Le programme de dépistage des cancers du sein un peu moins efficace dans les DROM

Une pénurie de radiologue à La Réunion entraîne de longs délais d’attente pour une mammographie.
Exception faite de la Guyane, une même proportion de femmes de 50 à 74 ans se font dépister dans les DROM et dans l'Hexagone. Mais on détecte moins de cancers dans les territoires ultramarins.

Depuis le milieu des années 2000, un dépistage gratuit du cancer du sein est proposé tous les deux ans aux femmes âgées de 50 à 74 ans. Dans un récent rapport, Santé publique France étudie l’efficacité de ce programme en comparant la performance des dépistages menés dans les DROM et dans l’Hexagone.

La proportion de femmes à se faire dépister dans le cadre du programme national est sensiblement la même dans les DROM et dans l’Hexagone, à l’exception notable de la Guyane. En 2018-2019, 46% des femmes invitées à se faire dépister ont participé au programme en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Ces chiffres s’approchent de la moyenne hexagonale (49,5%) et tranchent avec le taux de participation observé en Guyane. Avec 23% de participation, le territoire est le département français ayant la participation la plus basse, très loin du record détenu par la Savoie, où 61% des femmes en âge de se faire dépister participent au programme. Pour expliquer ce décrochage, Santé publique France évoque la piste des "problème d’accès aux services de santé Guyane" et celle de la présence importante d'immigrés sur le territoire, une population qui a un "recours aux soins moindre".

Un programme mal adapté à des cancers plus précoces

Si les femmes sont presque aussi nombreuses à se faire dépister dans les DROM que dans l’Hexagone, on détecte moins de cancers dans les territoires ultramarins. Santé publique France évoque deux pistes pour l'expliquer : une fréquence des cancers moins importante dans ces territoires ou peut-être et surtout une efficacité du programme de dépistage plus faible.

En 2017-2018, les taux des cancers détectés dans les quatre DROM sont inférieurs à presque tous ceux des départements hexagonaux, en particulier en Guyane où ils sont nettement inférieurs.

Santé publique France

L'étude ne montre pas qu’il y a moins de cancers en Outre-mer, car les résultats ne portent que sur les femmes de 50 à 74 ans qui participent au programme, et non sur l’ensemble de la population. Or dans les DROM, les cancers du sein ont tendance à se déclencher avant 50 ans. "Dans ces territoires, l'âge médian de survenu du cancer du sein est plus bas que dans l'Hexagone", note Santé publique France. En Guyane, près d'un cancer du sein sur deux se déclare avant 50 ans, soit avant le seuil d'âge de départ du programme. C'est le cas pour près d'un tiers des cancers en Guadeloupe. À noter que si certaines femmes se font dépister en dehors du programme, le recours à des mammographies sur simple prescription est plus faible dans les DROM (7% en moyenne) que dans l'Hexagone (11%).

Difficultés à atteindre les femmes 

Si le programme de dépistage est moins efficace dans les DROM, c’est aussi en raison du manque de personnel médical. "L’offre de soin est moindre, avec moins d’acteurs ou des acteurs qui partent à la retraite et qui sont très peu renouvelés, détaille Agnes Rogel, co-auteure de l’étude. Pour joindre les femmes, pour les inviter à participer au programme, c’est plus difficile."

Cette pénurie de soignants se voit en creux dans le délai moyen entre deux mammographies de contrôle. S'il varie de deux ans à deux ans et demi pour un peu plus de 60% des femmes en Guadeloupe, en Martinique et dans l’Hexagone, le délai est supérieur à deux ans et demi pour près d'une femme sur deux en Guyane. De même, la part des femmes qui ont été "perdues de vue" par les médecins après un dépistage est bien plus importante dans les DROM que dans l’Hexagone. Cela concerne 0,4% des femmes dépistées sur le territoire hexagonal, 1,1% des femmes à La Réunion, 2,2% en Guyane, 2,5% en Guadeloupe et 3,6% en Martinique.

Des examens moins poussés 

Lorsque le premier examen suggère une anomalie ou est difficile à lire, les médecins de l'Hexagone prescrivent des échographies complémentaires ou des prélèvements. C'est moins le cas dans les DROM, car l'offre de soin est moins développée. "Il y a moins d'examens complémentaires", confirme Agnes Rogel. Pour être efficace, un programme de dépistage doit détecter des cancers de petites tailles, qui ne sont pas encore avancés. "La proportion de cancers de petite taille est un petit peu inférieure dans les DROM que dans l’Hexagone. Il y a un peu moins de cancers détectés et ceux qui sont détectés le sont peut-être à des stades un petit peu plus avancés", conclue Agnes Rogel.

Le cancer du sein est le cancer féminin le plus mortel. C’est aussi le plus fréquent.