Les familles monoparentales, surreprésentées, connaissent des difficultés accentuées dans les Outre-mer

Les difficultés des familles monoparentales, déjà importantes en métropole, sont accentuées en outre-mer par des spécificités sociales, économiques et culturelles.
Comme en métropole, la majorité des familles monoparentales ultramarines sont portées par des femmes (90% en outre-mer, 83% en métropole). "C'est une réalité prégnante" dans ces territoires, a souligné mardi la ministre des Outre-mer George Pau-Langevin lors d'un débat organisé à son ministère à Paris, dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes.

Ces familles, en faveur desquelles François Hollande a annoncé mardi plusieurs mesures, sont en moyenne deux fois plus nombreuses qu'en métropole. En 2011, selon l'Ined, les familles monoparentales avec enfant de moins de 25 ans représentaient 25% des familles de métropole, contre 54% en Martinique, 51% en Guadeloupe, 46% en Guyane et 38% à la Réunion, a expliqué Lucie Gonzalez, secrétaire général du Haut conseil de la famille. 
 

Moins de mariages qu'en métropole et davantage de naissances issues de couples non constitués

Christine Kelly et François Fillon lors d'une visite du Premier ministre en Guadeloupe en 2008
De même, selon l'Insee, 32% des Guadeloupéennes et des Martiniquaises de 25-54 ans étaient à la tête d'une famille monoparentale en 2011, et 27% des Guyanaises de la même tranche d'âge, contre 12% en métropole. A l'origine de cette situation, moins de mariages qu'en métropole et davantage de naissances issues de couples non constitués (un enfants sur deux est né hors mariage en métropole, plus des trois-quart en outre-mer), avec une part extrêmement importante d'enfants non reconnus par le père (10% en métropole, 84% en Guadeloupe, 80% en Martinique, 40% à la Réunion et 65% en Guyane) et de maternités précoces avant 20 ans (4% en métropole, 10% en Guadeloupe, 11% en Martinique, 27% en Guyane et 23% à la Réunion). Ces femmes, a souligné Christine Kelly, présidente de l'association K d'urgences, qui leur vient en aide, sont "encore plus en grande précarité", accentuée par un taux de chômage plus élevé (32% pour les femmes en Guadeloupe en 2011, 27% en Martinique, 34% en Guyane, contre 11,5% en métropole), et des difficultés plus importantes pour faire garder les enfants. 
 

Le premier pauvre en Outre-mer, c'est une femme et son enfant

Et 40% des pensions alimentaires fixés par les tribunaux ne sont pas payées, insiste-t-elle: "le premier pauvre en outre-mer, c'est une femme et son enfant", a-t-elle ajouté. Elle a aussi rappelé qu'une majorité (56%) des familles monoparentales ultramarines n'ont qu'un seul enfant, et donc pas accès aux allocations familiales si elles sont en métropole (23 euros par mois en outre-mer), "loin du cliché de la mère qui fait des enfants pour les allocations".
 

"Je suis dans une famille où ma mère vit seule, j'ai l'impression de suivre sa trace"

Laura-Lise, 22 ans et maman de jumeaux de 2 ans, a dû arrêter sa formation, faute d'avoir trouvé un mode de garde. "C'est un frein, j'étais trop fatiguée", a-t-elle témoigné, pourtant aidée par une assistante familiale. "Je suis dans une famille où ma mère vit seule, j'ai l'impression de suivre sa trace", a-t-elle reconnu.Aux Antilles, la structure familiale "matrifocale", centrée autour de la mère "potomitan" (pilier central dans la culture vaudou) est historiquement liée à l'histoire de l'esclavage, où les "hommes ont été brisés" et n'ont pas pu prendre leur place de père, a rappelé Viviane Romana, psychiatre. Une situation reproduite même des générations plus tard: "Cette structure familiale se transmet,
dès qu'on devient mère, on intègre qu'on doit avoir la capacité d'assumer". Mais c'est aussi, selon elle, un problème de "couple instable" particulièrement fort dans les départements d'outre-mer, où "l'extra-conjugalité masculine est très importante et valorisée par la société". 

Au final, dit-elle, les femmes à la tête "s'en sortent bien, malgré les difficultés, pour élever leurs enfants". Mais contrairement aux femmes de métropole, qui refondent quelques années plus tard (en moyenne 7 ans) une famille recomposée avec un nouveau compagnon, en outre-mer les femmes ne se remettent pas en couple. "Le vrai problème, c'est la solitude de ces femmes", dit-elle.