Que se passerait-il si aujourd'hui le volcan de la Soufrière venait à se réveiller ? Question qui a été d’actualité en Guadeloupe en 1976 quand l'éruption du volcan a provoqué le déplacement de la population de Basse-Terre, suite aux décisions prises par l'autorité préfectorale et les scientifiques. C’est le postulat de départ de Magma le film signé par le réalisateur Cyprien Vial, amoureux des volcans depuis son enfance et qui a puisé son inspiration dans ce fait sociétal datant de près de cinquante ans.
Bien loin du film-catastrophe que le titre laisse supposer, Magma montre l'angoisse et les bouleversements générés par le réveil du volcan et comment les vieux antagonismes (entre force publique et scientifiques, entre autorités et population locale, entre communautés peuplant l’archipel…) refont surface à l’occasion d’un tel phénomène. Un film à apprécier également sur un plan plus intimiste, à travers notamment la relation mentor/protégé entre les personnages joués par Marina Foïs (Katia) et Théo Christine (Aimé).
Un film à plusieurs niveaux de lecture, réussi - crédible et réaliste -, écrit et mis en scène par Cyprien Vial dont c’est le troisième long métrage. Et plutôt bien accueilli en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane où le film est sorti dès le 21 février dernier (sortie nationale ce 19 mars).
Cyprien Vial et ses deux comédiens têtes d’affiche, Marina Foïs et Théo Christine, reviennent en détails, dans le podcast L’Oreille est hardie, sur la genèse et la confection de Magma qui leur a fait gravir les pentes, jusqu'au sommet, de la Soufrière, l’autre héroïne de ce film :
Science / fiction
Dans Magma, Marina Foïs et Théo Christine campent deux vulcanologues pris en étau entre la nécessité de prévenir la catastrophe, le dialogue avec les autorités pour l’organisation d’une éventuelle évacuation et la prise en compte des populations ébranlées dans leurs vies et leur quotidien.
Katia et Aimé sont collègues à l’Observatoire de vulcanologie chargé de surveiller à Basse-Terre (dans la partie sud de l’archipel guadeloupéen), l’activité de la Soufrière. Celle-ci montre des signes de réveil suffisamment inquiétants pour en alerter les autorités.
Quand des fumerolles apparaissent, les fantômes des événements de 1976 se réveillent… Que faut-il faire ? Évacuer la population par principe de précaution, attendre que les manifestations du volcan soient plus éclatantes pour prendre une décision ? Les forces préfectorales attendent des éclairages et des assurances que les scientifiques ne peuvent pas garantir.
Attentions et tensions
C’est tout l’enjeu du film mais il se double aussi de quelque chose de plus profond encore et qui raconte aussi les vieux démons de la colonisation et des rapports qui en ont découlé entre population locale et représentants de la République, entre ex-dominants et ex-dominés, entre celles et ceux nés sur place (comme le personnage d’Aimé, joué par Théo Christine) et celles et ceux (comme le personnage de Katia interprété par Marina Foïs) installés dans l’archipel depuis longtemps et qui verront leur place remise en question par l’évènement…
Aller plus haut
Bien sûr, la Soufrière est présente en permanence, qu’on la voit à l’image (très belles images d’ailleurs, de loin comme de près, avec les ascensions effectuées par les vulcanologues, ascensions rendues nécessaires dans le film pour se faire une idées plus précise de la situation...) ou qu’elle occupe les discussions pondérées ou houleuses entre les différents protagonistes de l’histoire.
Si vous vous attendiez à un film-catastrophe, passez votre chemin : l’action est ici sous-tendue par les frictions et les relations entre les habitants qui cherchent à comprendre et rester chez eux et les autorités qui - comme en 1976 et au nom du principe de précaution - veulent évacuer la population. Incompréhension, ordres contradictoires, rébellion contre des décisions sans fondements… C’est la partie très bien menée du scénario qui est plutôt allé chercher de ce côté-là , les rebondissements nécessaires à la progression du film.
Magma, Ã l'origine
C’est ce qui a aussi intéressé au premier abord les deux comédiens principaux en lisant le script de Cyprien Vial. Marina Foïs raconte dans L’Oreille… combien toutes les conséquences de l’esclavage et de la colonisation l’intéressent au plus haut point peut-être encore plus que les volcans.
Quant à Théo Christine, aux origines martiniquaises, Magma lui donnait l’occasion de mettre en lumière un territoire ultramarin dans un film, et de confronter aussi à titre personnel le souvenir des histoires qu’il entendait enfant à propos d’un autre volcan, la Montagne Pelée…
Écoutez L’Oreille est hardie...
Et découvrez comment s’est petit à petit mis en œuvre Magma, vu par son réalisateur et ses deux têtes d’affiche. Un casting trois étoiles pour une histoire qui porte haut (jusqu’aux flancs de la Soufrière) l’archipel guadeloupéen dont on aurait pu craindre qu’il ne soit qu’un décor.
Mais entre les recherches et les contacts effectués sur place au préalable par Cyprien Vial au moment de l’écriture, la constitution des équipes pour moitié guadeloupéennes et le souci de crédibilité dans les scènes de vie - jusqu’aux détails des habits portés par les personnages -, certains écueils, comme les clichés, ont été évités.
Enfin, grâce au jeu tout en délicatesse de Marina Foïs qui donne de l’épaisseur à son personnage et celui de Théo Christine, en jeune guadeloupéen responsable et émancipé devant la situation de tension créé par le réveil du volcan, Magma emprunte un chemin plutôt intéressant à suivre, avec une narration et une dramaturgie fines et un sous-texte politique et social qui permettent au film de tirer son épingle du jeu.
Retrouvez Cyprien Vial, Marina Foïs et Théo Christine dans L'Oreille est hardie, c'est par ICI !
Ou par là :
"Magma" de Cyprien Vial, sortie nationale le 19 mars 2025 ; sorti depuis le 21 février en Guadeloupe, Martinique et Guyane.