Mayotte, qui n'a été équipée d'un lycée qu'en 1980, il y a tout de même des problèmatiques communes à l'ensemble des territoires ultramarins : éloignement voire insularité, climat et risques naturels, "configuration archipélagique", défectuosité des équipements collecitfs, chômage, pauvreté, difficultés démographiques (vieillissement, immigration clandestine, ...), etc. 

De façon générale, l’enseignement est dispensé dans des conditions plus difficiles qu’en métropole.

  

Difficultés avec le français

S'ajoutent à cela d'autres facteurs comme "le taux faible de remplacement des absences des enseignants", un temps d'enseignement "plus court", ou encore une moins bonne maîtrise de la langue française.

En moyenne, au niveau national, 13,3% des élèves qui entrent en 6ème ont une maîtrise "insuffisante ou fragile" du français explique le rapport. Mais ces taux augmentent en Outre-mer : 21,5% à La Réunion, 25% à la Martinique, 28,7% en Guadeloupe, 44,2% en Guyane et même 75,4% à Mayotte. Cela se répercute plus tard, puisque les taux de jeunes de 17-18 ans en difficultés de lecture sont deux à six fois supérieurs à la moyenne nationale dans ces académies ultramarines.

 

Problème de distribution des moyens

Liées en partie aux spécifités ultramarines, qu'elles soient géographiques, climatiques, culturelles, économiques ou sociologiques, ces difficultés ont été accompagnées d'un effort budgétaire "incontestable", souligne la Cour des comptes : "le coût annuel du système scolaire dans les cinq académies ultramarines s’élève à un peu plus de 4 Md€ pour le seul ministère de l’éducation nationale. Rapporté au nombre d’élèves, il est supérieur d’environ 30 % à la moyenne nationale."

 

Malheureusement, estime le rapport, ces moyens ne sont pas alloués correctement. Entre la forte attractivité de territoires comme les Antilles ou La Réunion, et la pression démographique à Mayotte et en Guyane, les effectifs sont mal répartis, "si bien que, malgré l’augmentation des personnels enseignants et des dépenses consacrées aux académies ultramarines, les moyens de l’éducation nationale ne sont pas ajustés aux besoins."

 

Le problème se pose également dans la gestion de ces systèmes éducatifs. Les différences sont "minces" avec l'Hexagone, note le rapport, que ce soit dans le recrutement, les enseignements ou encore dans les dispositifs tels que les réseaux d'éducation prioritaires. Mais, ajoute la Cour des comptes, la solution de calquer les dispositifs ultramarins sur les méthodes hexagonales n'est pas optimale, comme le montre l'exemple de l'éducation prioritaire, "massivement utilisée" dans ces académies mais mal développée face aux "lourdes contraintes" que sont le "manque de formateurs", les "distances" et la "rotation des enseignants".

Le dialogue de ces académies avec le ministère ne fait pas une place suffisante aux spécificités locales : il reprend à l’identique les priorités ministérielles de facto difficilement applicables (les rythmes scolaires à Mayotte, par exemple), des difficultés localement très importantes (la question linguistique en Guyane) n’y sont pas traitées.

 

 

Revoir les adaptations

L'une des solutions apportées par la Cour des comptes serait donc de ne plus adapter systématiquement les dispositifs nationaux aux Outre-mer, sans prendre en compte au préalable les problèmatiques locales, mais de "dynamiser l’emploi" des outils. La Cour des comptes propose également de revoir les règles d'attractivité des territoires afin de favoriser le recrutement d'enseignants dans des territoires en difficulté comme la Guyane ou Mayotte. 

Concernant les zones d'éducation prioritaires, le rapport suggère de "trouver des modalités d’action de terrain plus réalistes en donnant aux recteurs de nouvelles marges de manœuvre pour affecter les moyens" et demande au ministère de l'Éducation nationale de revoir les procédures d'application des règles. 

 

En tout, neuf recommandations ont été émises par la Cour des comptes parmi lesquelles des propositions de mesures statistiques plus précises et proches de la réalité locale en Outre-mer. Les autres recommandations se divisent entre les territoires. D'un côté, encourager les remplacements d'enseignants en cas d'absence et améliorer la formation continue en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. De l'autre, revoir les indemnités des personnels, améliorer le processus de recrutement et adapter les concours d'enseignement aux besoins de Mayotte et de la Guyane. 

► Cliquez ici pour consulter le rapport en entier.