Mayotte : les maires en première ligne face à l'insécurité

L'incendie de deux véhicules appartenant au maire de la commune d'Ouangani, à Mayotte, est un nouvel épisode des violences qui visent les maires, en première ligne dans la lutte contre l'habitat illégal dans ce département.

Deux véhicules appartenant au maire de Ouangani, Youssouf Ambdi, et à son épouse ont été incendiés dans la nuit de jeudi à vendredi devant leur domicile de Coconi, au centre de l'île. Pour Youssouf Ambdi, "le caractère volontaire et ciblé de l'incendie ne laisse pas de doute: c'est une nouvelle intimidation à l'endroit des élus et responsables politiques de notre territoire". Le président de l'association des maires de Mayotte (AMM) Madi Madi Souf a condamné ces faits. "Nous ne reculerons pas face à la barbarie, face aux intimidations et face aux agressions", a affirmé le président de l'association des maires de Mayotte (AMM), Madi Madi Souf, dénonçant "des actes barbares". 

Le préfet de Mayotte Thierry Suquet a également apporté son soutien au premier magistrat de Ouangani et a signalé les faits au procureur de la République. Cet incendie survient une vingtaine de jours après l'incendie criminel qui a touché l'hôtel de ville de Koungou, commune de 32.000 habitants, après des manifestations contre l'expulsion de 250 familles du bidonville de Carobolé. Peu auparavant, le bâtiment de la police municipale a lui aussi fait l'objet d'une tentative d'incendie. Mais le voisinage a averti rapidement les policiers municipaux qui ont réussi à limiter les dégâts.

Destruction de "bangas" 
Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu avait condamné ces incendies à Koungou ajoutant : "Les forces de sécurité sont déterminées à rétablir l'ordre. J'assure au maire et à ses équipes tout mon soutien. Nous continuerons à lutter contre l'habitat illégal malgré ces actions". Son collègue de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait lui aussi apporté son soutien public aux élus de Mayotte. A Koungou, la destruction de ces cases en tôle (dites "bangas"), dans le cadre de la Loi ELAN, votée en novembre 2018, doit permettre la construction de 500 logements sociaux. Depuis le début de l'année, 955 habitations ont été détruites à Mayotte dont 200 à Koungou en février. A l'époque déjà, des troubles avec barrages routiers s'étaient produits. Ces constructions en tôle forment près de 40% du parc immobilier mahorais.

Menaces et intimidations
A Ouangani, la commune a déjà réalisé une opération similaire au quartier Kardjavendza à Kahani en novembre 2020, mais rien n'est prévu dans les semaines à venir. Depuis plusieurs mois cependant, les élus et les agents municipaux reçoivent des menaces et des intimidations. Il y a trois semaines, un policier municipal a été victime de jets de pierre au volant de son véhicule personnel, et la voiture d'un médiateur a été incendiée. 
    
Et depuis la participation active du maire et des policiers municipaux pour arrêter un délinquant présumé et la condamnation de celui-ci à six ans de prison ferme, les menaces sur Youssouf Ambdi et les agents municipaux se sont renforcées. Vendredi matin, pour soutenir leur maire, les agents municipaux de la commune de Ouangani ont usé de leur droit de retrait. Mais ils s'inquiètent de la tournure des événements. "Nous ne sommes pas dans un climat de travail serein. Là, ce sont des voitures qui ont été brûlées. Et demain, ce sera quoi ? Des maisons ?", s'interroge Assadillah Abdourahamani, directeur général des services de la commune de Ouangani.