Cette Réunionnaise de 73 ans livre le témoignage d’une vie de grande pauvreté à la Réunion dans "Vivante et debout" qu'elle a écrit avec l'aide de Marie-Christine Degand. Toutes deux militent contre la misère à l'association ATD Quart-Monde. Elles sont dans l'Oreille est hardie.
Du courage aujourd’hui pour raconter hier. Marie-Josiane vit aujourd’hui dans l’Hexagone, du côté de Port-Brillet dans la Mayenne où l’Oreille est hardie est allée à sa rencontre. Et du courage, il lui en a fallu pour raconter toute une vie de grande pauvreté et de précarité, qui a commencé en 1948 vers l’Etang Salé, à la Réunion. Elle ne connaîtra quasiment pas son père et sa mère peinera toute sa vie à s’occuper décemment d’elle, livrant ainsi la petite Marie-Josiane puis plus tard sa sœur et ses frères à eux-mêmes pour trouver de quoi survivre.
Une vie de pauvreté dans les rues de la Réunion
Au gré des rencontres amoureuses de sa mère, la famille s’agrandit (jusqu’à douze enfants !), déménage de commune en commune jusqu’à s’installer à Saint-Denis où le même sort recommence : chercher chaque jour un quignon de pain, des petits travaux ménagers chez les voisins pour remplir les bols… Marie-Josiane réalisera même plus tard, en regardant un reportage à la télévision, qu’elle aurait pu faire partie de ces enfants envoyés dans la Creuse dans les années 60 ; mais sa mère interviendra au dernier moment : elle avait trop besoin d’elle pour la laisser partir. « Qui sait la vie que j’aurais pu avoir ? » dit en substance Marie-Josiane, « peut-être une vie meilleure sans connaître toute cette misère ? »
La misère, la pauvreté sont violence…
Il faut lire Vivante et debout pour réaliser toute la mécanique de la grande pauvreté qui, à la Réunion, dans les Outre-mer, en France hexagonale et partout ailleurs, entraîne le plus souvent violences, exclusion, précarité ; qui empêche l’instruction, le savoir, la connaissance… Mais ce que Marie-Josiane montre, avec cette volonté farouche de raconter son histoire, c’est que parler est une délivrance.
Sa vie d’adulte à la Réunion sera aussi une vie liée à la peur : Marie-Josiane vivra en couple avec un homme qui tout au long de leur union exercera une violence verbale intense, toujours à la limite de la violence physique. Elle fait tout pour protéger ses enfants, elle en aura neuf. Mais un jour, elle décide que ça suffit. Laissant quatre d’entre eux, grands maintenant à la Réunion, elle rejoindra l’un de ses fils qui vit à Laval, au début des années 2000. Se mettra en quête d’un logement. Trouvera un lieu d’écoute au sein de l’association Quart-Monde. Assistera assidûment aux réunions mais sans parler. Puis viendra le déclic en 2009.
Le besoin et l’envie de parler, de témoigner
Cette année-là, lors des journées mondiales du refus de la misère, outre aider à préparer ce grand moment, elle se rend compte, en écoutant d’autres raconter leur propre vie de pauvreté, de la puissance du témoignage. Parler, communiquer, s'exprimer, dire... délivre ! L’idée de se raconter s’ancre dans sa tête, d’abord « pour ses enfants et ses petits-enfants », pour qu’ils sachent d’où ils viennent, l’histoire de leur mère et grand-mère, les conditions mêmes, les fondements de leur existence. Puis elle réalise que témoigner peut en aider d’autres.
Elle commence à parler en public lors des différentes assemblées du mouvement. Mais l’idée d’écrire un livre reste tenace, elle qui pendant longtemps n’a su ni lire ni écrire un mot.
Marie-Christine Degand, co-responsable d’ATD Quart-Monde de la Mayenne lui propose de réaliser son projet et avec son aide, Marie-Josiane s’attelle à l’écriture de ce grand petit livre. Pendant neuf mois, l’une se confiera, l’autre prendra note et de sa plume mettra les mots sur le papier. Neuf mois pour en arriver à la publication de ce bébé, ce livre dont Marie-Josiane est immensément fière. Et en retour, ses enfants le sont aussi, même si la surprise de certaines révélations fut grande pour une partie de sa famille.
C’est tout ce cheminement que les deux femmes racontent dans l’Oreille est hardie. Écoutez leur message de vie, de courage, d’espoir. Espoir que les choses changent pour tous ceux à qui les moyens de vivre décemment ne sont pas donnés. Pas une révolte pour la révolte, non. Juste faire entendre sa voix pour que les choses aillent mieux. Lisez Vivante et debout...
Et écoutez Marie-Josiane Tiquao et Marie-Christine Degand dans l’Oreille est hardie, ICI
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