Un basketteur même prometteur a besoin de jouer. D'où le choix de Grégory Bengaber en 2020 d'évoluer en Nationale 1. À Tarbes, le Guadeloupéen visait du temps de jeu et des responsabilités. Mais le Covid est venu compliquer les choses. Grégory doit désormais se vacciner contre le doute.
Pourtant sa routine est restée inchangée. Les jours de match, Grégory Bengaber arrive très tôt à la salle. 18h15 pour un match à 20h00. Direction les vestiaires. "J'enfile mon short en premier. Toujours. Mon petit côté superstitieux sans doute." Le Guadeloupéen pénètre ensuite sur le parquet. C'est l'heure des gammes. Écouteurs dans les oreilles, il enchaîne shoots et étirements. Puis à 19h15, Grégory s'isole dans les vestiaires. Tout seul. Dix minutes avant le briefing collectif. Viendront ensuite l'échauffement final et le coup d'envoi. Un rituel bien rôdé. Grégory Bengaber a aujourd'hui 24 ans. Le Guadeloupéen est professionnel depuis déjà six ans.
Une routine donc inchangée. Et un retour régulier au pays. Il en a besoin. Son équilibre en dépend. "J'essaie de rentrer en Guadeloupe une fois par an. J'y retrouve ma famille. Je me ressource. Je pense à autre chose. Ça me rappelle mon enfance. C'est capital." Résumons : Grégory Bengaber est aujourd'hui un basketteur professionnel aguerri. Formé jadis au sein du Ban-é-Lot puis du prestigieux Centre Fédéral. Talentueux. Déraciné mais fréquemment de retour chez lui en Guadeloupe. Très bien. Alors en ce week-end de Pâques, qu'est-ce qui cloche ?
Deuxième saison impactée par le Covid
L'an passé alors que Grégory évoluait à Vichy en Pro-B, le championnat avait été suspendu en mars 2020. Pour ne jamais reprendre. Cette saison, en Nationale 1 avec l'Union Tarbes Lourdes, ça rejoue... mais pas tout le temps. "Nous sommes testés chaque lundi. Ceci étant, tu ne sais jamais vraiment si tu vas jouer le samedi suivant. Le match peut très bien être annulé quelques heures avant le coup d'envoi. Il suffit de quelques cas positifs dans ton équipe ou dans celle de tes adversaires…"
De là à dire que la Covid-19 lui vole une partie de sa jeunesse, Grégory Bengaber n'est pas loin de le penser. "Le basket est un sport populaire qui nous met au contact des gens. Mais ça, c'était valable dans le monde d'avant. J'ai beau être quelqu'un de casanier ; l'époque demeure vraiment particulière. J'en connais même certains dans mon équipe qui souffrent terriblement de cet isolement forcé."
Résultat : ce qui devait être la saison du renouveau pour Grégory Bengaber a plutôt tourné à l'année mi-figue mi-raisin. "Venant de la Pro-B, j'ai peut-être sous-estimé la Nationale 1 ?" À tel point que le Guadeloupéen veut se donner du temps pour faire ses preuves. "Je pense refaire une saison en N1, l'an prochain. À Tarbes, pourquoi pas ? En tout cas, j'ai besoin de me prouver à moi-même que je peux être un leader. Et pour cela, je dois travailler mon mental."
Un Bengaber pas encore libéré, délivré !
En rejoignant Tarbes, Grégory Bengaber souhaitait oublier trois saisons décevantes à Vichy. Le résumé de trois années dans l'Allier ? Un temps de jeu famélique et une confiance en berne. Avec le club des Pyrénées, Grégory allait renaître. Sûr et certain. "En présaison, je me sentais carrément revivre. Je retrouvais des minutes de jeu et des statistiques satisfaisantes. Puis l'équipe a enregistré quelques cas positifs au Covid. J'ai alors un peu perdu le rythme. Comme si un blocage s'était installé."
Le blocage se révèle psychologique. Déchaîné à l'entraînement, le Guadeloupéen se montre timoré en match. Incompréhensible. "Christianos Chougaz, mon entraîneur n'arrête pas de me dire que tout se passe dans ma tête. Il m'invite à me lâcher, à me libérer. Car c'est vrai que je ne sais plus développer mon basket durant les matchs. Il faut vite que je retrouve un préparateur mental qui m'aide à franchir ce cap."
Sans compter que la saison 2020 / 2021 est doublement particulière. La tenue des matchs demeure incertaine. Et quand les rencontres ont bien lieu, elles se déroulent dans des salles complètement vides. Aucun supporter n'est toléré. Règlement sanitaire oblige. "Le huis clos, ça va deux minutes… Jouer sans public, franchement c'est triste. Tu en viens à entendre des bruits qui tu n'entends pas habituellement. C'est presqu'un autre basket."
Heureusement Georges veille
Situation sanitaire incertaine. Petit blocage psychologique. Absence de public. Grégory aurait pu rêver mieux pour sa première saison en Nationale 1. Heureusement pour lui, il est un Bengaber. Son père n'est autre que Georges, l'illustre formateur de Jim Bilba ou Jérôme Moïso. Georges suit donc l'évolution du fiston de très près. "J'appelle mon père après chaque match de championnat. Je lui envoie les images et nous faisons des séances vidéo ensemble. À ce moment-là, je peux vous dire que ce n'est plus le papa qui parle, mais le coach. Un coach parfois très sévère ! Et qui me répète inlassablement d'être plus agressif."
Ceci étant dit, Grégory Bengaber n'est pas non plus en perdition. Juste en phase de transition. Il devrait vite s'affirmer comme l'un des bons meneurs du basket français. Et contrairement à certaines idées reçues, son sport se porte plutôt bien au niveau hexagonal. "Je reconnais que les clubs tricolores se structurent de mieux en mieux. Le niveau ne cesse de progresser. Et surtout, de plus en plus d'équipes font confiance aux jeunes. Prenez Juhann Begarin au Paris Basket. Ils lui ont donné sa chance à 18 ans ! C'était inimaginable, il y a encore quelques années."