Associations anti-chlordécone, élus, collectifs, tous sont remontés après que des juges ont, depuis Paris, laissé entendre à une délégation de plaignants de Guadeloupe et de Martinique, que des preuves auraient disparu du dossier des pesticides, lequel pourrait être frappé de prescription.
La mobilisation des différents collectifs et autres associations anti-chlordécone ne faiblie pas, depuis que le spectre d’une éventuelle prescription plane sur le dossier d’empoisonnement des terres agricoles de Guadeloupe et de Martinique.
Depuis près de 15 ans, des plaintes se sont multipliées, plusieurs élus ont apporté leur soutien et une commission d’enquête parlementaire a été créée, pour dénoncer l’utilisation de produits phytosanitaires durant des décennies dans les cultures antillaises, avec des conséquences sur la santé des populations exposées.
Réparations attendues
L’objectif des plaignants est de déterminer les responsabilités et d’obtenir réparation. Mais les conclusions des deux juges d'instruction du pôle santé du Tribunal de Grande Instance de Paris les 20 et 21 janvier 2021, lors d’une visio-conférence ont été une douche froide. Les deux magistrats ont en effet laissé entendre que le dossier pourrait être sous le coup d’une prescription.
Des politiques en colère également
Vent de colère chez les élus des îles sœurs. Dans un courrier daté du 27 janvier 2021, le député guadeloupéen de la majorité, Olivier Serva, par ailleurs président de la délégation aux Outre-mer de l’assemblée nationale, a à son tour interpellé directement le Président de République Emmanuel Macron en ces termes :
Dans ce dossier, une approche particulièrement inquiétante a été retenue par les juges d’instruction qui évoquent une éventuelle prescription dans cette affaire (…).
La gravité du traitement judiciaire de ce dossier est d’autant plus intrigante, que les magistrats évoquent un risque de disparition d’actes de procédure dans ce dossier, au parquet de Fort-de-France et de Paris (…).
Ce serait là, une profonde injustice.
En concluant sa lettre, le député Serva a annoncé au chef de l’Etat son intention de déposer dans les tous prochains jours, "une proposition de loi déclarant l’imprescriptibilité des faits qui ont causé un préjudice durable aux martiniquais et aux guadeloupéens, du fait de la pollution au chlordécone".
Le député Martiniquais Serge Letchimy qui a piloté la commission parlementaire dédiée au dossier, s'était déjà agacé en déclarant que "l’Etat ne prend pas ses responsabilités".
Le fait de ne pas avoir donné suite aux conclusions de la commission d'enquête à la hauteur du drame, en ne prenant que des petites miettes de solutions à distribuer dans le plan chlordécone, cela n'honore pas la République.
La France Insoumise réagit
Le député France Insoumise de la Somme, François Ruffin s’insurge, à son tour, contre le possible non-lieu sur lequel pourrait déboucher la plainte pour empoisonnement au chlordécone. Il s’en est ému dans une question écrite, adressée au premier ministre. Il demande "que la justice aille à son terme" (…) et au gouvernement d’être "cohérent, au moment même où celui-ci veut, par référendum, faire entrer le crime d’écocide (crime contre l’environnement) dans la Constitution".
La ville du François contre un non-lieu
Jeudi 28 janvier 2021, ce sont les élus du conseil municipal du François qui ont pris position à leur tour, en votant à l’unanimité, une motion alertant "contre un non-lieu annoncé dans l’instruction du dossier dit de la Chlordécone".
Que dans cette affaire, conformément aux exigences de l’Etat de droit, les responsabilités soient enfin établies, les préjudices réparés et les victimes indemnisées.
Les "producteurs d'aujourd'hui"...eux aussi
Dans un communiqué publié lundi 25 janvier 2021, l'UGPBAN (l'Union des Groupements de Producteurs de Bananes) réclame elle aussi et contre toute attente, "une recherche active de la vérité".
Compte-tenu de l’importance de ce dossier, en Guadeloupe comme en Martinique, les producteurs appellent les autoritéśs publiques à tout mettre en œuvre pour que la justice puisse continuer son travail de recherche active de la vérité (...).
Les producteurs d’aujourd’hui regrettent cette situation et comprennent l’émotion légitime qu’elle engendre dans la population.
Partagés entre surprise, incompréhension et colère, les militants anti-chlordécone de leur côté, n’ont pas l’intention de baisser les bras pour autant. Lors d’une énième mobilisation pacifique (le 23 janvier dernier au Morne-Rouge), le collectif "lyannaj pour dépolyé matinik" n’avait qu’un slogan en boucle : "refusons le déni de justice !"