Son grand frère Pascal a fait briller le taekwondo tricolore. Dominique a choisi le basket. Sur le tard. À 32 ans, le Martiniquais n'en est pas moins devenu capitaine de l'équipe de France 3x3, discipline en plein essor. Avec le même rêve que son frère : disputer les JO et approcher les étoiles.
Il partait tout de même avec un sacré handicap. Alors que d'autres sont initiés au baby basket dès l'âge de cinq ou six ans, Dominique Gentil n'a fait ses premiers pas sur les parquets qu'à 17 ans. Un physique certes impressionnant. 1 mètre 97. Beaucoup de muscles. Une belle détente. Mais du retard technique. Trop de retard. Les spécialistes du recrutement l'ont donc zappé. Les grandes équipes l'ont ignoré. La grande porte du basket français étant fermée, le Martiniquais a choisi de passer par la fenêtre. Culotté.
Car chez les Gentil, on ne rigole pas avec les rêves. Dans cette famille de sept enfants (deux filles et cinq garçons), on apprend à tout mettre en œuvre pour se réaliser. Dominique Gentil travaille. Beaucoup. Il débute en Nationale 2 (l'équivalent de la division 4). À Autun puis à Wasselonne. Trois saisons à Rueil en Nationale 1. Puis il goûte à la Pro-B avec Nantes. Avant de vivre quatre années riches en émotions à Challans. "Super entente avec le public et l'entraîneur en Vendée, nous confie-t-il. C'était un confort. Un danger aussi pour un sportif."
Alors cette année, il a posé ses valises au Havre. Voilà bientôt douze ans que celui qui n'avait aucune chance de devenir professionnel évolue au plus haut niveau. Comme quoi… il faut toujours se méfier des Gentil. Leurs rêves innocents peuvent déplacer des montagnes de certitude.
Capitaine dans la tempête du Covid
L'an passé, la saison de basket n'avait pas été à son terme. Coronavirus oblige. Cette année, ça joue. Avec un peu de retard mais ça joue. Sans public mais ça joue. Une compétition forcément particulière mais encore une fois, ça joue. "Au Havre, nous passons des tests PCR tous les lundis. Nous n'avons enregistré aucun cas positif pour le moment. Afin que cela continue, je vis retranché chez moi. C'est un peu : boulot, maison, dodo."
Dominique Gentil, l'ermite normand n'a jamais eu de plan de carrière établi. En 2016, il aurait pu rester à Nantes en Pro-B. Mais la quête du Martiniquais était ailleurs : "Mon objectif premier, c'est de gagner un titre. Voilà ce qui me fait avancer. Avec le Havre, je vise clairement le titre de Nationale 1. Tant que je n'y arriverai pas, je continuerai. Et je vous préviens d'emblée : ma motivation est sans limite !"
Joueur français le plus titré en 3x3
Depuis 2015, l'homme à la motivation sans limite ne prend plus de vacances. Pourquoi ? À cause du basket 3x3, une discipline découverte un peu par hasard. "On m'a invité à un tournoi. En tribunes, il y avait les sélectionneurs de l'équipe de France. Ils m'ont proposé de venir participer à un stage. Une super expérience. Quelques semaines plus tard, j'intégrais les Bleus suite à la blessure de deux joueurs. Finalement, j'ai débarqué dans le 3x3 comme je suis arrivé au 5x5..."
Dominique Gentil n'a plus quitté l'équipe de France depuis. Le 3x3 est devenu son occupation estivale. "C'est fou car il s'agit presque de deux disciplines différentes. Un peu comme si en athlétisme, vous deviez passer du marathon au sprint. À chaque fois, cela m'oblige à faire une préparation spécifique." Rappelons que les matchs ne durent que dix minutes. Mais le rythme est… infernal ! "Le 3x3 exige une palette de jeu bien plus étendue. Sans cette polyvalence, vous ne pouvez pas performer. En plus, les contacts sont beaucoup plus permissifs."
Dans cette discipline en plein essor, le Martiniquais est à ce jour le joueur français le plus titré. Déjà quatre Open de France à son palmarès. Enfiler le maillot tricolore n'a aucun parfum de revanche. Juste un sentiment de fierté. "Lorsque j'étais gamin, je refusais de porter un maillot France acheté dans le commerce. Je trouvais que ça se méritait. Alors en 2015, lorsque j'ai entendu ma première Marseillaise pour mes débuts chez les Bleus, je peux vous assurer que j'avais les larmes aux yeux."
Sur les traces olympiques de Pascal ?
Dans le basket français, Dominique a réussi à se faire un nom. Un nom déjà connu dans le monde du taekwondo avec son grand frère Pascal, double médaillé olympique en 2000 et 2004. Et si le Martiniquais poursuivait la saga familiale dans quelques mois à Tokyo ? "Je ne demande que ça ! lâche Dominique. Tout va se jouer lors du TQO (Tournoi de Qualification Olympique) du 26 au 30 mai prochains à Graz en Autriche. 20 nations invitées pour 3 tickets olympiques à décrocher. On va tout donner."
À 32 ans, Dominique Gentil réaliserait un rêve de jeunesse : "J'ai été bercé par les exploits de mon frère. En 2004, je me rappelle être allé voir passer le bus de l'équipe de France de retour des JO d'Athènes. Ça donnait le frisson." Donc aujourd'hui avec une possible qualification olympique en 3x3… "Oui, le rêve de ma vie deviendrait réalité. En plus, je me connais. Je suis avant tout un compétiteur. Pas question d'aller à Tokyo pour juste participer. Je veux ramener une médaille."
Les collectifs féminins et masculins de 3x3 semblent avoir les moyens de faire de belles choses au Japon. Si bien évidemment ils décrochent tous les deux, un sésame olympique en Autriche. Le basket 3x3 est en plein développement en France et ce n'est que le début. "Laissez-moi vous dire que ça va exploser ! s'enthousiasme Dominique Gentil. C'est un sport spectaculaire. En milieu urbain. Avec de la musique à fond. Le public adore ça. Le coronavirus a un peu tout chamboulé, tout retardé mais dès que ça se calme, je pense qu'un championnat va se créer en France, vous verrez. Et ça cassera la baraque !"