Sorti juste avant le début du confinement national, "Un monstre est là, derrière la porte" retrace l’histoire d’une famille très pauvre à La Réunion dans les années 80. Son auteure Gaëlle Bélem signe là un roman d’une cruauté tragico-comique qui se lit avec plaisir.
Quand elle a écrit son roman, Gaëlle Bélem n’imaginait pas ce qui allait nous tomber sur la tête, à savoir une épidémie capable de tuer et de paralyser la vie de millions de Terriens et l’économie de centaines de pays.
Gaëlle Bélem avait envie de raconter le versant de la carte postale de La Réunion : le volcan, le paradis des randonneurs, de la plage, du rougail saucisse et de la douceur de vivre. L’auteure a choisi de faire un récit sur les oubliés de La Réunion où 40% de la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. "En matière d’inégalité, on fait partie des territoires français les plus forts", souligne Gaëlle Bélem.
Son récit particulièrement dur et désespéré parvient à faire sourire, voire rire. Grâce à une écriture de virtuose et un humour désopilant, les lignes du roman défilent à un rythme et un plaisir étonnant.
►Regardez cette vidéo de Gaëlle Bélem mise en forme par Florence Perret :
L’auteure ne voulait pas d’un récit ennuyeux sur la misère affective, économique et intellectuelle de cette population qu’elle connaît bien. Elle-même a grandi à l’est de La Réunion à Saint-Benoit dans "une famille très pauvre, mais très aimante". Rien à voir avec les Dessaintes, les héros de son roman, une lignée digne des Rougon-Macquart d’Emile Zola.
Cette famille a pour dénominateur commun la misère. Quand la petite fille décrit ses parents par la plume de Gaëlle Bélem, cela donne ces phrases : "Mes parents étaient animés d’une seule et abjecte conviction : que la meilleure façon d’élever des enfants étaient de leur clouer le bec en les terrorisant ! Ils n’expliquaient donc pas, ils épouvantaient. Ils ne persuadaient jamais puisqu’il était plus simple d’intimider".
L’auteure avoue ici une parenté avec Michel Houelbecq dont la mère vivait à un kilomètre de chez elle à La Réunion. "J’adore -comme lui- Lovecraft et Huysmans. Et chez lui, j’aime son cynisme et son portrait de la société contemporaine, sa manière de décrire la misère sexuelle et affective de l’homme contemporain".
La romancière réunionnaise apprécie aussi la littérature antillaise. "Frantz Fanon, Aimé Césaire, Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Maryse Condé et Raphaël Confiant", elle les a tous dévorés et se dit admirative. A 35 ans, Gaëlle Bélem passe beaucoup de temps à lire ses aînés.
Son roman "Un monstre est là, derrière la porte" montre cet amour de la littérature. C’est d’ailleurs la première romancière réunionnaise à être éditée chez Gallimard. François Vergès est passé par la célèbre maison en tant qu'essayiste. Un honneur qu’elle savoure. Gaëlle Bélem a particulièrement apprécié ce coup de fil du directeur de la collection Continents noirs qui après avoir sélectionné son manuscrit l’invitait à venir visiter "la maison".
Avant le confinement, le livre a eu le temps de se vendre et la romancière a reçu près de 80 messages par semaine. Elle a décidé de faire comme Amélie Nothomb, la célèbre écrivaine aux chapeaux noirs démesurés, de répondre à tous les courriers de ses lecteurs. Du coup, ce confinement est passé extrêmement vite pour elle.
Aujourd’hui, professeure de latin et d’histoire/géo dans deux lycées à La Réunion, elle est également juge assesseur au tribunal pour les mineurs. Elle parvient à écrire la nuit de 20h30 à 4h du matin. Gaëlle Bélem écrit depuis l’âge de 12 ans et collectionne les carnets remplis par ses soins. Ses parents la voyaient depuis bien longtemps romancière. Elle a fini par embrasser cette vocation qui pour eux était une évidence.
"Une éducation de la terreur"
Le titre de son roman Un monstre est là, derrière la porte dénote pourtant d’une incroyable intuition. "Je surfe sur cette mauvaise vague", avoue l’auteure. Mais le monstre ici n’est pas l’épidémie. "C’est plutôt la petite fille qui casse les pieds à ses parents. C’est aussi tous ces personnages comme Grand-mère Kalle utilisée dans une éducation par la terreur. C’est enfin toutes les difficultés qui attendent la petite fille derrière sa porte, le déterminisme social", explique la romancière.Gaëlle Bélem avait envie de raconter le versant de la carte postale de La Réunion : le volcan, le paradis des randonneurs, de la plage, du rougail saucisse et de la douceur de vivre. L’auteure a choisi de faire un récit sur les oubliés de La Réunion où 40% de la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. "En matière d’inégalité, on fait partie des territoires français les plus forts", souligne Gaëlle Bélem.
