Madagascar est ravagée par une épidémie de rougeole depuis le mois de septembre 2018. Selon l'OMS, plus de 79 000 cas ont été enregistrés dont 926 mortels. Selon les habitants, le nombre de morts serait même bien plus élevé en réalité.
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Elle a 2 ans mais le poids d'un nourrisson de 4 mois seulement. Dans un hôpital de Madagascar, la petite Frangeline lutte difficilement contre la rougeole, que la malnutrition ambiante a transformée en une épidémie meurtrière. Sous perfusion, la fillette n'a eu la vie sauve que parce que sa mère de 32 ans, Soa Robertine, a eu la force de faire en charrette les 25 kilomètres qui séparent son domicile du centre de santé d'Anivorano-nord, dans le nord de la Grande Ile. Sans ce voyage, les complications respiratoires ou neurologiques du virus auraient été fatales à sa fille. "Franceline est atteinte de malnutrition sévère et n'a pas été vaccinée", diagnostique le médecin-chef du centre, Hollande Robisoa, "elle a contracté la forme compliquée de la rougeole et elle en serait morte si elle n'avait pas été soignée ici".
Beaucoup d'autres enfants malgaches n'y survivent pas. Les dernières statistiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) font froid dans le dos. De septembre à février, plus de 79.000 cas de rougeole ont été enregistrés à Madagascar, dont 926 mortels. Le centre de soins d'Anivorano-nord a accueilli 510 patients atteints de "kitrotro" ou "kisaosy", les deux appellations locales de la maladie. Officiellement, seuls quatre en sont morts. Un nombre bien inférieur à la réalité, jugent de nombreux habitants de la ville, où les rumeurs vont bon train.
"Pris de panique, j'ai décidé de venir faire vacciner mes deux enfants de 5 et 6 ans", explique Sylvain Randriamaro, 46 ans, dans la salle d'attente de l'hôpital. Un an à peine après une vague de peste qui a fait plus de 200 morts et ravivé des terreurs d'un autre siècle, voilà l'île de l'océan Indien confrontée à une autre crise sanitaire.
"C'est une épidémie majeure", constate sobrement le Dr Vincent Sodjinou, de l'antenne malgache de l'OMS. "Pendant près d'une décennie, les couvertures vaccinales n'ont pas été à la hauteur des attentes et ont augmenté, sur plusieurs générations, le nombre de personnes non protégées". Le taux actuel de vaccination du pays atteint seulement 57%.
La rougeole relève de l'infection bénigne si ses symptômes comme la fièvre et la toux sont traités à temps. Sinon, des maladies opportunistes - infections respiratoires ou diarrhées - profitent de la fragilité des malades. A Madagascar, où la moitié (47%) des enfants de moins de 5 ans souffre de malnutrition chronique, elles font des ravages. "Il est souvent dit que la malnutrition fait le lit de la rougeole", confirme le Dr Sodjinou. Le service de pédiatrie de l'hôpital militaire d'Antsiranana, au nord d'Anivorano, déborde d'enfants malnutris.
"Normalement, nous ne traitons ici qu'un cas de rougeole tous les deux mois", note son chef, le Dr Ravohavy Setriny Mahatsangy, "depuis décembre nous en sommes déjà à 444". Au banc des accusés, il cite "la promiscuité sociale, qui facilite la propagation de la maladie, le refus de se faire soigner dans un hôpital et les réticences à la vaccination". L'histoire de la plupart de ses patients illustre parfaitement les effets de ce cocktail dévastateur.
Voici par exemple Marie Lydia Zafisoa, 8 ans. "Sa mère a d'abord eu recours au tradipraticien qui a prescrit six bains par jour", s'attriste la tante de la victime, Bana Tombo. Faute de résultat, le père de la fillette l'a finalement conduite au centre de soins. "C'était trop tard, elle est décédée au cours de son transport", poursuit la tante.
Le petit Adriano Luc Rakototsioharana, 7 mois, a eu plus de chance. Sa grand-mère Catherine a elle aussi épuisé tous les recours de la médecine traditionnelle avant de l'amener à l'hôpital. Très affaibli, il a survécu de justesse. Mais la cinquantenaire n'en démord pas. "Pour la rougeole, il faut faire une infusion de bouse de vache pour inhalation ou une tisane d'écorce de l'arbre lazalaza", assène-t-elle, inflexible, "ces remèdes ont fait leur preuve".
Les médecins l'avouent volontiers, ces certitudes compliquent singulièrement leur tâche. "On fait avec et on tente de les comprendre, c'est la culture", sourit le Dr Ravohavy, "changer la mentalité de la famille s'avère bien plus difficile que de traiter la rougeole". La frustration du corps médical se révèle d'autant plus grande que l'Etat malgache offre gratuitement la plupart des traitements contre les effets de la rougeole. "Mais la population préfère les tradipraticiens, qui conseillent souvent de refuser l'hospitalisation", déplore le représentant local du ministère de la Santé, le Dr Said Borohany, "et la majorité des villages se trouvent à des heures de route du plus proche centre de santé de base".
Reste la vaccination. A Madagascar, elle a longtemps péché par manque de moyens. Jusque-là, le plan local ne consistait qu'en une seule dose, alors que l'OMS en recommande deux. L'agence onusienne estime à 5,6 millions le nombre de doses nécessaires pour enrayer l'épidémie actuelle. Mais il manque encore 1,6 million de dollars pour boucler le budget de l'opération, estimé à 11,2 millions.
