Le démographe Hervé Le Bras suggère "que Mayotte rejoigne les Comores", Manuel Valls dénonce "des propositions vaines et blessantes"

Une vue aérienne de la Petite-Terre près de trois semaines après le passage du cyclone Chido
Le démographe et historien Hervé Le Bras a préconisé "que Mayotte rejoigne les Comores" ce vendredi dans la matinale de France Inter. Des propos dénoncés dans un communiqué par le ministre des Outre-mer Manuel Valls, mais qui soulèvent à nouveau la question du statut du département à l'ONU.

Hervé Le Bras, démographe et historien, était l'invité de la matinale de France Inter ce vendredi 31 janvier. Interrogé sur les propos du Premier ministre François Bayrou sur "le sentiment de submersion migratoire" et sur la situation à Mayotte, le chercheur "ne voit qu'une seule solution" pour le département. "C'est la solution que recommande d'ailleurs l'ONU, il y a eu 18 votes à ce sujet, c'est que Mayotte rejoigne les Comores", explique le chercheur. 

"Alors vous me direz, qu'est-ce qu'on va faire des Mayottiens (sic), des Mahorais ? On leur donnera, comme ont fait les Anglais en Tanzanie et au Kenya, le droit de revenir en France", poursuit Hervé Le Bras. "Ceux qui sont de Mayotte, c'est des Comoriens, ils ont de la famille à Anjouan et à Grande Comore." Des propos dénoncés le soir même par le ministre des Outre-mer Manuel Valls, en revenant de deux jours de déplacements dans le département. "S’il y a bien un territoire où l’attachement à la France est intensément profond, c’est bien à Mayotte", écrit-il dans un communiqué. "Les Mahorais méritent tout notre soutien et notre solidarité, non pas des propositions vaines et blessantes."

L'ONU ne reconnaît pas Mayotte française

Reste à ce débat une question en suspens : le statut du département à l'ONU. La communauté internationale ne reconnaît pas officiellement le rattachement de Mayotte à la France. S'il se base sur le principe du droit des peuples à l'autodétermination, les Comores, qui revendiquent le territoire, font valoir un autre principe de droit international : l'intangibilité des frontières issues de la décolonisation. La France a été condamnée en 1976 par une résolution de l'ONU, lui demandant de se retirer "de l'île comorienne." Jusqu'en 1994, plusieurs motions sont adoptées à ce sujet, mais avec de moins en moins de fermeté et de soutien. 

Cette question a été discutée ce mercredi 29 janvier à l'Assemblée nationale, en commission des Affaires étrangères. La députée mahoraise Estelle Youssouffa rendait compte de la mission réalisée à l'ONU en novembre 2024, et en a profité pour dénoncer la position de la France à l'internationale. "Bien que ces résolutions n'aient aucune portée contraignante, ces condamnations ont eu un impact visiblement traumatique sur notre diplomatie", explique l'élue. "Défendre Mayotte française, notre intégrité territoriale, remettre les Comores à leur place, ne fait pas partie des priorités de la délégation permanente de la France à l'ONU. C'est une ligne assumée du Quai d'Orsay."

"Plus de fermeté avec les Comores"

Selon Estelle Youssouffa, le ministère des Affaires étrangères privilégie l'aide au développement et la coopération avec les Comores. "Entendre nos diplomates se gargariser des efforts de notre pays pour produire de l'eau potable en Afrique devant la représentante d'un département français qui en manque cruellement, souligne les incohérences de notre politique étrangère", poursuit-elle. Le statu quo maintenu par la France pourrait-il évoluer sous l'influence du gouvernement Bayrou ? Les relations se sont tendues depuis le passage du cyclone Chido. Alors que le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, et le ministre des Outre-mer Manuel Valls annoncent un durcissement de la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte et "plus de fermeté avec les Comores", le président de l'archipel a annoncé qu'il n'accueillerait pas les ressortissants comoriens expulsés de l'île.