Son récit particulièrement dur et désespéré parvient à faire sourire, voire rire. Grâce à une écriture de virtuose et un humour désopilant, les lignes du roman défilent à un rythme et un plaisir étonnant.
►Regardez cette vidéo de Gaëlle Bélem mise en forme par Florence Perret :
Les Rougon-Macquart de Saint-Benoit
L’auteure ne voulait pas d’un récit ennuyeux sur la misère affective, économique et intellectuelle de cette population qu’elle connaît bien. Elle-même a grandi à l’est de La Réunion à Saint-Benoit dans "une famille très pauvre, mais très aimante". Rien à voir avec les Dessaintes, les héros de son roman, une lignée digne des Rougon-Macquart d’Emile Zola.Cette famille a pour dénominateur commun la misère. Quand la petite fille décrit ses parents par la plume de Gaëlle Bélem, cela donne ces phrases : "Mes parents étaient animés d’une seule et abjecte conviction : que la meilleure façon d’élever des enfants étaient de leur clouer le bec en les terrorisant ! Ils n’expliquaient donc pas, ils épouvantaient. Ils ne persuadaient jamais puisqu’il était plus simple d’intimider".
Les Dessaintes
Pourquoi avoir choisi le nom de Dessaintes pour cette lignée d’hommes et de femmes maltraitants, alcooliques, fainéants, voleurs ou meurtriers ? "J’avais envie d’un nom aux antipodes de ce qu’ils sont, répond la romancière. Ce ne sont pas des saints, loin de là et encore moins des aristocrates. Et puis je me suis inspirée d’un livre que j’adore. "A Rebour" de Joris-Karl Huysmans dont le héros se nomme Jean des Esseintes".L’auteure avoue ici une parenté avec Michel Houelbecq dont la mère vivait à un kilomètre de chez elle à La Réunion. "J’adore -comme lui- Lovecraft et Huysmans. Et chez lui, j’aime son cynisme et son portrait de la société contemporaine, sa manière de décrire la misère sexuelle et affective de l’homme contemporain".
La littérature antillaise
La romancière réunionnaise apprécie aussi la littérature antillaise. "Frantz Fanon, Aimé Césaire, Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Maryse Condé et Raphaël Confiant", elle les a tous dévorés et se dit admirative. A 35 ans, Gaëlle Bélem passe beaucoup de temps à lire ses aînés.Son roman "Un monstre est là, derrière la porte" montre cet amour de la littérature. C’est d’ailleurs la première romancière réunionnaise à être éditée chez Gallimard. François Vergès est passé par la célèbre maison en tant qu'essayiste. Un honneur qu’elle savoure. Gaëlle Bélem a particulièrement apprécié ce coup de fil du directeur de la collection Continents noirs qui après avoir sélectionné son manuscrit l’invitait à venir visiter "la maison".
Comme Amélie Nothomb
Son roman a été publié le 5 mars 2020. Une date qui aurait pu la déprimer, à quelques jours du confinement national le 17 mars. Mais ce n’est pas le genre. "Je suis une optimiste déterminée. Je me dis que ce confinement, cette parenthèse est finalement une deuxième chance pour le livre", confie-t-elle. Les faits semblent lui donner raison.Avant le confinement, le livre a eu le temps de se vendre et la romancière a reçu près de 80 messages par semaine. Elle a décidé de faire comme Amélie Nothomb, la célèbre écrivaine aux chapeaux noirs démesurés, de répondre à tous les courriers de ses lecteurs. Du coup, ce confinement est passé extrêmement vite pour elle.
Professeure et juge
La jeune femme est du genre hypéractive. Après des études en prépa à Toulouse puis à La Sorbonne à Paris, elle est devenue professeure. Ses premières années en Seine-Saint-Denis l’ont marquées à jamais. "C’était très dur mais ça me plaisait. Tous ces jeunes qui avaient envie de s’en sortir m’ont inspirée".Aujourd’hui, professeure de latin et d’histoire/géo dans deux lycées à La Réunion, elle est également juge assesseur au tribunal pour les mineurs. Elle parvient à écrire la nuit de 20h30 à 4h du matin. Gaëlle Bélem écrit depuis l’âge de 12 ans et collectionne les carnets remplis par ses soins. Ses parents la voyaient depuis bien longtemps romancière. Elle a fini par embrasser cette vocation qui pour eux était une évidence.