La plasticienne guadeloupéenne Minia Biabiany expose à Bruxelles

La plasticienne Minia Biabiany
La plasticienne guadeloupéenne Minia Biabiany était à Bruxelles, début septembre, pour la clôture de son exposition "Musa Nuit », à La Verrière, l’un des lieux d’expositions de la Fondation Hermès. Rencontre avec la lauréate du Prix sciences Po pour l’art contemporain 2019.
 
Outre-mer la 1ère : Comment procédez-vous pour vos installations ?
Minia Biabiany : J’ai un modèle de travail. Ce qui m’intéresse est de déployer, de déplier l’installation dans l’espace. Donc j’observe le lieu avant, et je prends des décisions ensuite. Et là, avec La verrière (le lieu d’exposition), ce qui m’a intéressé c’était de jouer avec la lumière, avec des fils suspendus dans l’espace. 
sculptures de l’exposition Musa Nuit


Outre-mer la 1ère : Dans votre travail, vous privilégiez la guérison plutôt que la dénonciation. Que doit-on comprendre ?
Minia Biabiany : Pour moi, il est important de dénoncer. Il faut dénoncer. Mais ensuite, qu’est-ce qu’on fait ? Comment crée-t-on nos outils pour se comprendre, pour avancer, pour lâcher nos  traumatismes. C’est là qu’intervient la question liée au soin, au regard sur soi. Le point de départ de mon travail, c’est la  Guadeloupe. La décision s’est imposée au fur et à mesure de mes projets.

Outre-mer la 1ère : Vous avez étudié aux Beaux-arts de Lyon. Vous avez choisi ensuite de vous installer entre la Guadeloupe et surtout le Mexique, pourquoi ce choix ?
Minia Biabiany : Après mes études, en tant que jeune artiste, il me fallait trouver ma stratégie économique. Je savais que ma sensibilité artistique était en phase avec ce qui se passait là-bas. A Mexico, j’ai rencontré des postures politiques, des pratiques activistes qui m’ont nourrie, notamment le fait de penser collectivement. Des questions dont je ne pouvais pas débattre en France.

Outre-mer la 1ère : A cause de ce que vous nommez l’européocentrisme ?
Minia Biabiany : En métropole, on n’enseigne rien  sur la Caraïbe. C’est un enseignement absent. Et dans l’art contemporain, sur les scènes françaises, les artistes caribéens sont inexistants. On  connait juste Wilfredo Lam et peut-être Ernest Breleur, et c’est tout. Idem pour les questions de théories et pour les auteurs caribéens. Ils ne sont pas étudiés dans les écoles d’art. Alors que c’est le cas aux Etats-Unis. Il y a un retard important.
sculptures de l’exposition Musa Nuit

Outre-mer la 1ère : Pour vous c’est une persistance du colonialisme ?
Minia Biabiany : Oui. La  France est un pays hypocrite par rapport à son Histoire. Ce qui  est intéressant pour moi est de constater que le fait de venir de Guadeloupe est comme si il n’y avait pas de différence avec une personne ayant grandie en France. Il y a comme un effacement, l’effacement de la différence. C’est important de parler de cette uniformisation, de cette assimilation française.

Outre-mer la 1ère : L’art est un moyen de résister ?
Minia Biabiany : L’art est un moyen de résister, de dépasser… Tout dépend de ce que l’on estime être l’urgence. Pour moi, nous sommes dans un moment collectif de prise de conscience qui reconsidère les luttes qui ont existé et qui ont  été effacées : celles du Gong (groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe), de l’ARC (l’Alliance Révolutionnaire Caraïbe), des agriculteurs. Ces luttes ont été concrètes. Elles ont débouché sur la création de l’UGTG (Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe) par exemple. La nouvelle génération a accès aux études post-coloniales et décoloniales. C’est un mouvement qui dépasse les Antilles, car c’est le mouvement de la colère, de l’insatisfaction. C’est de plus en plus concret. 

Regardez le reportage d'Outre-mer la 1ère sur cette exposition :
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