Livre : une BD biographique sur Jacques Vergès, "l’avocat du diable" d’origine réunionnaise

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Revenir en 132 pages de bande dessinée sur la vie et l’itinéraire complexe de Jacques Vergès. C’est le défi relevé avec brio par le journaliste Jean-Charles Chapuzet et l’illustrateur Guillaume Martinez dans leur ouvrage "Vergès, une nuit avec le diable" aux éditions Glénat.

On a beaucoup écrit et glosé sur l’avocat réunionnais Jacques Vergès, décédé il y a presque dix ans, en août 2013. Séducteur, sulfureux, manipulateur, éloquent, tour à tour porté aux nues ou voué aux gémonies, le personnage est particulièrement controversé et ne laisse pas indifférent. Dans une bande dessinée biographique, l’historien et journaliste Jean-Charles Chapuzet et le dessinateur Guillaume Martinez retracent les grandes lignes de son parcours.

Qui était vraiment Jacques Vergès ? On ne le saura probablement jamais tant l’homme avait de multiples facettes et de combats, souvent contradictoires. Ancien résistant durant la seconde Guerre mondiale, militant anticolonialiste, capable de défendre la célèbre militante du Front de libération nationale algérien Djamila Bouhired, qu’il épousera d’ailleurs, le terroriste Carlos, le chef de section nazie Klaus Barbie, des dictateurs africains comme Omar Bongo du Gabon ou le simple jardinier marocain Omar Raddad. En dépit des livres écrits par et sur lui, l’homme demeure un mystère, cependant rempli de densité.  

C’est à ce personnage énigmatique que se sont attachés les auteurs. "Cette fiction est une libre interprétation de la trajectoire et des engagements de Jacques Vergès à partir d’une interview réalisée dans le bureau bibliothèque de la rue de Vintimille à l’occasion de la sortie de son dernier livre, De mon propre aveu (éditions Pierre-Guillaume de Roux). Les différents ouvrages (ceux de Jean-Louis Remilleux, de Vergès lui-même…), documentaires (dont l’incontournable L’Avocat de la terreur de Barbet Schroeder), ainsi que d’autres entretiens et archives ont complété le travail de scénarisation", précise Jean-Charles Chapuzet dans un avant-propos.

Un itinéraire singulier

Le livre en noir et blanc et couleur sépia pour les nombreux flash-back est passionnant et rappelle des moments essentiels, parfois oubliés, utiles à ceux qui se sont tant soit peu intéressés aux côtés sombres ou parfois lumineux de l’avocat. L’enfant métis né au Siam (actuelle Thaïlande) dans les années vingt, d’une mère vietnamienne trop tôt partie dans son enfance et d’un père réunionnais, aura eu un itinéraire singulier, presque de légende, en quelque cinquante années de carrière. Il aura connu personnellement Pol Pot, Malcolm X, Mao, Saddam Hussein, la plupart des dirigeants africains et asiatiques de son époque, et un grand nombre de personnalités du monde artistique et littéraire.

Quant à sa mystérieuse disparition de la vie publique entre 1970 et 1978, Jacques Vergès, indéchiffrable et insaisissable, grand amateur de lettres, répondait par une de ses fameuses pirouettes, rappelée dans la BD : "Montherland disait que le revers de sa veste que l’on ne montre pas peut comme ça garder son brillant. Entendons que la partie cachée est toujours la plus belle".

Vergès, une nuit avec le diable, par Jean-Charles Chapuzet et Guillaume Martinez, éditions Glénat, 132 pages, 22,50 euros.