La vie confinée de deux "évasanés" polynésiens, hospitalisés dans l'Hexagone

160 Polynésiens, 98 patients et 62 accompagnateurs, séjournent actuellement dans l'Hexagone. Une évacuation sanitaire (evasan) permet aux patients de recevoir des soins. Comment vivent-ils le confinement à 15000 kilomètres de Tahiti? Trois personnes ont confié à Outre-mer la 1ère leur quotidien.
 
Leur lieu de résidence a été réquisitionné dès la mise en place du confinement dans l’Hexagone. Désormais hébergés respectivement dans un appart-hôtel à Bagneux (Hauts-de-Seine) et Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) grâce à la caisse de prévoyance sociale (CPS), l’équivalent de la Sécurité sociale en Polynésie française, Keiko Tchen, sa mère Mieko Kato et Gesiel Flores nous racontent leur vie confinée.   

A 15 ans, Keiko Tchen connait déjà l’expérience du confinement depuis un an. L’adolescente est soignée à l’hôpital Robert-Debré pour une leucémie. Une lourde prise en charge, qu’elle compare aux restrictions de déplacement annoncées le 16 mars par le chef de l’Etat.
 

C’est comme si c’était normal parce que même avant le confinement, j’étais déjà confinée. A cause de la maladie, je ne peux pas sortir. On me le déconseille, confie Keiko. 


Un confinement synonyme de sécurité

Pour Meiko Kato, sa mère, le confinement a presque l’allure d’une bénédiction. L’adoption de gestes barrières par le grand public la rassure. “On doit déjà faire ce que tout le monde fait, être propre, se laver les mains, faire très attention à la nourriture, porter des masques lorsqu’elle est faible. On peut dire que Keiko ma fille est en confinement depuis un an. Pour les patients, on se sent plus en sécurité. Quand on sort, il y a moins de microbes qui circulent. Les gens sont prudents. Les gens sont masqués comme nous”, explique Meiko.

Les cours dispensés par des enseignants à l’hôpital rythment habituellement les journées de la jeune fille, élève en seconde. Mais depuis le confinement, la télévision et son téléphone portable l’aident à passer le temps. Les enseignants ne se déplacent plus à l’hôpital. Ce qui lui manque le plus, “mon île, nos plages, mes amis, ma famille”, Keiko les retrouve virtuellement grâce à la page “tous avec Keiko” créée sur Facebook. “Elle a besoin de soutien de la part de notre famille, de nos amis et ça l’a beaucoup aidé parce que les gens sont super sympas, sont des amours. Ils sont tous à prier pour Keiko”, raconte Meiko, sa mère.
 

Testé positif au Covid-19 en pleine convalescence

Le téléphone et la télévision sont aussi des compagnons qui aident à tuer l’ennui chez Gesiel Flores. Confiné à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), ce gestionnaire logistique au service d’Etat de l’aviation civile à Tahiti, a quitté la Polynésie il y a sept mois. L’homme âgé de 48 ans est venu soigner une infection et faire remplacer une prothèse de hanches. Le père de famille a non seulement été opéré mais il récupère aussi d’un mal qui, lui, n’était pas prévu : le Covid-19. Il a été testé positif à la fin du mois de mars.
 

Quand on m'a annoncé le matin, en plein petit-déj : tu as un résultat positif, c'est comme si tu as quelque chose coincé dans la gorge, vu ce que tu vois à la télé en 24 heures tant de morts… Tu imagines un tas de trucs, t'as pas envie de subir ça.
Gesiel


Seul traitement pour soulager la fièvre, les maux de tête et la fatigue : du paracétamol. L’homme estime avoir surmonté ses craintes grâce à sa foi. “Vu l'éloignement entre moi et ma petite famille avec ce Covid-19, ce n'est pas évident. Il faut être fort, ne pas baisser les bras, la seule personne qui peut t'aider dans ta douleur, c’est le Seigneur”, confie-t-il. 

Aujourd’hui remis du Covid-19, Gesiel Flores peut à nouveau recevoir brièvement de la visite. Ses proches lui ont apporté une valise. Il se tient prêt en cas où des places sont réservés à des patitents en fin de traitement sur un des vols assurant la continuité territoriale entre l’Hexagone et la Polynésie française. L’enfant de Tubuai dans les Australes attend avec impatience un avis favorable de son médecin pour enfin retrouver sa famille.

Le reportage de Kelly Pujar et Jean-Yves Pautrat :
Des patients testés avant le retour en Polynésie
Selon Édouard Fritch, président de la Polynésie française, toutes les personnes soignées dans l’Hexagone et en fin de traitement ne vont pas bénéficier d’un vol retour vers la Polynésie à bord d’un des vols de la continuité territoriale d’autant que certains ont été diagnostiqués positifs au Covid-19. Le président de la Polynésie française l’a rappelé vendredi 17 avril 2020 lors de la session administrative de l’Assemblée de Polynésie. “J’ai appris en début de semaine que certains des Evasanés sont infectés. Naturellement certains des accompagnateurs aussi. Donc j’ai demandé à la CPS (caisse de prévoyance sociale, NDLR) avant de procéder à l’embarquement de ces évasanés d’avoir la situation médicale exacte de ces personnes, à savoir qu’elles ont réellement terminé leur traitement. La deuxième condition que je viens d’imposer en début de semaine est que ces personnes fassent l’objet d’un test avant de quitter le sol métropolitain. Ces deux conditions étant réunies, les évasanés pourront revenir. Nous avons réservé une trentaine de places à chaque vol.”
Le 2ème vol qui assure la continuité territoriale entre l'Hexagone et la Polynésie quittera Tahiti dimanche 19 avril et sera de retour mercredi 22 avril.