Le référendum en Nouvelle-Calédonie, enjeu scruté dans tout le Pacifique

Il concerne d'abord les Néo-Calédoniens et l'avenir de leur archipel, la France en toile de fond. Mais le référendum en Nouvelle-Calédonie est observé bien au-delà, chez l'ambitieux voisin chinois et dans les îles du Pacifique, en passant par l'Australie.

Le scrutin du 12 décembre, sur un archipel qui garantit à Paris une vaste superficie d'eaux territoriales et un point d'entrée en Indo-Pacifique, conditionnera à terme l'influence géopolitique française dans la zone, cheval de bataille du président français Emmanuel Macron.

Dans le rôle de l'épouvantail numéro un, la Chine. Pour l'heure, estiment des analystes consultés par l'AFP, elle souhaite desserrer à la fois la stratégie américaine d'endiguement de son environnement immédiat (Corée du Sud, Japon, Philippines, Vietnam notamment) et la toile tissée par les Occidentaux avec les îles de la région. "Une partie de ce qui se joue dans le Pacifique est une lutte d'influence. Et le fait que certaines puissances européennes et les États-Unis aient entretenu des relations de longue date avec des îles du Pacifique complique l'accès à ces zones pour les Chinois", relève Zack Cooper, chercheur au think-tank conservateur American Enterprise Institute (AEI). Le régime chinois, estime-t-il, doit reconquérir des marges de manœuvre. En cas d'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, il ne vise pas une base militaire à court terme mais veut "priver la France d'un point d'accès à la région". De fait, "tous les États mélanésiens sont devenus des satellites chinois", renchérit Bastien Vandendyck, analyste en relations internationales, spécialiste du Pacifique. "Il ne manque que la Nouvelle-Calédonie pour que le collier de perle chinois mélanésien se referme définitivement aux portes de l'Australie".

Un quart des réserves mondiales de Nickel

Selon lui, "il semble n'y avoir aucune hypothèse où le départ de la France ne mène pas à une mise sous influence de la Nouvelle-Calédonie" par Pékin. Et cette influence serait d'abord économique. L'île détient un quart des réserves mondiales de nickel. Son premier client n'est autre que l'empire du Milieu. Et la puissance chinoise, à l'œuvre dans les îles de la région via notamment l'aide au développement, est vécue comme une menace par la France. "La vraie question est cette balance entre la Chine d'un côté, et l'Occident tout entier de l'autre côté", faisait récemment valoir le ministre français des Outre-Mer, Sébastien Lecornu. "Est-ce que les Calédoniens affrontent cette question dans la République ou seuls ?"

Un haut responsable militaire français estime de son côté que la France est soumise "comme tous les pays de la zone à une infiltration économique et financière chinoise. Les capitaux arrivent, il y a une forme d'assujettissement par les intérêts chinois". La question de fond est simple, ajoute-t-il : "Quand ils décideront de franchir un cran, qu'est-ce qu'on aura pour répondre ?"


Des enjeux géopolitiques

L'Australie, pour sa part, reste à distance mais espère en silence voir la France rester à Nouméa pour s'opposer à Pékin. Elle vient cependant de dénoncer un contrat d'achat de sous-marins français au profit d'une alliance avec Washington et Londres. Paris,  depuis, ne décolère pas. "L'Australie mesure l'importance de la France dans la région même si la rupture du contrat ne l'a pas montré", affirme à cet égard Zach Cooper. Quant aux îles éparpillées dans l'immensité océane, elles sont tout aussi attentives. Beaucoup ont réclamé un report du vote, notamment le "Groupe fer de lance mélanésien" (Fidji, Papouasie Nouvelle-Guinée, Vanuatu, les Îles Salomon et le parti indépendantiste FLNKS de Nouvelle-Calédonie), ainsi que le Pacific Elders Group, qui rassemble d'anciens responsables des îles de Guam, Palau, Marshall, Kiribati et Tuvalu, rappelle Denise Fisher, experte de la région à l'Université nationale australienne (ANU). Tous observeront avec attention "la gestion par la France de ses engagements en Nouvelle-Calédonie, y compris les (...) accords de paix qui arrivent à leur terme", a-t-elle expliqué à l'AFP.

À Pékin, on nie en revanche toute ingérence malgré les nombreux contacts entre milieux indépendantistes calédoniens et organisations et responsables chinois. Contacté par l'AFP, le ministère des Affaires étrangères a refusé d'évoquer le sujet. "L'ère coloniale est terminée, les peuples ont le droit de gouverner leur propre pays", assène pour sa part Zhao Shaofeng, directeur du Centre de recherche sur les îles du Pacifique à l'Université de Liaocheng. Si la Chine n'a selon lui "aucune intention d'étendre son influence", il relève que ses investissements ont stimulé l'emploi dans les îles de la région. Et concède simplement que l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie pourrait dynamiser un "commerce bilatéral" déjà florissant.