Le documentaire choc du réalisateur Mark-Alexandre Montout sur la violence en Guadeloupe, "Karukera", sera diffusé dimanche 26 novembre au cinéma Le Studio d’Aubervilliers, en région parisienne, dans le cadre du Festival Africolor. Interview.
« C’est une production guérilla, et on va au charbon », déclare sans ciller le Guadeloupéen Mark-Alexandre Montout, réalisateur du documentaire "Karukera" (terme qu’employaient les Indiens caraïbes pour désigner la Guadeloupe). Cet ancien monteur vidéo, fort d’une solide expérience à l’international, a décidé de passer derrière la caméra pour parler des maux de son île, la violence en particulier. La production s’est faite en autofinancement, sans aucune subvention institutionnelle. Et c’est un succès. Sorti l’an dernier, promu sur les réseaux sociaux et dans les milieux associatifs, le film a été projeté hors des circuits traditionnels, non seulement en Guadeloupe mais aussi à Londres, Montréal, Toronto, Fort-de-France, Paris et même Abidjan en Côte d’Ivoire !
D’une durée de 60 minutes, le documentaire donne la parole - en créole et en français - à des jeunes et de nombreuses personnalités et acteurs de la société civile guadeloupéenne, dont Admiral-T, Krys, Lilian Thuram et Elie Domota. Le film inclut également des extraits d’archives qui permettent de contextualiser la démarche du réalisateur. D’un rythme soutenu, instructif et parfois poignant, "Karukera" sera projeté ce dimanche 26 novembre dans le cadre du festival Africolor au cinéma Le studio d’Aubervilliers (2 rue Edouard Poisson) à 20h30, suivi d'un échange avec l'équipe du film. Et en attendant, Mark-Alexandre Montout répond aux questions de La1ere.fr.
Pouvez-vous revenir sur la genèse de votre film ?
Mark-Alexandre Montout : En 2013-2014, la Guadeloupe comptabilisait le taux d’homicide le plus fort en France, soit 46. Ce qui m’intéressait c’était le prisme social, à savoir ce qui fait que l’on arrive à cette situation. Qu’est-ce qui se passe en Guadeloupe ? Dans toute cette violence, c’est la jeunesse qui est touchée. Dans le film, je commence avec une archive de 1976, et on arrive à 2016. On s’inscrit sur 40 ans d’évolution. Il y a eu des déviances et comment pouvons-nous l’expliquer ? Notre mode familial a changé, notre jeunesse également. Je voulais aller plus en profondeur que des reportages souvent racoleurs sur la Guadeloupe qui ne parlent uniquement que d’alcool, de drogue, de prostitution, etc. Ce que j’ai voulu faire, c’est interroger les Guadeloupéens, les premiers concernés, qu’ils soient artistes, pêcheurs, artisans, policiers, psychologues, juges, sociologues, représentants de syndicats, et même des jeunes acteurs de la violence.
Quelles sont les causes de cette violence et du mal-être de cette jeunesse guadeloupéenne selon vous ?
Les problématiques d’un jeune en Guadeloupe ne sont pas les mêmes que celle d’un jeune de Paris. Nous avons peut-être des lois qui ne sont pas adaptées. Nous devrions être plus en lien avec notre environnement. On renvoie souvent cette question à l’Etat mais nous devons la renvoyer aux Guadeloupéens. Concrètement qu’est-ce que nous-mêmes nous faisons ? Beaucoup de jeunes vivent la violence dans leur quotidien en Guadeloupe, une violence que nous ne connaissons pas car nous ne sommes pas dans ce cercle. Nous montrons cela dans ‘Karukera’, la violence que ces jeunes vivent dans certains quartiers, pourquoi ils se sentent obligés de porter une arme. Mais nous montrons aussi une jeunesse qui se bouge, une jeunesse qui se dit que nous devons faire par nous-mêmes. Dans le film nous nous demandons : où en sommes-nous ? Avons-nous une vision et quelle est-elle ? Au niveau du marché économique, de la culture, de l’éducation, de la famille, de la jeunesse, de l’intergénérationnel, de notre mode d’alimentation?
