Rodolphe Sepho aurait dû naviguer avec son équipe en Juillet 2020 sur le Tour Voile. L’épreuve annulée, le marin guadeloupéen garde les reins solides. Son projet Rêve de Large possède un budget et des partenaires fidèles, engagés avec lui jusqu’au Vendée Globe 2024. Un beau défi.
Rodolphe Sepho n’est pas un débutant dans le monde de la voile et de la course au large. Ses deux Routes du Rhum 2014 et 2018, bouclées en un peu plus de 20 jours, posent le bonhomme. Car finir cette transat mythique n’est pas donné à tout le monde. Le marin de Goyave, âgé de 34 ans, est aussi éducateur spécialisé. Il a su faire évoluer son programme.
En 2016, il crée Rêve de Large, une association qui promeut l’insertion des jeunes en difficulté par le biais d’activités nautiques. Elle regroupe des partenaires privés avec un objectif sur plusieurs années jusqu’à la Route du Rhum 2022 et le Vendée Globe 2024. On aurait dû retrouver ce projet cet été le long des côtes du littoral français, sur le Tour Voile. Ce n’est que partie remise, pour 2021.
Rodolphe ne veut pas se retrouver dans une situation "post-Rhum" qu’il a déjà vécue : n’avoir rien à faire après une arrivée et ne pas revivre "quatre ans de sa vie sur pause pour 20 jours de mer ", il veut casser les codes.
Il rencontre Victor Mathevet, directeur du Tour Voile au Nautic, en décembre dernier et il est le premier à s’inscrire pour l’édition 2020. "Avec un programme intéressant parce que construit autour du Tour Voile et de la Route du Rhum ", précise ce dernier. "On aime bien les projets nouveaux et celui-ci est 100% Guadeloupe. C’est compliqué pour eux avec la distance, mais Rodolphe est déterminé. Le fait de ne pas avoir de partenaires institutionnels est d’autant plus admirable dans la construction de son projet. C‘est bien qu’il puisse revenir en 2021, en tout cas nous serons ravis de les accueillir." Rodolphe et ses équipiers reviendront donc en 2021, ils sont motivés, pas question de laisser tomber.
"On s’était préparé pour ce morceau de choix qui nous attendait, c’est frustrant de ne pas le faire, explique Sophie Rousselet, 37 ans, présidente de Rêve de Large depuis 2016. Cela étant, ça génère beaucoup moins de boulot et maintenant on va pouvoir se regonfler pour la suite. Je ne vais pas lâcher le projet maintenant, d’autant que c’est Rodolphe qui m’a appris à naviguer", poursuit l'ingénieure en environnement.
Même son de cloche chez Laurent Mauborgne, régleur grand-voile de 57 ans et chef d’entreprise dans le BTP, le sage du groupe : "J’ai réfléchi avant de m’engager à ses côtés et je peux gérer mes chantiers à distance, j’ai mesuré tout cela et c’est possible. C’est le moment ou jamais, un nouveau support, le challenge et le format me plaisent. C’est quelque chose de très intense, j’ai sauté les deux pieds dedans."
Pas de surprise non plus pour le costaud de l’équipe, le Désiradien Alan Spéno, numéro 1 de 38 ans, chef d’entreprise domotique : "Quand j’ai vu le Diam24 sur le parking du club, je lui ai demandé : " C’est quoi ça ? " Il m’a répondu : " Il manque un marin ". Alors j’ai dit : "Explique le truc !" Banco, je ne pensais pas que ça prendrait de l’ampleur mais c’est vraiment méchant la navigation là-dessus. J’adore."
Les deux hommes sympathisent et le Class 40 de Rodolphe se retrouve dans le chantier de Bruno. Un an plus tard, Bruno lui suggère un autre projet. "Rodolphe n’était pas prêt pour le Vendée 2020. On a discuté alors du Tour Voile, épreuve que je connais bien, pour le faire connaître et porter son projet Vendée Globe 2024." Et l’affaire est dans le sac avec ce double projet. Bruno devient le manager et Rodolphe achète un Diam24 à la Trinité-sur-Mer.
