Elle vient à peine de fêter ses 27 printemps. Sous peu, Stella Akakpo célébrera également dix années de présence en équipe de France senior d'athlétisme. Belle longévité pour la Martiniquaise qui s'illustre par ailleurs. La sprinteuse aime communiquer et dynamiter les idées.
Détail déroutant. Si vous croisez Stella Akakpo une fois par mois durant toute une année, vous aurez l'impression de rencontrer douze personnes. Différentes. Il y a pourtant bien ce même sourire, cette même espièglerie dans le regard. Mais un petit quelque chose la rend différente. Ne cherchez plus. La Martiniquaise rend visite à son coiffeur très régulièrement. "J'ai besoin de changer de tête, de look. C'est vital pour moi. Je ne supporte pas de garder trop longtemps la même coupe. La coiffure est peut-être le seul domaine où je suis capable de dépenser déraisonnablement."
Coupe afro. Un carré. Décoloré blond. Frisés. Défrisés. Des dreads. Des tresses. Des extensions… Stella Akakpo change de look selon ses humeurs. Elle adore ça. Sur les réseaux sociaux, certains commentaires la comparent à un mannequin. La Martiniquaise court pourtant après d'autres podiums. Sprinteuse en équipe de France senior depuis 2013, Stella a déjà vu défiler bien des compétitions. Après les exploits de ses jeunes années et les doutes des derniers mois, elle compte s'illustrer lors de la collection printemps-été de Tokyo.
Une Olympiade contrariée
Pour Stella Akakpo, 2016 aurait dû avoir le goût de la consécration. Championne de France en salle sur 200 mètres, l'hiver. Championne de France sur 100 mètres, l'été. Tout cela en année olympique. Sauf que le beau moteur s'enraye une première fois en demi-finale des championnats d'Europe à Zurich. Stella est disqualifiée suite à un faux-départ litigieux. Elle manque ensuite sa qualification en individuel aux JO de Rio pour… deux petits malheureux centièmes. "Je ne le savais pas encore, mais c'était le début d'une période compliquée pour moi."
Changement d'entraîneur en 2018. L'espièglerie dans le regard disparaît pour laisser la place à une sorte de vague à l'âme. Stella Akakpo flirte avec le burn out. "C'est une spirale négative. Tout s'enchaîne et vous tire vers le bas. Je savais pourtant ce que je voulais. J'étais bien à l'entraînement. Mais les chronos en compétition se révélaient décevants. Et le physique a fini par suivre. Une grosse crise d'anémie m'a envoyée à l'hôpital. J'y ai suivi les championnats de France 2018. Couchée. Sans force. Le moral au plus bas."
Pour parachever le tout, la crise financière s'installe dans l'athlétisme tricolore. Bien amplifiée par le coronavirus. Son club d'Amiens UC enregistre une grosse perte de licenciés. Comme tous les autres. Puma, le sponsor de la Martiniquaise doit réduire son aide financière. Comme la plupart des équipementiers. Bref, une Olympiade très contrariée. "On présente les athlètes français comme des professionnels. Or c'est loin d'être le cas. Pourtant, c'est bel et bien mon métier. Aujourd'hui, j'ai un crédit immobilier à rembourser, des charges mensuelles à assumer, un frigo à remplir... Disons juste que les temps sont durs."
Nouveau départ et arrivée de la pandémie
Fin 2019, Stella Akakpo retrouve le sourire. La championne d'Europe junior 2013 du 100 mètres rejoint le groupe d'entraînement du Guadeloupéen Joël Hegesippe. Changement de décor. Bonjour Neuilly-sur-Marne. La Martiniquaise récupère une oreille attentive. "J'ai besoin de me sentir proche de mon coach. Pouvoir faire confiance. La partie psychologique est importante pour moi." Malheureusement, le nouveau tandem doit bientôt s'arrêter. Mars 2020. La pandémie mondiale ferme les stades pendant trois mois.
Stella attendra l'hiver 2021 pour revenir à la compétition. Pour la saison en salle. Le pays n'est plus confiné. Enfin, plus vraiment. Il vit sous le régime du couvre-feu. Les stades municipaux baissent le rideau à 18h00. Or, Joël Hegesippe n'est pas coach fédéral. Il a un emploi à côté et termine ses journées de travail à 18h30. Kafka s'invite alors à l'entraînement hivernal de Stella. "J'ai préparé les championnats de France en salle avec seulement trois séances par semaine. Se classer quatrième de la finale du 60 mètres dans ces conditions relève presque de l'exploit."
Les galères devraient enfin reculer avec l'arrivée des beaux jours. Les premières fleurs de sakura au Japon ? Absolument. La Martiniquaise a Tokyo dans le viseur. "J'ai vécu le report d'un an comme une chance. Une chance de pouvoir mieux me préparer avec mon nouvel entraîneur." Car cette fois-ci, pas question de manquer la qualification en individuel sur 100 mètres. "J'ai déjà débuté le travail qui doit m'amener au top en juillet. Les JO de Tokyo ne seront pas annulés. Impossible. Mais ce ne seront sûrement pas des Jeux normaux. Le huis clos nous pend au nez. Certes, nous ne courons pas pour le public mais l'ambiance te pousse vers le haut. Quoiqu'il en soit, il faudra s'adapter."
Stella, tout d'une grande
La Martiniquaise ne regarde pas uniquement le monde à travers les yeux d'une sportive de haut niveau. À 27 ans, elle se sent de plus en plus communicante. Elle vient d'ailleurs de débuter un Master Marketing et Communication à l'école Comnicia. Cela préfigure peut-être ce qu'elle fera à l'arrêt de sa carrière sportive après Paris 2024. "Irai-je dans le marketing sportif ? Lancerai-je mon agence de communication ? En tout cas, je veux évoluer dans l'un de ces domaines. J'en ai la certitude. Car c'est une vraie passion."
Tout cela explique sans doute le succès de la page Instagram de Stella Akakpo. Plus de dix mille abonnés au compteur. Avec des posts successivement en français et en anglais. "Beaucoup d'athlètes n'ont pas compris que le marketing avait une place essentielle aujourd'hui dans le business. Il est devenu capital de savoir communiquer sur les réseaux sociaux. Les gens ne vont pas s'attacher à un chrono mais à une personne. D'où l'importance aussi de véhiculer de bonnes valeurs."
Des valeurs. Des convictions. En mai 2020, Stella Akakpo est horrifiée par la mort de George Floyd, cet Afro-Américain littéralement asphyxié par un policier blanc. La Martiniquaise décide alors de monter l'opération 'We are great'. En seulement sept jours. "Je ne voulais pas attendre. Impossible." Dans une galerie du vingtième arrondissement de Paris, elle réunit des femmes noires de tous horizons. Un objectif simple : confronter les expériences. "Au-delà du racisme pur et dur, les femmes noires vivent un double combat : le sexisme et la discrimination. Je voulais montrer que nous étions à la fois résilientes et belles." L'opération est un succès. Stella change de dimension. Nouvelle victoire.
Athlète. Communicante. Influenceuse. Dynamiteuse d'idées. Stella Akakpo est tout ça à la fois. Un personnage décoiffant. Quoi de plus normal finalement lorsqu'on change de coupe de cheveux, toutes les trois semaines...