Ankazé, kont vaksen, nich-viris... Avec force images et astuces, Les mots du Covid en créole martiniquais et en créole guadeloupéen montre comment l'actualité peut facilement se transposer dans une langue aussi répandue que les créoles. Raphaël Confiant et Hector Poullet, respectivement auteur et traducteur, publient ce lexique aux éditions Caraibéditions ce jeudi 28 octobre, à l'occasion de la journée internationale des langues et cultures créoles. "C'était dans l'air, explique Hector Poullet, les gens employaient déjà certains termes comme couvre-feu. Dès que j'en ai parlé autour de moi, les gens m'ont tout de suite donné des propositions."
Démocratiser l'imaginaire créole
En quelques jours, les deux auteurs rassemblent tous les mots de la pandémie et imaginent leur construction en créole. Pour cela, deux méthodes. La plus répandue est la dérivation : on part d'un mot existant pour en construire un autre de la même famille. Ainsi "kaz", qui veut dire "maison" donne "ankazé", "mettre à la maison" : c'est le confinement.
L'autre solution consiste à composer un mot en en mélangeant d'autres. "Moun", qui signifie "personne" et "lienné", "attaché" devient ainsi "moun lienné" pour dire "cas contact" : littéralement, la personne qui est attachée à une autre par le virus !
Qu'il soit guyanais, guadeloupéen, réunionnais ou haïtien, le créole a la particularité d'être chargé d'images. C'est ce qui est aussi mis en avant dans ce lexique, avec des constructions de mots par métaphore ou par métonymie :
Mon rêve est que le créole devienne une langue écrite, qu'il passe de l'oral à l'écrit dans des domaines où on devrait utiliser l'imaginaire créole pour dire des choses que tout le monde va comprendre.
Avec le retour du créole à l'école et la démocratisation de ces langues souvent mises en ban dans les sociétés coloniales et post-coloniales, Hector Poullet espère voir ce lexique utilisé à l'école où les enseignants dans les collèges et les lycées pourraient l'utiliser pour parler de la pandémie à leurs élèves.
Le lexique a été présenté ce jeudi lors des états généraux du multilinguisme qui se tiennent cette semaine à La Réunion. Le coup d'envoi a été donné lundi par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot. "Je propose que le ministère de la Culture, s'il s'intéresse vraiment au créole, donne des conseils au ministère de l'Éducation nationale", plaisante Hector Poullet. Écouté ou non par le gouvernement, le traducteur a au moins une certitude : "à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, à La Réunion, je suis sûr que l'idée du lexique du Covid va essaimer facilement." D'autres lexiques en créole doivent paraître prochainement sur diverses thématiques.