"On s’est vu au Nautic 2019 et ensuite je suis allé vingt jours en Guadeloupe. J’ai rencontré, non pas une équipe, mais une véritable famille autour du projet avec un vrai enthousiasme. On est complètement imprégné dans leur ambiance et leur façon de vivre. Ce sont des équipiers physiquement bien préparés, des personnes autonomes. Car ça c’est la volonté de Rodolphe", raconte Bruno Staub.
Pour être efficaces et réduire les coûts logistiques dûs à l’éloignement, le team a son Diam 24 en Guadeloupe et en louera un autre aux Sables d’Olonne. Mais Rodolphe fait venir Solune Robert, skipper de Golfe du Morbihan (4ème du Tour Voile 2019) qui intervient sur l’eau en tant que coach pour un stage intensif. En février dernier, il a fait le Tour de le Martinique avec eux. Voilà comment les deux Bretons sont embarqués dans l’aventure. Bruno intervient sur la technique propre de montage et démontage du Diam 24, sur l’organisation après les régates et le conditionnement du bateau. Solune leur permet de prendre en main le bateau et dégrossit le chantier. "Deux semaines intensives. J’ai dit banco et franchement, je ne regrette pas. C’était trop cool", raconte-t-il.
" On s’est concentrés sur les manœuvres, l’envoi de gennaker, l’enroulement des bouées au vent et sous le vent. C’est là qu’on gagne des places dans une régate, pas que sur la vitesse pure " précise Solune " Ils ont changé leur façon de naviguer, c’était agréable de voir qu’ils adhéraient à ce que je leur disais, c’était propre. Le plus dur après, c’est de le faire avec une flotte autour d’eux, il faut vraiment s’étalonner rapidement."
Et quand Bruno Staub leur parle des plans d’eau et des courants en Manche et en Bretagne, ils se rendent compte de la nécessité des stages. "Dans les recherches de devis, il y avait un point précis, combinaison sèche obligatoire, Rodolphe ne laisse rien au hasard, c’est sa façon de faire."
Six ans plus tard, ses coéquipiers approuvent sans aucune restriction le rêve du boss. Pour Sophie, "Rod a un vrai potentiel, il a la capacité de dynamiser un groupe et d’aller jusqu’au bout de ces idées, tout en étant rassurant. C’est ce qui m’a conduit à poursuivre la route sur ce nouveaux défi avec un horizon plus large et plus ambitieux "
"Rodolphe est réfléchi et pédagogue en plus d’être un gros compétiteur et un gagnant, il n’aime pas perdre. Quand il pense Vendée, je me dis que c’est costaud et qu’il ne va pas y aller sans préparation. Mais pourquoi n’y arriverait-il pas ?", se questionne Laurent.
"J’ai connu Rodolphe quand il venait au club de Goyave faire de la planche à voile, il était au collège " raconte Alan qui fut l'un de ses moniteurs. " Mais il ne rigolait pas trop, il était à part des autres, il venait faire son truc, très concentré. Le voir là maintenant à ce niveau, ça ne m’étonne pas. On ne va pas lâcher l’affaire."
Quand on le titille un peu sur le sujet, Rodolphe Sepho lâche à demi-mot qu’il louera sans doute un Imoca 60 pieds pour la prochaine Route du Rhum, afin de préparer le Vendée Globe. Mais chaque chose en son temps, place d’abord au Tour Voile 2021. "Mon but est de toujours aller au bout de mes rêve, de ne jamais me limiter et de toujours avancer. Le Vendée Globe ne sera pas la fin mais une étape de plus !"
En 2016, il crée Rêve de Large, une association qui promeut l’insertion des jeunes en difficulté par le biais d’activités nautiques. Elle regroupe des partenaires privés avec un objectif sur plusieurs années jusqu’à la Route du Rhum 2022 et le Vendée Globe 2024. On aurait dû retrouver ce projet cet été le long des côtes du littoral français, sur le Tour Voile. Ce n’est que partie remise, pour 2021.
