Dissertant avec aisance et volubilité dans le box des accusés, l'influent jihadiste français Tyler Vilus a fait part lundi à la cour d'assises d'appel de Paris de ses réflexions sur le parcours qui l'a mené jusqu'au conflit syrien et au groupe Etat islamique, et de son évolution personnelle depuis son arrestation.
À la fois combattant, chef d'escouade, prosélyte en ligne, recruteur et membre de la police de l'EI selon l'accusation, ce "jihadiste intégral" doit répondre de crimes commis entre 2013 et 2015 en Syrie. Il a été condamné à trente ans de prison en première instance.
Au cours de cette première journée d'audience, consacrée à l'examen de sa personnalité, le jeune homme de 31 ans aux cheveux bruns tressés en petites nattes livre à la cour une analyse structurée et mûrie du cheminement qui l'a conduit jusqu'aux atrocités de l'organisation extrémiste.
"À 21 ans, quand je suis rentré dans l'islam, j'avais peut-être pas le recul nécessaire pour faire la part des choses. Je suis rentré dans l'islam par la version la plus rigoriste qu'on pouvait trouver", estime désormais ce converti à l'imposante carrure, plus important cadre de l'EI à être détenu par la France et familier de plusieurs protagonistes des attentats du 13 novembre.
Lors de son premier procès en 2020, la cour d'assises l'avait déclaré coupable de tous les chefs d'accusation. Elle avait toutefois choisi de ne pas prononcer la peine maximale - la réclusion à perpétuité - pour lui laisser une chance d'"évoluer", considérant qu'il avait commencé à questionner son fanatisme mortifère.
Durant une heure et demie d'interrogatoire, les avants-bras appuyés avec assurance sur la barre en verre devant lui, c'est un Tyler Vilus prolixe qui théorise, dissèque, compare ou pondère avec une sagacité certaine les différentes phases de sa vie avant le jihad.
Virage brutal
D'origine antillaise par son père, élevé principalement par sa mère - qui ira le rejoindre dans la guerre en Syrie - Tyler Vilus grandit entre son Aube natale et les Pyrénées-Orientales. Affecté de la maladie de Crohn, une inflammation chronique du système digestif, celui qui tient son prénom d'un des personnages du feuilleton télé américain des années 80 "Fame", est régulièrement hospitalisé jusqu'à l'adolescence.
Ses séjours à l'hôpital lui font souvent manquer les cours. Il décroche et, à 16 ans, sort totalement du système scolaire sans être parvenu au niveau du brevet. Pendant les cinq ans qui suivent, il "bouge", "voyage", "fait un peu de musique", "et caetera, et caetera...". "On a cru comprendre que vous faisiez un certain nombre de trafics pour vivre ?", complète le président.
Tyler Vilus se sent dériver, sans but dans la vie. Alors en 2011, ce jeune homme élevé dans la foi chrétienne se convertit soudain à l'islam, après une rencontre avec un imam. "J'étais dans une recherche de stabilité et j'ai découvert l'islam. C'est une religion qui pose un cap, un cap assez strict."
Et dans sa personnalité, "je ne fais pas les choses à moitié". Le petit délinquant cesse aussitôt de boire de l'alcool, de fumer du cannabis. Il part s'installer dans la Tunisie post-révolution où bourgeonnent de nombreux mouvements jihadistes. Ce n'est que là-bas, raconte-t-il, qu'il découvre le salafisme jihadiste et ses filières de combattants allant se jeter dans le bain de sang syrien. Une voie qu'il ne tarde pas à emprunter à son tour... "Je suis encore musulman aujourd'hui, je suis encore pratiquant aujourd'hui mais j'ai évolué sur certaines conceptions de ma religion", explique aux juges Tyler Vilus, polo à manches courtes porté sur un jean délavé,
"On ne vous reproche pas d'être musulman, lui fait remarquer le président de la cour d'assises spéciale. On vous reproche d'avoir été membre d'une organisation terroriste."
En même temps que le procès des attentats du 13 novembre
Lors de son premier procès Tylus avait donc été condamné à 30 ans de prison. la cours avait choisi de ne pas prononcer la réclusion à perpétuité - pour lui laisser une chance d'"évoluer".
Le hasard fait que son procès a lieu au même endroit et au même moment que celui des attaques de novembre 2013, dont il connaissait certains terroristes responsables des tueries. Le verdict de son appel sera connu lundi 20 septembre