Fraîchement élu, le président malgache Andry Rajoelina a promis la vaccination de tous les enfants de 6 mois à 9 ans. "Notre objectif est d'éradiquer la rougeole", a-t-il claironné. Le combat s'annonce long et difficile. "Madagascar a mis en place une opération de vaccination de routine", se félicite le représentant de l'OMS, "mais cela reste insuffisant, surtout pour cibler les endroits très reculés du pays".
Beaucoup d'autres enfants malgaches n'y survivent pas. Les dernières statistiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) font froid dans le dos. De septembre à février, plus de 79.000 cas de rougeole ont été enregistrés à Madagascar, dont 926 mortels. Le centre de soins d'Anivorano-nord a accueilli 510 patients atteints de "kitrotro" ou "kisaosy", les deux appellations locales de la maladie. Officiellement, seuls quatre en sont morts. Un nombre bien inférieur à la réalité, jugent de nombreux habitants de la ville, où les rumeurs vont bon train.
"Épidémie majeure"
"Pris de panique, j'ai décidé de venir faire vacciner mes deux enfants de 5 et 6 ans", explique Sylvain Randriamaro, 46 ans, dans la salle d'attente de l'hôpital. Un an à peine après une vague de peste qui a fait plus de 200 morts et ravivé des terreurs d'un autre siècle, voilà l'île de l'océan Indien confrontée à une autre crise sanitaire.
"C'est une épidémie majeure", constate sobrement le Dr Vincent Sodjinou, de l'antenne malgache de l'OMS. "Pendant près d'une décennie, les couvertures vaccinales n'ont pas été à la hauteur des attentes et ont augmenté, sur plusieurs générations, le nombre de personnes non protégées". Le taux actuel de vaccination du pays atteint seulement 57%.
La rougeole relève de l'infection bénigne si ses symptômes comme la fièvre et la toux sont traités à temps. Sinon, des maladies opportunistes - infections respiratoires ou diarrhées - profitent de la fragilité des malades. A Madagascar, où la moitié (47%) des enfants de moins de 5 ans souffre de malnutrition chronique, elles font des ravages. "Il est souvent dit que la malnutrition fait le lit de la rougeole", confirme le Dr Sodjinou. Le service de pédiatrie de l'hôpital militaire d'Antsiranana, au nord d'Anivorano, déborde d'enfants malnutris.
Infusion de bouse de vache
"Normalement, nous ne traitons ici qu'un cas de rougeole tous les deux mois", note son chef, le Dr Ravohavy Setriny Mahatsangy, "depuis décembre nous en sommes déjà à 444". Au banc des accusés, il cite "la promiscuité sociale, qui facilite la propagation de la maladie, le refus de se faire soigner dans un hôpital et les réticences à la vaccination". L'histoire de la plupart de ses patients illustre parfaitement les effets de ce cocktail dévastateur.
Voici par exemple Marie Lydia Zafisoa, 8 ans. "Sa mère a d'abord eu recours au tradipraticien qui a prescrit six bains par jour", s'attriste la tante de la victime, Bana Tombo. Faute de résultat, le père de la fillette l'a finalement conduite au centre de soins. "C'était trop tard, elle est décédée au cours de son transport", poursuit la tante.
Le petit Adriano Luc Rakototsioharana, 7 mois, a eu plus de chance. Sa grand-mère Catherine a elle aussi épuisé tous les recours de la médecine traditionnelle avant de l'amener à l'hôpital. Très affaibli, il a survécu de justesse. Mais la cinquantenaire n'en démord pas. "Pour la rougeole, il faut faire une infusion de bouse de vache pour inhalation ou une tisane d'écorce de l'arbre lazalaza", assène-t-elle, inflexible, "ces remèdes ont fait leur preuve".
Mentalités
Les médecins l'avouent volontiers, ces certitudes compliquent singulièrement leur tâche. "On fait avec et on tente de les comprendre, c'est la culture", sourit le Dr Ravohavy, "changer la mentalité de la famille s'avère bien plus difficile que de traiter la rougeole". La frustration du corps médical se révèle d'autant plus grande que l'Etat malgache offre gratuitement la plupart des traitements contre les effets de la rougeole. "Mais la population préfère les tradipraticiens, qui conseillent souvent de refuser l'hospitalisation", déplore le représentant local du ministère de la Santé, le Dr Said Borohany, "et la majorité des villages se trouvent à des heures de route du plus proche centre de santé de base".
Reste la vaccination. A Madagascar, elle a longtemps péché par manque de moyens. Jusque-là, le plan local ne consistait qu'en une seule dose, alors que l'OMS en recommande deux. L'agence onusienne estime à 5,6 millions le nombre de doses nécessaires pour enrayer l'épidémie actuelle. Mais il manque encore 1,6 million de dollars pour boucler le budget de l'opération, estimé à 11,2 millions.
Fraîchement élu, le président malgache Andry Rajoelina a promis la vaccination de tous les enfants de 6 mois à 9 ans. "Notre objectif est d'éradiquer la rougeole", a-t-il claironné. Le combat s'annonce long et difficile. "Madagascar a mis en place une opération de vaccination de routine", se félicite le représentant de l'OMS, "mais cela reste insuffisant, surtout pour cibler les endroits très reculés du pays".