Redonner une nouvelle image de la voile
Confiné au Lamentin depuis mi-mars, Rodolphe est juste allé voir ses bateaux au club de Goyave où il est moniteur. Mais la situation le perturbe un peu. C’est la première fois de sa vie qu’il reste si longtemps sans naviguer : "On avait réussi à mettre en place une dynamique et avoir d’autres projets. Mais on comprend cette annulation et on s’est refixé l’objectif pour 2021. On a le bateau, on va capitaliser dessus et ça va nous donner un an pour mieux nous préparer. Après on enchaînera le rêve".Rodolphe ne veut pas se retrouver dans une situation "post-Rhum" qu’il a déjà vécue : n’avoir rien à faire après une arrivée et ne pas revivre "quatre ans de sa vie sur pause pour 20 jours de mer ", il veut casser les codes.
La voile en Guadeloupe ce n’est pas que la voile traditionnelle et la Route du Rhum.
- Rodolphe Sepho
Il rencontre Victor Mathevet, directeur du Tour Voile au Nautic, en décembre dernier et il est le premier à s’inscrire pour l’édition 2020. "Avec un programme intéressant parce que construit autour du Tour Voile et de la Route du Rhum ", précise ce dernier. "On aime bien les projets nouveaux et celui-ci est 100% Guadeloupe. C’est compliqué pour eux avec la distance, mais Rodolphe est déterminé. Le fait de ne pas avoir de partenaires institutionnels est d’autant plus admirable dans la construction de son projet. C‘est bien qu’il puisse revenir en 2021, en tout cas nous serons ravis de les accueillir." Rodolphe et ses équipiers reviendront donc en 2021, ils sont motivés, pas question de laisser tomber.
"On s’était préparé pour ce morceau de choix qui nous attendait, c’est frustrant de ne pas le faire, explique Sophie Rousselet, 37 ans, présidente de Rêve de Large depuis 2016. Cela étant, ça génère beaucoup moins de boulot et maintenant on va pouvoir se regonfler pour la suite. Je ne vais pas lâcher le projet maintenant, d’autant que c’est Rodolphe qui m’a appris à naviguer", poursuit l'ingénieure en environnement.
Même son de cloche chez Laurent Mauborgne, régleur grand-voile de 57 ans et chef d’entreprise dans le BTP, le sage du groupe : "J’ai réfléchi avant de m’engager à ses côtés et je peux gérer mes chantiers à distance, j’ai mesuré tout cela et c’est possible. C’est le moment ou jamais, un nouveau support, le challenge et le format me plaisent. C’est quelque chose de très intense, j’ai sauté les deux pieds dedans."
Pas de surprise non plus pour le costaud de l’équipe, le Désiradien Alan Spéno, numéro 1 de 38 ans, chef d’entreprise domotique : "Quand j’ai vu le Diam24 sur le parking du club, je lui ai demandé : " C’est quoi ça ? " Il m’a répondu : " Il manque un marin ". Alors j’ai dit : "Explique le truc !" Banco, je ne pensais pas que ça prendrait de l’ampleur mais c’est vraiment méchant la navigation là-dessus. J’adore."
Une équipe structurée autour d’un double projet
Rodolphe a aussi patiemment construit son équipe avec ses pérégrinations nautiques aux Sables d’Olonne, là où il prépare ses Routes du Rhum avec son Class 40. En 2018, il rencontre Bruno Staub, chef de bord (manager) d’Arnaud Boissières sur le dernier Vendée Globe.Les deux hommes sympathisent et le Class 40 de Rodolphe se retrouve dans le chantier de Bruno. Un an plus tard, Bruno lui suggère un autre projet. "Rodolphe n’était pas prêt pour le Vendée 2020. On a discuté alors du Tour Voile, épreuve que je connais bien, pour le faire connaître et porter son projet Vendée Globe 2024." Et l’affaire est dans le sac avec ce double projet. Bruno devient le manager et Rodolphe achète un Diam24 à la Trinité-sur-Mer.
"On s’est vu au Nautic 2019 et ensuite je suis allé vingt jours en Guadeloupe. J’ai rencontré, non pas une équipe, mais une véritable famille autour du projet avec un vrai enthousiasme. On est complètement imprégné dans leur ambiance et leur façon de vivre. Ce sont des équipiers physiquement bien préparés, des personnes autonomes. Car ça c’est la volonté de Rodolphe", raconte Bruno Staub.
