Il y en aura pour tous les goûts. Du long-métrage au documentaire, en passant par des films d’animation, le Kréyol international film festival (KIFF) mettra à l’honneur la diversité des films traitant de la culture créole.
Si beaucoup d’entre eux sont en version originale créole et sous-titrés en français, ce critère n’était pas un prérequis pour sélectionner les films. "On veut surtout mettre en valeur l’aspect historique, anthropologique ou encore ethnologique des films, explique Alexia de St John’s, l’organisatrice martiniquaise du festival. C’est l’occasion de faire vivre un pan de l’histoire encore caché."
Au total, 17 films seront à l’affiche et répartis sur deux sessions. La première se déroulera en septembre, du 8 au 10, et la seconde le 4, le 15, 16 et 20 novembre. Les dates ont été espacées car les deux cinémas parisiens qui participent à l’opération, le Lincoln et le Christine, ne souhaitaient pas prendre le risque de mobiliser les salles sur une longue période avant de connaître l’affluence suscitée par l’évènement.
Une difficulté qui s’est greffée à des problèmes de financement. "Il s’agit d’une première édition et on nous répondait toujours 'revenez l’année prochaine'", regrette Alexia de St John’s qui a financé la majeure partie du festival, aidée par la collectivité territoriale de Martinique. "On espère qu’il y aura du monde dans les salles. Sinon, il n’y aura pas de seconde édition, confie la fondatrice. Surtout, si les films sont vus, on pourra réussir à faire exister une industrie du cinéma créole."
Une langue "cinématographique"
L’idée du KIFF prend racine dans l’esprit d’Alexia de St John’s lors d’un séjour à l’hôpital qui a failli lui coûter la vie. "À ce moment-là, ma tante m’appelle tous les jours pour discuter. Au fur et à mesure, les mots créoles sont venus sur les lèvres. Ils nous faisaient rire, se rappelle la Martiniquaise. Le créole, c’est une force de vocabulaire. Les mots créoles sont tellement explosifs du point de vue de l’imaginaire." Cette ancienne comédienne prend alors conscience du potentiel cinématographique de la langue et cherche un moyen de la mettre en valeur.
"En Martinique, le territoire aura perdu la moitié de sa population et le patrimoine immatériel qui va avec. Le cinéma est le média par excellence pour le mettre en avant", affirme l’organisatrice qui n’hésite pas à qualifier l’évènement de "festival engagé". Elle espère qu’il fera évoluer les consciences. "Pourquoi les Antilles ou la Réunion dépenseraient des millions dans des créations en provenance de l’Hexagone alors qu’elles ne font apparaître que des cocotiers ? Pourquoi il n’y a pas un seul mot en créole dans ces séries ou ces films ?", se désole la présidente du KIFF.
Pour mobilier les jeunes qui se "détournent du cinéma car ils ne sont pas représentés", Alexia de St John’s a pensé à la création d’une catégorie "Mobile film". Elle donne l’opportunité aux plus jeunes de réaliser des films d’une minute grâce à leur smartphone. Un partenariat avec l’Université des Antilles est par ailleurs prévu. Il permettra de diffuser certains films dans une salle virtuelle pour que les étudiants puissent assister à la séance en même temps que Paris et débattre du film avec les spectateurs présents dans la salle.
Les débuts du "kreyolliwood"
Parmi les films diffusés, la cinéphile attend avec une impatience mal dissimulée la projection de Maudit !, réalisé par Emmanuel Parraud. "Il laisse beaucoup de place au silence, et ce silence fait partie de notre culture, en raison de notre histoire. On a appris à communiquer avec le silence et le regard. Il y a ces moments où rien ne se dit mais où pourtant tout se passe." Pour remettre leur prix, le "Watabi d’or, en toute impartialité, un jury étudiant est en train d’être sélectionné.
"On cherche à créer le 'kreyolliwood'", résume la fondatrice du festival. Et c’est avec la même passion, qu’Alexia de St John’s a déjà programmé un autre festival à Paris pour l’année prochaine. Il sera consacré à la littérature créole.