Les derniers "Blancs-Matignon" de Guadeloupe, le nouveau documentaire de Michel Reinette et Mariette Monpierre

Jocelyn Akwaba Matignon et Estelle-Sarah Bulle ont en commun d'avoir un parent "Blanc-Matignon"
Les "Blancs-Matignon", communauté encore méconnue en Guadeloupe, vivent en retrait depuis plus de deux siècles sur l'île. Isolés, discrets et modestes, ils représentent une part de mystère qui suscitent des "fantasmes" sur leur identité. Michel Reinette et Mariette Monpierre ont réussi à pénétrer dans cette communauté durant deux ans.

C'est une histoire unique qui reste pourtant méconnue des Guadeloupéens. Les "Blancs-Matignon" aussi appelés les "petits blancs" vivent enclavés au fin fond de la Guadeloupe depuis la première abolition de l'esclavage en 1794. Ces descendants de colons ont réussi à se mettre à l'abri à une quarantaine de kilomètres de Pointe-à-Pitre, près de la commune du Moule. "À l'époque, les 'Blancs-Matignon' avaient trouvé refuge dans les bois. Ils n'étaient pas assez riches pour fuir l'île", explique Michel Reinette, co-réalisateur du documentaire Les derniers "Blancs-Matignon" de Guadeloupe.

Un "isolat blanc dans un monde noir et métisse"

"Ces gens-là étaient méprisés et regardés comme des curiosités. Ils sont devenus rétifs à voir des gens de l’extérieur", dépeint Michel Reinette. Lui-même d'origine guadeloupéenne, le réalisateur a réussi à créer un véritable lien de confiance avec la communauté : "C'est un groupe d’hommes et de femmes qui n’aiment pas beaucoup que l'on vienne fouiller dans leurs affaires. Il nous a fallu deux ans de travail pour gagner leur confiance, à force de patience, de contact et de tact."

Extrait du documentaire les derniers "Blancs-Matignon" de la Guadeloupe


Lors de la production de son documentaire, Michel Reinette a compris l'envie des "Blancs-Matignon" d'intégrer pleinement la vie sociale guadeloupéenne. "Depuis les années 1960, il y a eu un phénomène d'ouverture de la communauté vers l'extérieur. Mais jusque-là, ils vivaient entre eux, c’était une espèce d’isolat blanc dans un monde noir et métisse", décrit Michel Reinette.

Aujourd'hui, les "Blancs-Matignon" sont encore en marge. Il faut dire que pendant des siècles, ils ont vécu entre eux, jusqu'à créer un phénomène d'endogamie dans leur communauté. "Il y a eu une consanguinité avérée", confirme le réalisateur guadeloupéen. "Ils ont perduré comme ça, dans un groupe homogène."

Vers un avenir en commun ?

Les "Blancs-Matignon" veulent mettre fin à leur stigmatisation. Michel Reinette explique d'ailleurs que beaucoup de ouï-dire et de préjugés ont rendu leur intégration délicate : "Le fait qu’ils soient isolés et loin du centre suscitait des fantasmes qui étaient de l’ordre négatif à l’égard de ces "diables blancs", comme ils pouvaient parfois être appelés. Leur origine est fantasmée par certains qui pensent qu'ils viennent du Rocher de Monaco par exemple, ce qui est une hérésie à mon sens", commente le réalisateur. 

Avec ce documentaire, les deux réalisateurs s'inscrivent dans une démarche "de connaissance de nous-mêmes" précise Michel Reinette. "Je pense qu'il fallait leur donner la parole pour qu’ils puissent dire ce qu’ils sont. Il s’agit quand même de personnes humaines qui n’ont pas à porter cette responsabilité historique. En définitive, on s’aperçoit que ce sont des Guadeloupéens totalement Guadeloupéens. Ils le revendiquent aujourd’hui." 

Extrait du documentaire les derniers "Blancs-Matignon" de la Guadeloupe

Les derniers "Blancs-Matignon" de Guadeloupe est projeté à Paris ce 18 juin, puis diffusé sur France 3 le 21 juin. Le documentaire est d'ores et déjà disponible sur le Portail des Outre-mer.