Pour être efficaces et réduire les coûts logistiques dûs à l’éloignement, le team a son Diam 24 en Guadeloupe et en louera un autre aux Sables d’Olonne. Mais Rodolphe fait venir Solune Robert, skipper de Golfe du Morbihan (4ème du Tour Voile 2019) qui intervient sur l’eau en tant que coach pour un stage intensif. En février dernier, il a fait le Tour de le Martinique avec eux. Voilà comment les deux Bretons sont embarqués dans l’aventure. Bruno intervient sur la technique propre de montage et démontage du Diam 24, sur l’organisation après les régates et le conditionnement du bateau. Solune leur permet de prendre en main le bateau et dégrossit le chantier. "Deux semaines intensives. J’ai dit banco et franchement, je ne regrette pas. C’était trop cool", raconte-t-il.
C’est une équipe qui apprend vite, un projet neuf, avec encore des choses à travailler sur l’eau mais ils sont déterminés.
- Solune Robert
" On s’est concentrés sur les manœuvres, l’envoi de gennaker, l’enroulement des bouées au vent et sous le vent. C’est là qu’on gagne des places dans une régate, pas que sur la vitesse pure " précise Solune " Ils ont changé leur façon de naviguer, c’était agréable de voir qu’ils adhéraient à ce que je leur disais, c’était propre. Le plus dur après, c’est de le faire avec une flotte autour d’eux, il faut vraiment s’étalonner rapidement."
Et quand Bruno Staub leur parle des plans d’eau et des courants en Manche et en Bretagne, ils se rendent compte de la nécessité des stages. "Dans les recherches de devis, il y avait un point précis, combinaison sèche obligatoire, Rodolphe ne laisse rien au hasard, c’est sa façon de faire."
Rodolphe au bout de son… rêve de large
En 2014, lorsque Outre-mer la 1ère l'a rencontré à Paris sur les quais de Seine, il assistait à la présentation de la Route du Rhum, pas très loin de Loïck Peyron, Thomas Coville ou du légendaire anglais sir Robin Knox-Johnston, 75 ans. Rodolphe qui arborait un look différent - il a rasé les locks depuis - nous résumait sa pensée : "J’ai vu la plupart de ces marins dans les magazines quand j’étais plus petit, et là, j’ai la chance de me retrouver avec eux. C’est déjà l’accomplissement d’un rêve."Le Vendée Globe ne sera pas la fin de mon rêve mais une étape de plus.
-Rodolphe Sepho
Six ans plus tard, ses coéquipiers approuvent sans aucune restriction le rêve du boss. Pour Sophie, "Rod a un vrai potentiel, il a la capacité de dynamiser un groupe et d’aller jusqu’au bout de ces idées, tout en étant rassurant. C’est ce qui m’a conduit à poursuivre la route sur ce nouveaux défi avec un horizon plus large et plus ambitieux "
"Rodolphe est réfléchi et pédagogue en plus d’être un gros compétiteur et un gagnant, il n’aime pas perdre. Quand il pense Vendée, je me dis que c’est costaud et qu’il ne va pas y aller sans préparation. Mais pourquoi n’y arriverait-il pas ?", se questionne Laurent.
"J’ai connu Rodolphe quand il venait au club de Goyave faire de la planche à voile, il était au collège " raconte Alan qui fut l'un de ses moniteurs. " Mais il ne rigolait pas trop, il était à part des autres, il venait faire son truc, très concentré. Le voir là maintenant à ce niveau, ça ne m’étonne pas. On ne va pas lâcher l’affaire."
Quand on le titille un peu sur le sujet, Rodolphe Sepho lâche à demi-mot qu’il louera sans doute un Imoca 60 pieds pour la prochaine Route du Rhum, afin de préparer le Vendée Globe. Mais chaque chose en son temps, place d’abord au Tour Voile 2021. "Mon but est de toujours aller au bout de mes rêve, de ne jamais me limiter et de toujours avancer. Le Vendée Globe ne sera pas la fin mais une étape de plus !"