Il paraît que vous avez dû autofinancer votre documentaire…
Je me suis autofinancé sur mes économies car nous n’avons trouvé aucun fonds, même malheureusement de nos propres institutions, en Guadeloupe ou dans l’Hexagone. Je pense que ce film a été très mal perçu. Les gens se sont arrêtés sur le côté violent en se disant que c’est un énième documentaire sur la violence. Pourtant les spectateurs guadeloupéens qui l’ont vu un peu partout à l’étranger disent que le film les incite à revenir et à faire quelque chose pour la Guadeloupe. La production de ce documentaire met en exergue le processus extrêmement compliqué pour un jeune réalisateur indépendant de pouvoir faire un film. Mais avec le peu de moyens que j’avais, j’ai voulu montrer que même sans subventions nous pouvons faire des choses. C’est à nous créer de notre propre voie pour que notre public nous redécouvre, redécouvre un cinéma. Il y a très peu de films issus de notre communauté, mais quand il y en a les gens se déplacent, même des gens qui ne sont pas de la communauté. Nous intéressons tout le monde.
D’une durée de 60 minutes, le documentaire donne la parole - en créole et en français - à des jeunes et de nombreuses personnalités et acteurs de la société civile guadeloupéenne, dont Admiral-T, Krys, Lilian Thuram et Elie Domota. Le film inclut également des extraits d’archives qui permettent de contextualiser la démarche du réalisateur. D’un rythme soutenu, instructif et parfois poignant, "Karukera" sera projeté ce dimanche 26 novembre dans le cadre du festival Africolor au cinéma Le studio d’Aubervilliers (2 rue Edouard Poisson) à 20h30, suivi d'un échange avec l'équipe du film. Et en attendant, Mark-Alexandre Montout répond aux questions de La1ere.fr.
Pouvez-vous revenir sur la genèse de votre film ?
Mark-Alexandre Montout : En 2013-2014, la Guadeloupe comptabilisait le taux d’homicide le plus fort en France, soit 46. Ce qui m’intéressait c’était le prisme social, à savoir ce qui fait que l’on arrive à cette situation. Qu’est-ce qui se passe en Guadeloupe ? Dans toute cette violence, c’est la jeunesse qui est touchée. Dans le film, je commence avec une archive de 1976, et on arrive à 2016. On s’inscrit sur 40 ans d’évolution. Il y a eu des déviances et comment pouvons-nous l’expliquer ? Notre mode familial a changé, notre jeunesse également. Je voulais aller plus en profondeur que des reportages souvent racoleurs sur la Guadeloupe qui ne parlent uniquement que d’alcool, de drogue, de prostitution, etc. Ce que j’ai voulu faire, c’est interroger les Guadeloupéens, les premiers concernés, qu’ils soient artistes, pêcheurs, artisans, policiers, psychologues, juges, sociologues, représentants de syndicats, et même des jeunes acteurs de la violence.
Quelles sont les causes de cette violence et du mal-être de cette jeunesse guadeloupéenne selon vous ?
Les problématiques d’un jeune en Guadeloupe ne sont pas les mêmes que celle d’un jeune de Paris. Nous avons peut-être des lois qui ne sont pas adaptées. Nous devrions être plus en lien avec notre environnement. On renvoie souvent cette question à l’Etat mais nous devons la renvoyer aux Guadeloupéens. Concrètement qu’est-ce que nous-mêmes nous faisons ? Beaucoup de jeunes vivent la violence dans leur quotidien en Guadeloupe, une violence que nous ne connaissons pas car nous ne sommes pas dans ce cercle. Nous montrons cela dans ‘Karukera’, la violence que ces jeunes vivent dans certains quartiers, pourquoi ils se sentent obligés de porter une arme. Mais nous montrons aussi une jeunesse qui se bouge, une jeunesse qui se dit que nous devons faire par nous-mêmes. Dans le film nous nous demandons : où en sommes-nous ? Avons-nous une vision et quelle est-elle ? Au niveau du marché économique, de la culture, de l’éducation, de la famille, de la jeunesse, de l’intergénérationnel, de notre mode d’alimentation?
Il paraît que vous avez dû autofinancer votre documentaire…
Je me suis autofinancé sur mes économies car nous n’avons trouvé aucun fonds, même malheureusement de nos propres institutions, en Guadeloupe ou dans l’Hexagone. Je pense que ce film a été très mal perçu. Les gens se sont arrêtés sur le côté violent en se disant que c’est un énième documentaire sur la violence. Pourtant les spectateurs guadeloupéens qui l’ont vu un peu partout à l’étranger disent que le film les incite à revenir et à faire quelque chose pour la Guadeloupe. La production de ce documentaire met en exergue le processus extrêmement compliqué pour un jeune réalisateur indépendant de pouvoir faire un film. Mais avec le peu de moyens que j’avais, j’ai voulu montrer que même sans subventions nous pouvons faire des choses. C’est à nous créer de notre propre voie pour que notre public nous redécouvre, redécouvre un cinéma. Il y a très peu de films issus de notre communauté, mais quand il y en a les gens se déplacent, même des gens qui ne sont pas de la communauté. Nous intéressons tout le monde.