Au comptoir, il revient sur le jour du vote où les Britanniques se sont exprimés en faveur du “Brexit” : “D’abord j’ai été surpris, puis extrêmement déçu du choix qu’ils ont fait, et enfin en colère. Certes ils n’ont été que 52% à voter pour le “leave” mais ça ne change rien, c’est ce qu’ils ont choisi.”
"Ils ont montré leur vrai visage"
Une fois passé le choc du résultat de la consultation, Jean-Vincent a décidé de quitter le Royaume-Uni : “Je suis ici depuis quinze ans. Est-ce que je me vois encore ici dans quinze ans? La réponse est clairement non maintenant.” Et il est catégorique, il partira que le "Brexit" ait lieu ou pas : “Je reste attaché à Londres mais je n’y vois plus d’avenir.”Il le répète plusieurs fois, il ne quitte pas la ville “de gaité de coeur”. Mais ces trois dernières années ont été “pesantes” :
Les Britanniques ont montré leur vrai visage. Peut-être que j’avais idéalisé le Royaume-Uni aussi, mais je trouve qu’à travers les débats en cours se dévoile un pays qui pense qu’il est meilleur que tous les autres, qu’il sera mieux sans les autres.
Changement d'ambiance
Jean-Vincent se rappelle son arrivée dans la capitale britannique en 2004. Il sort son smartphone, montre une photo de son père et lui prise pendant son emménagement. Puis parle avec animation de la sensation de liberté qu’il a ressentie en s’installant ici. Mais maintenant, il sent que l’ambiance dans la ville a changé, qu’elle est devenue plus hostile aux étrangers.Le consultant raconte un incident survenu quelques semaines après le vote dans le métro. Alors qu’il rentre d’une soirée avec trois amis français, dans le quartier pourtant très caribéen de Brixton, un homme les prend à partie dans la rame pour leur dire de “rentrer dans leur pays” :
Ce qui m’a le plus chagriné ce n’est pas son langage. Il ne nous a pas insultés, il n’a pas employé de mots racistes. Mais il nous disait “vous allez rentrer chez vous maintenant” de façon tellement normale, comme si c’était légitime. Ça, ça m’a choqué. Et je ne pense pas que ça aurait été possible avant le Brexit.
"Fracture"
Désormais il est catégorique : il gardera des liens professionnels avec la ville car ses clients sont ici, mais d’un point de vue personnel une “fracture” s’est faite entre Londres et lui. Avec sa famille, ils prennent toutefois le temps de réfléchir à où s’installer ensuite. Dans l’Hexagone? En Martinique? Ou au Portugal d’où est originaire son épouse?Selon Jean-Vincent, cette réflexion aurait fini par arriver, mais bien plus tard : “Je pense qu’elle se serait faite plutôt à la retraite, pour savoir où nous voulions la passer. Le Brexit l’a précipitée et ça nous a fait remettre en question plein de choses.”
Quand partira-t-il? Le Français hausse les épaules. Rien ne presse pour l’instant, il ne veut pas agir dans la hâte. Mais il est formel :
Je pense qu'il ne sortira rien de bon du Brexit pour le pays, quoi qu’il arrive. En anglais ils ont cette expression : “sauter avant d’être poussé”. Je préfère être prêt à partir, surtout si cette situation devait devenir catastrophique.”
Mais qu’on ne s’y méprenne pas : il espère tout de même que le “Brexit” n’aura pas lieu, "pour le bien" des Britanniques.Cette semaine, La1ère vous emmène à Londres à la rencontre des ultramarins installés dans la capitale britannique. Près de trois ans après le vote sur la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni, le “Brexit” n’a toujours pas eu lieu et la situation est confuse, notamment pour les étrangers. Pour certains, hors de question de repartir et laisser derrière eux la vie qu’ils se sont construite. Pour d’autres, il n’est plus envisageable de rester dans un pays qui ne veut plus, selon eux, accueillir d’étrangers.