Voici une invention qui va révolutionner la gestion des déchets dans les villes où les fumeurs prennent pour mauvaise habitude de jeter leurs mégots au sol. Un jeune entrepreneur suédois a mis en place un projet pilote innovant : une petite machine qui distribue de la nourriture aux oiseaux en échange de détritus. Pour le moment, l'engin reconnaît uniquement les mégots, et ne déverse donc des graines que lorsque des restes de cigarettes y sont ajoutés (gare au petit malin qui voudrait y déposer un caillou pour obtenir à manger).
Au cœur de ce projet appelé Corvid Cleaning ("Nettoyage de corvidés") : des corbeaux de Nouvelle-Calédonie ! Ou du moins, c'est ce qu'indiquent Le Point et 20 Minutes qui ont consacré chacun un article à cette trouvaille nordique au début du mois. Mais, en réalité, les oiseaux ramasseurs de mégots ne sont pas des corbeaux calédoniens, que l'on retrouve généralement dans le territoire français du Pacifique.
Corbeau à capuchon
Sur le site internet, spécialement conçu pour répondre aux questions des journalistes et des curieux, par le créateur de Corvid Cleaning Christian Günther-Hanssen, il est détaillé que les oiseaux utilisés dans le projet-pilote sont "pour l'instant des corbeaux à capuchon". L'inventeur souhaite également impliquer "des pies et des choucas" dans la petite affaire de nettoyage. Mais pas de corbeaux de Nouvelle-Calédonie.
Contacté par Outre-mer La 1ère, Christian Günther-Hanssen confirme que les seuls oiseaux avec qui il a expérimenté le ramassage de mégots sont des Corvus cornix, aussi connus sous le nom de corbeaux à capuchon que l'on retrouve principalement en Eurasie, et qui ressemblent à ça :
Ces corvidés, également présents dans les pays nordiques, sont reconnaissables par leur corps blanc ainsi que leurs tête et ailes noires. On peut d'ailleurs reconnaître le corbeau à capuchon sur cette vidéo de Corvid Cleaning partagée par l'agence de presse Reuters et reprise dans l'article de 20 Minutes.
À l'inverse des corbeaux à capuchon, les corbeaux de Nouvelle-Calédonie (Corvus moneduloides) sont entièrement noirs et ne se croisent que dans le Pacifique. Impossible donc d'en apercevoir dans le village suédois de Södertälje.
Des corbeaux calédoniens intelligents
D'où vient cette confusion, alors ? Probablement d'un raccourci fait malencontreusement entre cette nouvelle invention faisant appel à des corbeaux dont l'inventeur connaissait l'intelligence supérieure ("nous avons utilisé ces oiseaux parce qu'ils sont avant tout parmi les animaux les plus intelligents") et des études scientifiques récentes indiquant que les corbeaux calédoniens étaient capables d'utiliser des outils pour se nourrir et de planifier des actions à venir.
Cette étude est d'ailleurs citée dans l'article du quotidien britannique The Guardian, à l'origine de la médiatisation du projet de ramassage de mégots suédois, article sur lequel se sont basés Le Point et 20 Minutes pour relater l'invention en France. Seul problème : le journaliste du Guardian a fait un raccourci trop rapide entre les études sur les corbeaux calédoniens et le projet-pilote de Christian Günther-Hanssen.
Selon une étude, les corbeaux de Nouvelle-Calédonie (...) raisonnent aussi bien qu'un être humain de sept ans, ce qui fait d'eux les oiseaux les plus intelligents pour remplir le boulot [de rammaser les déchets].
Ainsi, il est faux d'affirmer que ce sont des corbeaux calédoniens qui ont été entraînés pour ramasser les mégots de cigarettes de Södertälje. En revanche, "dans d'autres parties du monde, d'autres corvidés pourraient réaliser cette tâche", assure l'entrepreneur, qui projette déjà l'applicabilité de son invention en dehors de la Suède. Pas impossible, donc, de croiser un jour un corbeau calédonien avec une cigarette dans le bec sur les plages de Nouméa.