"Comme un million de papillons noirs" dépasse les 10.000 exemplaires vendus

Laura Nsafou, dite Mrs. Roots sur les réseaux sociaux.
L’album jeunesse "Comme un million de papillons noirs", de Laura Nsafou, qui traite notamment de l’estime de soi et des cheveux crépus, a franchi la barre des 10.000 exemplaires vendus. Entretien avec l’auteure sur ce succès, son prochain ouvrage et l'afroféminisme.
Né en 2017 grâce à une campagne de financement participative, l’album jeunesse "Comme un million de papillons noirs" (à partir de trois ans) de Laura Nsafou, qui est d’origine martiniquaise et congolaise, a connu en deux ans un succès fulgurant. Tiré au départ à 1.000 exemplaires, le livre a connu plusieurs retirages et compte aujourd’hui plus de 10.000 exemplaires vendus. Et ce n’est pas fini.

La blogueuse afroféministe, devenue très populaire au sein de la communauté noire dans l’Hexagone, est particulièrement suivie sur son site Internet et les réseaux sociaux sous son pseudonyme de Mrs. Roots. Elle met actuellement la dernière main à un nouvel ouvrage et sera en dédicace les samedi 30 novembre (16h-19h) et dimanche 1er décembre (15h-18h) sur le stand des éditions Cambourakis (C14) au Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis à Montreuil. Laura Nsafou est également auteure d’un roman, intitulé "À mains nues" (éditions Synapse), où elle étudie notamment l’influence des différences culturelles dans les rapports sociaux. Interview.

Comment expliquez-vous l’énorme succès de "Comme un million de papillons noirs", qui vient de dépasser la barre des 10.000 exemplaires vendus ? Pensez-vous que vous avez comblé une attente, un angle mort culturel en France ?
Laura Nsafou :
Je ne me l'explique pas (rires). Je savais que ce livre trouverait un écho, notamment auprès de petites filles noires qui sont moquées pour leurs cheveux, une expérience qui est malheureusement commune. Mais pour le reste, le livre a vraiment fait sa vie, tant auprès de ses lecteurs qu'au sein des écoles, des bibliothèques, etc. Je pense effectivement que l'histoire d'Adé fait partie des nombreux récits qui attendent d'être racontés et accessibles au plus grand monde, et qu'il répond à un manque de représentation dans la littérature jeunesse. Il y a aussi des livres qui abordent des thématiques similaires mais qui n'ont parfois pas eu la même exposition ou les mêmes canaux de diffusion, ce sont des facteurs qui contribuent à ce succès. 
 
Extrait de "Comme un million de papillons noirs", de Laura Nsafou

Ce manque de représentation dont vous parlez, ne concerne-t-il pas les Noirs en général dans tous les domaines de la culture, et pas seulement celui de la littérature jeunesse ? 
En effet. L'ensemble des domaines de la culture française prennent pour un imaginaire dit universel, un imaginaire qui serait représenté par un personnage blanc, et dans lequel le reste de la population s'identifierait. Hors, quand on propose des histoires avec des personnages racisés, il nous est souvent reproché de vouloir faire une "'histoire de niche" ou "communautariste", comme si nos visages et nos expériences n'avaient pas vocation à être universels. Je pense que le succès de Papillons noirs montre à quel point le public est soucieux de voir une véritable représentation de la société, et pas une version tronquée ou caricaturale. Il y a une multitude d'histoires dont les Noirs peuvent être acteurs, bien au-delà des clichés coloniaux que l'on voit.

Sur la page de votre blog, vous vous définissez comme étant "dangereusement afroféministe". Alors que voulez-vous dire par là ?
A l'époque, quand je l'ai mis, il y avait surtout cette volonté de souligner un afroféminisme qui ne cherchait pas une quelconque approbation, et je trouve que ça prend tout son sens aujourd'hui. Avec les années, il y a eu parfois une glamorisation de l'afroféminisme par la presse, quand ce n'est pas une stigmatisation du mouvement par le gouvernement. En fin de compte, les populations minorisées sont toujours cataloguées comme dangereuses quand elles s'attaquent aux dynamiques de pouvoir dont elles sont victimes. Un peu comme l'essai d’Edwidge Danticat (écrivaine américaine d'origine haïtienne, ndlr), "Créer dangereusement", qui parle de l'écrivain engagé. Me dire "dangereusement afrofeministe", c'est tout simplement l'assumer.
 

Quelle est votre définition de l’afroféminisme ?
L'afroféminisme est un mouvement de lutte contre les discriminations systémiques subies par les femmes noires. Cela prend donc en compte la corrélation des oppressions qu'elles rencontrent, du fait de leur genre, de leur classe sociale et leur couleur de peau, entre autres.

Vous travaillez actuellement sur un nouvel album jeunesse. Pouvez-vous en révéler les grandes lignes ?
Je ne peux pas en dire trop sur l'histoire mais il aborde cette fois la question du colorisme, c'est à dire de la hiérarchisation qui est faite entre les peaux claires et les peaux plus foncés, et qui résulte du racisme. On y voit encore un message d'émancipation mais aussi, je l'espère, un rappel sur la responsabilité de l'entourage dans le maintien de ces discours véhiculés et des préjugés qui en découlent.

"Comme un million de papillons noirs", par Laura Nsafou - éditions Cambourakis, 32 pages, 14 euros.