Le cours du "métal du diable" chute mais reste encore sur des sommets : 50.000 dollars la tonne, mercredi dans l’après-midi. On le sait, les cours du nickel ont battu leur record historique à la Bourse des métaux de Londres (LME) au point que la vénérable institution a décidé de suspendre ses échanges, jusqu’au 11 mars pour le nickel.
La vieille Dame et le nickel
Fondée en 1871, il y a 145 ans, le LME n’a pas su ou pas pu mettre un terme à l’emballement monstrueux qui a saisi les échanges de ses négociants, autour de la corbeille rouge, lundi 7 mars. Des échanges rendus fous par des ordres venus des quatre coins de la planète.
Cette folie spéculative, la plus énorme dans l’histoire du nickel, va-t-elle décrédibiliser la Bourse des métaux de Londres ? Un analyste londonien, expert du marché, répond, sous couvert d’anonymat.
"La folie des prix du nickel est une mauvaise chose. Il montre que le LME n'est pas en mesure de gérer correctement un marché. Il aurait pu et dû intervenir il y a plusieurs semaines pour éviter que l'ampleur des positions spéculatives courtes ne devienne incontrôlable".
Le prix ne veut plus rien dire
Le niveau des stocks de nickel, au plus bas depuis 2019, a contribué à nourrir la spéculation. L’affolement est aussi de mise face aux perspectives inquiétantes de la guerre en Ukraine. En début de semaine, une étude publiée à Londres envisageait les probabilités d'une troisième guerre mondiale : 1 chance sur 10.
La City de Londres est sombre, anxieuse, les traders sont à la recherche de valeurs refuges à profit rapide : le nickel a été choisi car il est le symbole de la transition énergétique. Visiblement, quand la spéculation s'est déchainée, les mécanismes de contrôle du LME n’ont pas fonctionné.
"Les mouvements de prix de lundi et mardi sapent la crédibilité du LME en tant que marché qui normalement permet aux producteurs et aux consommateurs de se couvrir efficacement. De tels mouvements de prix auront également un effet destructeur sur la demande. Qui peut acheter du nickel à 100.000 ou même 50.000 dollars la tonne ?"
Face à ce vent de folie, avec des prix toujours délirants, "Le marché évolue rapidement vers la destruction de la demande", confirme Nicholas Snowdon, analyste de G.S, interrogé par le Financial Time de Londres.
"A ce prix totalement dingue, plus personne n’achète de nickel, ni les négociants ni les industriels », a poursuivi un analyste de Marex. Et pourtant, il faut bien faire tourner les usines et les stocks disponibles ne sont pas élevés.
Le grand jeu du nickel
Un industriel chinois a mis en vente 100.000 tonnes de nickel la veille du mouvement de flambée, favorisant involontairement la ruée des spéculateurs sur l’opportunité d’acheter puis de revendre plus cher des lots de métal. Et le cycle haussier s'est enclenché.
Ensuite, la montée vers le ciel s’est alimentée d’une perspective de doute sur la production russe de métal, sans qu’on sache exactement si des sanctions allaient être appliquées et alors même que Vladimir Poutine indiquait qu’il décrétait un embargo sur les exportations de matières premières et de produits russes. Là encore, le flou est de mise.
Le nickel russe pèse lourd, Nornickel est le premier producteur mondial et l'un des fournisseurs privilégiés de l'industrie européenne des voitures électriques.
Pour les industriels européens de l’inox, c’est le sort de l’usine de ferronickel ukrainienne de Pobuzhski qui est préoccupant. Le port d’Odessa, par où transite le minerai de nickel venu du Guatemala, subit le blocus d’unités de la flotte russe de la mer noire. Les sidérurgistes tremblent, alors que la production d'alliage nickel-fer de la Nouvelle-Calédonie est encore insuffisante, et désormais, forcément, plus chère.