Le slogan "Fwansé Déwo" aurait émergé pendant les années 1960 et 1970 dans le contexte de mouvements d'indépendance et d'autonomie dans plusieurs colonies françaises.
En Martinique, il a été notamment popularisé par des mouvements nationalistes et indépendantistes qui revendiquaient une plus grande autonomie vis-à-vis de la France, voire l'indépendance.
Gilbert Pago, agrégé d’histoire, spécialiste de l'histoire de la Caraïbe "n'a pas de certitude" sur les dates précises de l'apparition de ce slogan. Selon ses premières réflexions, il serait apparu durant les affaires de l'OJAM ou de Décembre 59.
Un slogan conditionné par l'histoire
La première affaire citée par Gibert Pago, concernait la défiance envers l'État Français de 18 jeunes gens appartenant à l'Organisation de la Jeunesse Anti colonialiste de Martinique, l’OJAM. Le 24 décembre 1962, ils avaient signé un manifeste qu'ils concluaient par ce slogan : "La Martinique aux Martiniquais". Serait apparu par la suite celui de "Fwansé Déwo"...
La deuxième affaire, celle de décembre 1959 concerne l'affrontement meurtrier entre les forces de l'ordre et des manifestants qui s'est soldé par la mort de 3 jeunes hommes.
Deux affaires liées à l'histoire politique et sociale de la Martinique et à ses luttes pour la reconnaissance de son identité culturelle et son autonomie politique.
Des similitudes avec la Corse
Aujourd'hui, ces inscriptions "Fwansé Dèwo" réapparaissent en nombre, depuis la tension sociale née de l'affaire Pinto où la justice est accusée par certains militants nationalistes d'être à la solde de propriétaires venus de France qui "s'appropriaient illégalement" le foncier de Martinique.
En Corse certains nationalistes ont aussi le même slogan "I Francesi Fora (IFF)" ce qui signifie "Dehors les Français". Ils s'opposent aussi à l'acquisition par des Français de l'Hexagone des terres ou des maisons Corses.
Selon nos confrères du Point "Il y aurait une résurgence d'un discours anti-français".
"Je ne parle pas de couleur de peau mais de mouvement spéculatif extrêmement puissant en Martinique"
Deux îles aux rapports historiques différents avec la France continentale, mais parsemées de slogans anti-français similaires.
Deux îles dont les responsables des collectivités se rapprochent pour faire évoluer leur statut respectif et souhaitent notamment avoir leur mot à dire concernant l'acquisition du foncier. Mais, précise Serge Letchimy, Président du Conseil Executif de la Collectivité de Martinique, "je ne parle pas de couleur de peau mais de mouvement spéculatif extrêmement puissant qu'il faut contrer par une loi pour protéger le foncier ".
Quelle est la vérité des chiffres ?
Deux îles dont une partie de l'économie du tourisme repose sur les visiteurs venus de l'Hexagone.
Le Comité Martiniquais du Tourisme, satellite de la Collectivité Territoriale de Martinique, dressait récemment un bilan positif de la saison et envisageait pour la prochaine un accroissement de son socle de touristes hexagonaux qui représente 68,4% de sa clientèle.
Du reste, la Martinique était classée en 2023, dans le top 5 des destinations de vacances des Français et 16e au classement des destinations recommandées par le New York Times.
De ce point de vue, les chiffres et les actions politiques ne reflètent pas une présumée ambiance anti-française généralisée de la population et des politiques Martiniquais.
"Je pense que la situation de crise sociale aggrave un sentiment "Anti-Français" mais il m'est difficile d'en connaître l'ampleur" souligne Gilbert Pago.
En 2022, les services de police et de gendarmerie nationales ont enregistré 6 600 crimes ou délits commis en raison de l’ethnie, de la nation, d’une prétendue race ou de la religion sur l’ensemble du territoire français.
Ces chiffres n'existent pas, par exemple pour mesurer des atteintes à une ethnie. Selon les données établies par la police et la gendarmerie, la Martinique ne fait pas gonfler les statistiques, contrairement à d'autres régions.