Les récifs coralliens d’Outre-mer ne sont pas les plus choyés

Récifs coralliens à travers le monde
Une quarantaine de chercheurs dont des scientifiques des Universités de Montpellier, de Nouvelle-Calédonie et de l’IRD ont publié une étude sur la santé des récifs coralliens dans la revue Nature. Mauvaise surprise : La Réunion fait partie des "dark spots" où l'on trouve peu de poissons. 
C’est un chercheur australien, Joshua Cinner de l’Université de James Cook qui a contacté des scientifiques à travers le monde. Près d’une quarantaine de chercheurs a donc participé à cette vaste étude sur les récifs coralliens dont les résultats ont été publiés dans la revue américaine Nature le 15 juin 2016. L’enjeu est de taille car les récifs qui abritent plus de 4 000 espèces de poissons et font vivre environ 500 millions de personnes sont menacés.

Indicateur de bonne santé

Un nombre colossal de données a été rassemblé, portant sur 2 500 sites étudiés. Des récifs de Mayotte, de Nouvelle-Calédonie, de La Réunion et de la Polynésie française font partie de cette étude. Les chercheurs ont mis au point un modèle numérique qui permet de calculer la biomasse. (poids, quantité de poissons par m2 ou ha), un indicateur de l'état du stock de poissons et de la disponibilité des ressources pour les pêcheurs. Il permet de prédire la bonne santé ou pas d’un récif.
Les espèces coralliennes ont pu développer des mécanismes de résistance face au changement climatique


"Bright and dark spots"

Grâce à ce modèle, ils ont pu mettre en évidence 15  "bright spots" (liste en fin d'article), des lieux où une gestion intelligente permet de préserver la biodiversité, et ce même en présence d’hommes. Aucun récif d’Outre-mer ne figure dans cette liste. En revanche, La Réunion fait partie des "dark spots", où la biomasse est inférieure au modèle mis au point par les chercheurs.

Lagon de La Réunion

Modèle intéressant

"Ce modèle est très intéressant, souligne Pascale Chabanet, chercheuse à l’IRD (Institut de Recherche pour le développement) à La Réunion, car il prend en compte des données biologiques (le type de récif, sa profondeur, sa productivité, etc..) et des données sociales (la taille et croissance de la population, le type de gestion des récifs, le développement du pays…) de chaque site étudié".

"A partir de ses informations, une biomasse théorique est calculée pour chacun des sites d'étude et comparée aux données recueillies sur le terrain (observations visuelles en plongée) par les scientifiques, poursuit Pascale Chabanet. Soit les données terrain sont plus fortes que ce qu'avait prédit le modèle, ce sont « les bright spots », soit elles sont plus faibles pour le cas des dark spot".

Barrière de corail de Saint-Gilles à La Réunion

Chagos et Kiribati

Cet indicateur a permis de mettre en évidence 15 sites dispersés à travers le monde où les récifs coralliens se portent bien. Exemple, les Chagos situés entre les Maldives et Rodrigues. "C’est un lieu peu habité et en réserve naturelle", précise Pascale Chabanet. Aux Kiribati, connues pour souffrir de la montée des eaux, aux îles Salomon ou en Indonésie, des récifs sont en bonne santé alors qu’ils sont peuplés. "Quand les hommes vivent en harmonie avec la nature et qu’ils utilisent leurs savoirs traditionnels, ça se passe bien", ajoute le chercheuse de l’IRD.

Kiribati

La Réunion, un "dark spot"

En revanche, La Réunion est pointée du doigt dans cette étude. Elle fait partie des 35 "dark spot". "Les récif de La Réunion sont peu développés, 25 km de long pour une superficie de 12 km2. Avec une population réunionnaise de 850 000 habitants, constate Pascale Chabanet. Cette forte pression entraine des conflits. Il y  a aussi du braconnage".

"La réserve marine est là pour gérer cet espace, mais il faut que l'ensemble des usagers participent à sa gestion, plaide la chercheuse de l’IRD. Pour améliorer la situation des récifs à La Réunion, il est essentiel de sensibiliser la population, chacun peut, par ses actions, participer à la protection des récifs ! Ce qui ressort vraiment de cette étude est que les "bright spots" se caractérisent tous par un fort engagement de la population dans la gestion des ressources"
.

Poissons Chromiss et Dascyllus, lagon de La Réunion


Hawaï, Madagascar et les Seychelles

La Réunion n’est pas seule à figurer dans cette "dark list", on y trouve également Hawaï, le récif de Tuléar à Madagascar ainsi que les Seychelles. Pascale Chabanet qui connaît bien Madagascar estime que la situation est très difficile localement. "Les gens pêchent dans le lagon pour leur survie".
 
Aux Seychelles, "le blanchissement des coraux provoqué par le phénomène El Nino en 1998 a été dévastateur, précise la chercheuse de l’IRD. Près de 95% des coraux ont été détruits et les récifs ont mis plus de 10 ans à récupérer de cet évènement qui a entrainé une forte dégradation de l'habitat corallien, impactant ainsi les poissons qui y sont associés, précise Pascale Chabanet. Cette année, un blanchissement corallien massif a touché les récifs des Seychelles. L’intensité et la fréquence du phénomène El Nino sont dus au changement climatique".

Les coraux, écosystèmes fragiles.

Ni "bright", ni "dark" 

Enfin dans cette étude, La Polynésie, Mayotte et la Nouvelle-Calédonie ne figurent ni dans les  "bright" ou les "dark spots". Leurs récifs étudiés correspondent aux prédictions du modèle mis en place par les scientifiques. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Ainsi les récifs coralliens de la mer de Corail en Nouvelle-Calédonie font toujours partie des sites les plus riches au monde en biodiversité ! 

La barrière de corail de la Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie protège ses récifs

David Mouillot, professeur à l’Université de Montpellier a participé à cette étude internationale publiée dans la revue Nature. Il confirme : "La Nouvelle-Calédonie fait presque partie des "bright spots" où la pêche est raisonnée". Car pour ce scientifique, la clef de la bonne santé des récifs coralliens se trouve dans la pratique des pêcheurs.
 

Gardiens du temple

Parmi les "bright spots", il y a la Papouasie Nouvelle-Guinée. "Concernant le récif corallien que nous avons étudié en Papouasie, poursuit David Mouillot, nous nous sommes rendus compte que seules les personnes du village ont le droit de pêcher dans le lagon. Ils sont donc à la fois exploitants et gardiens de leur zone de pêche".
 


La malédiction du congélateur

Malheureusement, la modernité a parfois tendance à briser cette belle harmonie. "Dans les pays développés, dès que les pêcheurs ont des congélateurs, ils se mettent à pêcher de manière intensive, explique David Mouillot. Mais tout n’est pas perdu, car il est possible dans un contexte très développé de faire de la pêche raisonnée, c’est presque le cas en Nouvelle-Calédonie, le meilleur des sites français étudié".
 


Et les Caraïbes ?

Pour l’instant, l’étude publiée dans Nature a porté principalement sur des récifs coralliens situés dans l’océan Pacifique et l’océan Indien. Le professeur David Mouillot espère lancer une nouvelle étude consacrée cette fois essentiellement aux récifs coralliens des Caraïbes.  

Liste des "dark and bright spots" :