Le Premier ministre des Pays-Bas Mark Rutte a présenté lundi, lors d'un discours à La Haye, les "excuses" officielles du gouvernement pour le rôle de l'État néerlandais dans l'esclavage, qu'il a qualifié de crime contre l'humanité. "Aujourd'hui, je présente des excuses au nom du gouvernement néerlandais pour les actions de l'État néerlandais dans le passé: à titre posthume à tous les esclaves du monde entier qui ont souffert de cet acte. À leurs filles et fils et à tous leurs descendants", a déclaré M. Rutte.
Ce discours sur l'implication des Pays-Bas dans les 250 ans de traite d'êtres humains dans les anciennes colonies était très attendu. Au même moment, plusieurs de ses ministres étaient présents dans sept anciennes colonies pour "discuter" de la question avec les habitants.
La volonté du gouvernement de présenter des excuses lundi, qui avait fuité dans la presse néerlandaise en novembre, suscitait depuis plusieurs semaines une vive controverse aux Pays-Bas et outre-mer. Les organisations de commémoration de l'esclavage souhaitaient que ces excuses soient présentées le 1er juillet, date marquant les 150 ans de la fin de l'esclavage lors d'une célébration annuelle appelée "Keti Koti" (Briser les chaînes) en surinamais. La Première ministre de Sint Maarten, Silveria Jacobs, avait déclaré samedi aux médias néerlandais que l'île n'accepterait pas d'excuses néerlandaises si elles étaient présentées lundi.
"Siècle d'or"
L'esclavage a contribué à financer le "siècle d'or" néerlandais, période de prospérité grâce au commerce maritime aux XVIe et XVIIe siècles. Le pays a procédé à la traite d'environ 600 000 Africains, principalement vers l'Amérique du Sud et les Caraïbes. À l'apogée de son empire colonial, les Provinces-Unies, connues aujourd'hui sous le nom de Pays-Bas, possédaient des colonies comme le Suriname, l'île caribéenne de Curaçao, l'Afrique du Sud et l'Indonésie, où la Compagnie néerlandaise des Indes orientales était basée au XVIIe siècle.
Ces dernières années, les Pays-Bas ont commencé à regarder en face leur rôle dans la traite des esclaves et leur histoire coloniale, sans laquelle les villes néerlandaises et leurs célèbres musées, remplis d'oeuvres d'art de Rembrandt ou de Vermeer, ne seraient pas les mêmes. Avec le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, le débat a ressurgi aux Pays-Bas, où le racisme reste une souffrance pour des ressortissants des anciennes colonies.
Les villes d'Amsterdam, Rotterdam, Utrecht et La Haye ont déjà officiellement présenté leurs excuses pour leur rôle dans la traite des esclaves.
Des ministres néerlandais étaient lundi dans les îles des Caraïbes: Bonaire, Sint Maarten, Aruba, Curaçao, Saba et Saint-Eustache, et au Suriname.
Mark Rutte a longtemps émis des réserves quant à la présentation d'excuses officielles, affirmant par le passé que la période de l'esclavage était trop ancienne et que des excuses attiseraient les tensions dans un pays où l'extrême droite reste forte, avant de finalement changer de cap. Un récent sondage avait indiqué qu'à peine 38% de la population adulte était en faveur d'excuses officielles. L'esclavage a formellement été aboli au Suriname et dans d'autres territoires détenus par les Néerlandais le 1er juillet 1863, mais n'a vraiment pris fin qu'en 1873 après une période de "transition" de 10 ans.