C’est par la visite de l’usine de Prony resources que le ministre de l’Economie et des finances, Bruno Le Maire a commencé sa tournée des sites métallurgiques calédoniens. Il est là pour aider la Nouvelle-Calédonie, compétente en la matière, à sauver son industrie du nickel, en grandes difficultés. “On ne peut pas attendre plusieurs mois. C’est une affaire de semaines. Il faut qu’on se retrousse tous les manches pour dégager une solution économique et financière dans les semaines qui viennent”, prévient-il. "Une solution de long terme pour les trois usines.”
Celle de Prony est pour l’instant la seule à avoir orienté sa production vers le marché des batteries électriques. Un marché au cœur des stratégies de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de nombreux pays, dont ceux de l’Union européenne.
L'Union européenne dans le viseur
Pourtant, Prony resources est sous mandat ad hoc, une procédure préventive à la cessation de paiements, qui permet notamment d’échelonner les dettes. 26 000 tonnes de produit intermédiaire sont sorties du complexe hydrométallurgique l’an dernier. Loin des 50 000 tonnes pour lesquelles l’usine est prévue. Résultat : 1,7 milliard de francs de dette fin 2022.
Il faut regarder notre procédé et voir comment on peut l’améliorer.
Béatrice Pierre, présidente de Prony resources
“Oui on a des difficultés mais on a une usine qui a tout ce qu’il faut pour y arriver”, croit Béatrice Pierre, présidente de Prony resources, évoquant notamment "des salariés motivés” et le projet Lucy. Ce dernier doit permettre d'optimiser le stockage des résidus produits par l'usine en les asséchant. Ils sont aujourd'hui stockés sous forme humide dans un bassin et retenus par un barrage. Des centaines de milliards de francs ont été investis. Objectifs : pérenniser et mieux sécuriser le stockage. Mais aussi séduire les marchés occidentaux.
Les industriels calédoniens n’arriveront pas à rivaliser avec leurs concurrents asiatiques sur les coûts de production, ils le savent. Les coûts de la main-d’œuvre restent élevés. Les coûts de l’énergie aussi. Prony resources travaille déjà activement sur ce dernier point. L’État a promis d’apporter des aides financières à la transition énergétique. Emmanuel Macron l’avait dit en juillet. Bruno Le Maire l’a confirmé.
Autre cible : les exportations
Le ministre de l’Economie et des Finances a également proposé de se faire le porte-parole des producteurs calédoniens auprès des marchés européens, “qui peuvent être plus rentables”. "Je pense que la révolution des véhicules électriques va s’accélérer et que diversifier les débouchés, asiatiques d’un côté, européens de l’autre, est une très bonne stratégie”, a-t-il confirmé sur le plateau de NC la 1ère samedi soir.
Le reportage de Charlotte Mannevy et Gaël Detcheverry :
L’usine du Nord et Doniambo, qu’il visite ce dimanche et lundi, en sont plus éloignées puisqu’elles produisent principalement du ferronickel, utilisé pour la fabrication d’acier inoxydable. Secteur sur lequel la concurrence asiatique est particulièrement rude.
Avec les représentants de Koniambo nickel SAS et de la SLN, il sera peut-être question de réorienter la production pour tenter d’éviter la catastrophe. Les actionnaires principaux, Glencore et Eramet, ont en effet annoncé qu’ils ne couvriraient plus les dettes à compter de 2024. La SLN évoque une cessation de paiement quasi imminente.
Je suis prêt à aller convaincre la banque européenne d'investissement que ça vaut le coup d'investir en Nouvelle-Calédonie.
Bruno Le Maire
"Il y aura forcément un besoin de restructuration de dettes et de garanties. Si nous arrivons à trouver un accord global, je suis prêt à ce que l’Etat apporte des garanties financières. Nous pouvons également convaincre la banque européenne d’investissement d’investir sur ces sites industriels", annonce Bruno Le Maire, à l'antenne.
Un "pacte" début 2024 ?
Il souhaite aussi lever un tabou : les interdictions d’exporter le minerai des réserves métallurgiques. Emmanuel Macron avait préparé le terrain lors de sa venue. "Ces exports pourraient rapporter, en ce qui concerne l’usine du Sud, de l’ordre de quinze millions de dollars par an, c’est-à-dire plus d’1,5 milliard de francs", assure Sonia Backès, la présidente de la province Sud, ce samedi.
Le président de la République a été extrêmement clair : il ne s’agit pas de subventionner à perte des activités industrielles qui ne seraient pas rentables. Ce ne serait pas juste.
Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances
Pour pouvoir l’exporter, il faudrait modifier le code minier. Impossible sans consensus politique. "Je crois qu’on sera en capacité de trouver une solution commune. Une forme d’union sacrée qui permette, d’une part, de sauver les trois usines dans l’immédiat, d’autre part d’apporter une vraie solution pour les prochaines décennies”, estime Sonia Backès, optimiste. Côté indépendantistes, Victor Tutugoro, le président de l’Union progressiste en Mélanésie, s’est déjà dit favorable à une réflexion sur le sujet.
En tout cas, “tous les acteurs ont conscience de l'urgence”, qu’ils soient institutionnels et économiques, estime Bruno Le Maire. Il y voit du positif. Et croit en un pacte nickel pour début 2024.