Le Commonwealth reconnaît que "le moment est venu" de discuter de l'héritage de l'esclavage

De gauche à droite : le ministre malaisien des Affaires étrangères Mohamad Hasan, le ministre maltais des Affaires étrangères Ian Borh, le premier ministre samoan Fiame Naomi Mata'afa, la secrétaire générale du Commonwealth Patricia Scotland et le ministre rwandais des Affaires étrangères Olivier Nduhungirehe assistent à la conférence de presse finale lors de la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth à Apia, le 26 octobre.
À l'issue de la réunion des chefs de gouvernements des pays du Commonwealth, qui regroupe en grande partie les anciennes colonies britanniques, les participants ont convenu que "le temps est venu" de discuter de l'héritage du commerce triangulaire. Pendant le sommet, ni le Premier ministre du Royaume-Uni, Keir Starmer, ni le roi Charles n'ont présenté d'excuses pour le rôle de leur pays dans la traite transatlantique.

Les 56 membres du Commonwealth, qui réunit principalement le Royaume-Uni et d'ex-colonies, ont convenu samedi aux Samoa que "le temps est venu" de discuter de l'héritage de l'"odieux" commerce triangulaire, qui ouvre la voie à des réparations de l'esclavage.

À l'issue d'un sommet houleux qui s'est achevé samedi, les pays du Commonwealth ont pris acte des appels à une "justice réparatrice" pour l'"odieuse" traite transatlantique et ont convenu que "le temps est venu pour la tenue d'une conversation utile, sincère et respectueuse" sur le sujet, selon un communiqué que l'AFP a pu consulter.

De nombreuses nations d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique souhaitent que le Royaume-Uni et d'autres puissances européennes versent une compensation financière pour l'esclavage ou qu'elles fassent au moins amende honorable sur le plan politique. En quatre siècles, environ 10 à 15 millions d'esclaves ont été amenés de force dans les Amériques depuis l'Afrique, selon les historiens, même si le bilan humain exact reste inconnu.

"Une blessure profonde"

Au cours du sommet, Londres a tenté d'éviter d'approuver explicitement les négociations, tout en essayant de prouver que les nations du Commonwealth peuvent travailler conjointement et efficacement.

Le Premier ministre Britannique Keir Starmer a jusqu'ici rejeté publiquement les demandes de réparations et ses collaborateurs ont exclu la possibilité de présenter des excuses lors du sommet. "Je dois être très clair : depuis deux jours que nous sommes ici, aucune des discussions n'a porté sur l'argent", a déclaré Keir Starmer après la réunion. "Notre position est très, très claire à ce sujet", a-t-il déclaré, soulignant que les négociations avaient été "très positives".

Vendredi, le Premier ministre des Bahamas Philip Davis avait confié à l'AFP qu'il était temps que le Commonwealth demande "justice" pour la période brutale de l'esclavage subie par de nombreux pays du groupe. "Les horreurs de l'esclavage ont laissé une blessure profonde et générationnelle dans nos communautés" et "notre histoire est profondément entremêlée, ce qui implique la responsabilité de faire face au passé avec honnêteté", a-t-il notamment indiqué.

"Les demandes de réparations ne se limitent pas à une compensation financière. Il s'agit de reconnaître l'impact durable de siècles d'exploitation, et de veiller à ce que l'héritage de l'esclavage soit traité avec honnêteté et intégrité", a également insisté Philip Davis.

Pas d'excuses du roi Charles

Le Commonwealth était composé à l'origine d'ex-colonies britanniques, mais s'est ensuite élargi avec des pays comme le Togo et le Gabon, anciennes colonies françaises.

La famille royale britannique, qui a bénéficié de la traite des esclaves pendant des siècles, a été invitée à présenter des excuses. Mais le monarque s'est abstenu de le faire vendredi, demandant aux participants au sommet de "rejeter le langage de la division".

Le roi Charles III, lors de l'ouverture du sommet du Commonwealth, le 25 octobre 2024.

"Aucun d'entre nous ne peut changer le passé. Mais nous pouvons nous engager, de tout notre cœur, à en tirer les leçons et à trouver des moyens créatifs de corriger les inégalités qui perdurent", a déclaré le roi Charles.

Joshua Setipa, du Lesotho, l'un des trois candidats en lice pour le poste de secrétaire général du Commonwealth, avait indiqué à l'AFP que les réparations pourraient inclure des formes de paiement alternatives, comme le financement de la lutte contre le changement climatique.

À l'issue du sommet, le Commonwealth a annoncé la nomination de la ministre ghanéenne des Affaires étrangères, Shirley Ayorkor Botchwey, comme secrétaire générale. Ancienne législatrice, elle a dirigé la diplomatie ghanéenne ces sept dernières années, pendant le mandat de deux ans de son pays au Conseil de sécurité des Nations unies, achevé en décembre 2023. Elle a soutenu l'élaboration d'un accord de libre-échange entre les États membres du Commonwealth et affirmé qu'elle était en faveur des réparations historiques.

Pour Kingsley Abbott, directeur de l'Institut d'études du Commonwealth à l'université de Londres, l'inclusion d'une mention de la justice réparatrice constituerait une "avancée significative" pour le Commonwealth. Cela "révèle que la porte d'un dialogue significatif est en train de s'ouvrir", a-t-il indiqué à l'AFP.

Lors du sommet, les dirigeants du Commonwealth ont aussi trouvé un terrain d'entente sur la question du changement climatique, en adoptant une "déclaration sur les océans" qui reconnaît les frontières maritimes nationales même si le niveau des mers continue de monter. Les États-membres ont également convenu de protéger au moins 30 % des océans et de restaurer au moins 30 % des écosystèmes marins dégradés d'ici à 2030.