Le WWF étudie la faisabilité économique du projet Montagne d'Or [Planète Outre-mer]

Vue aérienne au dessus du fleuve Maroni, à l'Ouest de la Guyane
« Montagne d’Or, un mirage économique ? » tel est le titre de l'étude réalisée par le WWF sur le projet minier en Guyane. L’association au panda, connue pour son engagement dans la préservation de l’environnement, s'est intéressée à la rentabilité économique du projet minier. 
L’étude du WWF s’est basée sur deux documents publiés par les promoteurs du projet : L’étude économique préliminaire et L’étude de faisabilité bancaire. Deux études pour permettre aux investisseurs potentiels de mesurer la rentabilité du projet. Pourtant, selon le WWF, ces études révèlent au contraire un projet fragile d’un point de vue économique.
 

Un projet surévalué

Le WWF remet en effet en question le cours choisi pour l’once d’or et celui choisi pour le taux de change dollar-euro.  Deux chiffres sur lesquels repose le modèle économique des promoteurs du projet Montagne d’Or.
Les miniers ont basé leur cours de l’or sur un taux moyen calculé sur ces trois dernières années. Et ils ont choisi le cours de change dollars-euros de février 2017, au moment probablement où il rédigeait leur étude. 1 euro valait alors 1,05 dollars.
De son côté, le WWF a décidé de calculer ces valeurs en se basant sur une moyenne des 12 dernières années, soit la durée du projet.
Lingots d'or

Pascal Canfin, le directeur du WWF

Cela peut paraître technique mais le cours de l’or est en dollar au niveau mondial donc les recettes des miniers seront en dollars, en revanche, leurs dépenses seront, selon eu à 77 %, en euros car en Guyane. Ainsi la parité entre l’euro et le dollar est très importante. Or, si on calcule le change sur 12 ans, le dollar revient à 1,30 euros. Et le cours de l’or n’est pas à 1250 mais à 1097 dollars l’once. Ainsi si on injecte ces deux chiffres dans leur modèle économique, leur projet perd de l’argent !
 

Si les bénéfices baissent, les revenus pour le Territoire baissent 

Si la rentabilité n’est pas au rendez-vous, cela aura un impact sur les retombés pour la Guyane. Le principal impôt pour les finances publiques, c’est l’impôt sur les sociétés donc sur les bénéfices. Donc, si les bénéfices baissent, l’impôt sur les bénéfices baisse également et par là-même les revenus pour le Territoire.
Pour le WWF, si la rentabilité du projet est à ce point fragile, le risque c’est que les promoteurs fassent des économies pour limiter les dépenses. Or, comme ils ne peuvent pas influer sur le prix des produits dont ils ont besoin tels que le cyanure, le fioul, les explosifs ou encore les machines, restent les coûts sociaux et l’investissement environnemental.
Montagne d’Or affirme vouloir une mine exemplaire, bien au-dessus des standards obligatoires mais qu’en serait-il si la mine n’est pas aussi rentable que prévue, se demande le WWF ?
Au Burkina Fasso et en Guinée où les promoteurs ont déjà des mines, le recrutement des employés se fait via des agences d’intérim ce qui permet de revoir les salaires à la baisse. D’autant qu’il est peu probable que les 750 emplois guyanais soient qualifiés.
 

Mine de Nord Gold au Burkina Fasso


Montagne d’or est avant tout une montagne de subventions

Le projet minier va recevoir 420 millions d’euros de subventions et malgré cela, il reste fragile d’un point de vue économique.
La défiscalisation. En Guyane comme ailleurs Outre-mer, la plupart des investissements sont défiscalisés, c’est-à-dire que l’Etat prend à sa charge une partie des investissements à hauteur de 35 %. Selon les promoteurs, sur les quelques 780 millions d’euros d’investissement, près de 230 millions d’euros pourraient être défiscalisés.

L’autre subvention, c’est le prix de l’électricité. En Guyane, particuliers et entreprises bénéficient de la péréquation. Ainsi, quel que soit le prix de l’électricité à la fabrication, il coûte autant qu’en métropole. Le souci c’est que la mine nécessite 20 MW par an, soit autant que l’île de Cayenne alors que déjà la Guyane ne dispose pas suffisamment d’électricité et multiplie les coupures.
Toutefois, même si le type d’alimentation du projet en énergie demeure non précisé, une étude de raccordement de divers projets industriels (dont Montagne d’Or) au réseau électrique est envisagée dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie en Guyane.
Le prix du KWh sera fixé à 11 centimes d’euros contre 19 centimes si Montagne d’Or était contrainte de fabriquer elle – même son électricité. Soit un écart de 8 centimes d’euros. Ainsi, selon les calculs du WWF, le projet devrait consommer 1 674 220 000 kWh ce qui représente une subvention sur le prix de l’électricité de 129 millions d’euros de subventions.

Ensuite, il y a le prix de la mise aux normes de la piste et de la ligne à haute tension et surtout leur entretien. Un sujet d'importance ! Le projet va se faire en pleine forêt équatoriale. Des tonnes de cyanures, d'explosifs et autres matières dangereuses vont être transportées chaque jour en saison sèche comme en saison des pluies, quand les pistes deviennent glissantes. 

Pascal Canfin, directeur du WWF France


Pascal Canfin, le directeur du WWF

C’est une règle de trois. Quand vous additionner la totalité du budget public qui va être consacré à financer ce projet, vous obtenez 420 millions d’euros. Ces subventions vont permettre à Montagne d’Or de cofinancer ses infrastructures. Mais 420 millions pour 750 emplois directs promis par la société, cela fait 560 000 euros publics pour chacun des emplois directs créés pendant la période du projet. Ne pourrait-on pas plutôt investir cet argent dans des projets et des emplois perenne ?