A Berne, la capitale administrative de la Suisse, Anne David est venue représenter les ex-enfants réunionnais dits de la Creuse. Cette Bretonne d’adoption a découvert il y a 5 ans qu’elle faisait partie des victimes de ce sombre épisode de l’histoire de France. Elle a eu la chance d’être adoptée et aimée par ses parents. Mais un jour, elle a eu besoin de comprendre son passé. Elle savait depuis toute petite qu’elle était réunionnaise. Ses parents adoptifs n’ont jamais cherché à lui cacher la vérité. Mais il lui manquait de nombreuses informations pour comprendre son arrivée dans l’Hexagone et son adoption.
Entre 1962 et 1984, 2015 enfants réunionnais ont été envoyés dans l’Hexagone sans l’avoir vraiment voulu. A l’époque, les responsables de cette politique estimaient qu’il fallait repeupler les zones rurales de l’Hexagone et qu’en transplantant ainsi des enfants de La Réunion, on luttait contre la misère localement et la "hausse inquiétante" de la démographie. Cette politique dénoncée par quelques fonctionnaires et journalistes courageux s’est avérée globalement désastreuse. Plusieurs enfants ont subi des maltraitances, des viols, de l’exploitation. De nombreux témoignages en attestent.
A Berne, un symposium a été organisé pour faire entendre la voix de toutes ces victimes. Au total des ONG de quatorze pays européens se sont retrouvées dans une ambiance très émouvante. A l’origine de cette initiative, un milliardaire suisse : Guido Fluri. Dans son enfance, il a été placé de manière abusive, sa mère étant schizophrène et son père décédé. Maltraité dans une institution, il a réussi à se sortir progressivement de la misère sociale et affective. D’abord pompiste dans une station-service, il s’est lancé dans l’immobilier. Avec une détermination sans faille, il a bâti une fortune colossale.
Réparation financière en Suisse
Aujourd’hui, le milliardaire consacre un tiers de sa fortune à une fondation qui porte son nom. La fondation Guido Fluri œuvre notamment pour défendre les enfants victimes de maltraitances. En 2014, l'homme d'affaires a lancé une pétition afin que les milliers d’enfants qui ont subi en Suisse de mauvais traitements soient indemnisés. Cette pétition qui a recueilli 110 000 signatures a permis l’adoption d’une loi et la création d’un fonds d’indemnisation d’un montant de 300 millions de francs suisse (275 millions d'euros). Plus de 10 000 victimes ont été indemnisées à raison de 25 000 francs suisses (23 000 euros) par dossier. Il s’agit là d’une expérience unique en Europe.
Fort de cette victoire, Guido Fluri a donc souhaité poursuivre le combat au niveau européen. C’est ainsi qu’il a convié par le biais de sa fondation quatorze associations d’Irlande, d’Allemagne, de Belgique, de Roumanie, d’Espagne, d’Italie, du Portugal, de Grèce, du Kosovo, de Finlande et de France. Pour la France, c’est le FEDD qui a été invitée. Il s’agit d’une reconnaissance inédite pour le combat des ex-mineurs réunionnais dits de la Creuse. Anne David est donc venue temoigner. Elle était accompagnée de l’avocate de l’association Elisabeth Rabesandratana et de Laurent Sermet, professeur agrégé de Droit public, spécialiste de la justice transitionnelle.
Avant le symposium à Berne, des juristes et des activistes en faveur de la défense du droit des enfants ont réfléchi au meilleur moyen de merner ce combat au niveau européen. Le Conseil de l’Europe qui rassemble 47 pays et dont l’assemblée se réunit à Strasbourg leur est apparu comme la meilleure arène où lancer leur action. Le président de la délégation suisse de cette assemblée, Pierre-Alain Fridez s’est porté volontaire pour déposer en novembre 2021 une motion devant le Conseil de l’Europe. Les représentants des quatorze associations ont signé cette motion dimanche 19 septembre 2021.
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